Classé dans le groupe des addictions et troubles liés à l’usage de substances (encadré) en raison des caractéristiques communes :
– perte de contrôle ;
– poursuite du comportement en dépit des conséquences négatives ;
– phénomène de tolérance (augmentation des sommes engagées ou de la fréquence du jeu) et symptômes de sevrage (malaise physique ou psychique) si impossibilité de jouer ;
– évolution chronique, avec alternance de périodes d’arrêt et de rechute.

Données épidémiologiques

Prévalence :
– entre 1,2 et 7,1 % dans la population générale, selon l’échelle utilisée ;
– 1,3 % en France versus 5 % aux États-Unis et en Australie.
Caractéristiques des joueurs pathologiques :
– surtout des hommes, notamment jeunes (25-34 ans), mais comorbidités plus fréquentes chez les femmes ;
– précarité financière ;
– niveau d’études moins élevé (un tiers ne possède aucun diplôme) ;
– prévalence plus importante parmi les joueurs actifs sur internet (1 sur 10).
En France, surendettement chez une majorité des joueurs, près de 20 % ayant commis des délits (abus de confiance, vol, contrefaçon de chèques…).
Terrain :
– certaines dimensions de personnalité seraient favorisantes :
. recherche de sensations (mais ne discriminant pas les usages problématiques), surtout chez les joueurs de casino ;
. impulsivité : facteur prédictif de la sévérité des symptômes ; liée à une plus grande probabilité d’abandonner une prise en charge psychothérapique et à une moindre efficacité de cette dernière ;
– facteurs génétiques (héritabilité de 0,54) : près de 20 % des sujets ont des antécédents familiaux.

Comorbidités : chez 93 % des patients

Psychiatriques :
– troubles de l’humeur, anxieux et de la personnalité (antisociale notamment) ;
– personnalité borderline, narcissique et histrionique ;
– dépression (concernant plus de 50 % des sujets), avec plus d’un tiers développant des idées suicidaires, et 17 % de tentatives de suicide ;
– troubles anxieux (fréquents), pouvant survenir avant ou après l’apparition du jeu pathologique (syndrome de stress post-traumatique chez 15,5 %).
Autres addictions :
– concernent la moitié des cas ;
– environ 2 sur 3 sont des fumeurs quotidiens ;
– 26,3 % ont un risque de dépendance à l’alcool (contre 3,2 % en population générale) ;
– d’après une étude : relation significative entre la sévérité du trouble lié au jeu et les consommations d’alcool, tabac et cannabis.
Somatiques : métaboliques, systémiques, cardiovasculaires, respiratoires.

Évolution : en 3 phases

Phase de gain :
– premiers gains d’importance variable : petites sommes d’argent de manière répétée jusqu’au big win (facteur de risque +++) => le jeu est maintenu par des phénomènes de l’ordre du conditionnement opérant (les gains renforcent le comportement, l’encouragent et le pérennisent) ;
– le joueur tend à surestimer leur importance et à minimiser ses pertes ;
– croyances « irrationnelles » : illusion de contrôle, méconnaissance de « l’indépendance des tours » (le résultat d’une partie n’influence pas les autres), superstitions ;
– distorsions cognitives : déni des conséquences négatives (financières, individuelles et familiales).
Perte et « chasse » :
– le sujet joue de plus en plus pour compenser ses pertes et « se refaire » ;
– il abandonne ou néglige activité professionnelle, loisirs, vie familiale ;
– des symptômes psychiques de sevrage (envie irrépressible de jouer, irritabilité, nervosité) et parfois même physiques (céphalées, troubles gastro-intestinaux, polypnée) apparaissent.
Désespoir :
– fait souvent suite à une période de perte d’argent prolongée et à l’accumulation de dettes ;
– le sujet peut commettre des actes délictueux pour se procurer de l’argent :
– réaction dépressive ou passage à l’acte suicidaire possibles.

Prise en charge : difficile

L’abstinence totale n’est pas un objectif réaliste dans la majorité des cas.
Viser plutôt un contrôle du jeu.
90 % des joueurs n’auraient pas recours à un traitement.
Psychotropes :
– aucun n’a d’AMM ;
– 3 classes évaluées : antidépresseurs ISRS, thymorégulateurs, antagonistes des opiacés (naltrexone, nalméfène), mais aucune étude contrôlée n’a pu démontrer un effet spécifique sur le jeu pathologique ;
– traitements d’appoint, en association à la psychothérapie (l’effet des thérapies cognitivo-comportementales se maintiendrait plus longtemps si un antidépresseur est associé).
Traitements psychosociaux :
– technique cognitivo-comportementale, en individuel ou en groupe : résultats immédiats équivalents mais mauvaise observance (associer des techniques motivationnelles) ;
– thérapies comportementales (sensibilisation par imagination) : ont une certaine efficacité ;
– thérapies cognitives : « restructuration cognitive » (prise de conscience et travail sur les croyances erronées) et prévention des rechutes (anticipation des situations à risque) ;
– prises en charge issues de la psychanalyse ou des groupes d’entraide (Gamblers Anonymous, SOS Joueurs) : utilisées fréquemment, mais pas évaluées dans des études robustes.
Prise en charge globale :
– écoute et conseils aux proches ;
– volet social : conseils juridiques, protection des biens (curatelle), aide à la constitution du dossier de surendettement…
Encadre

1. Critères diagnostiques du trouble lié au jeu d’argent (DSM-5)

A. Au moins 4 des manifestations suivantes au cours d’une période de 12 mois :

Besoin de jouer avec des sommes d’argent croissantes pour obtenir l’état d’excitation désiré

Agitation ou irritabilité lors des tentatives de réduction ou d’arrêt de cette pratique

Efforts répétés mais infructueux pour contrôler, réduire ou arrêter la pratique du jeu

Préoccupation par le jeu (par la remémoration d’expériences passées, par la prévision de tentatives prochaines ou par des moyens de se procurer de l’argent pour jouer)

Joue souvent de façon contemporaine à souffrance/mal-être (sentiments d’impuissance, de culpabilité, d’anxiété, de dépression)

Après avoir perdu de l’argent au jeu, retourne jouer un autre jour pour recouvrer ses pertes (« se refaire »)

Ment pour dissimuler l’ampleur réelle de ses habitudes de jeu

Met en danger ou a perdu une relation affective importante, un emploi ou des possibilités d’études ou de carrière à cause du jeu

Compte sur les autres pour obtenir de l’argent et se sortir de situations financières désespérées dues au jeu

B. La pratique du jeu d’argent n’est pas mieux expliquée par un épisode maniaque.

Trouble de l’usage :

• léger : 4 à 5 critères ; • moyen : 6 à 7 critères ;

• grave : 8 à 9 critères.

Encadre

2. Jeu chez l’adolescent : plus fréquent

• La prévalence est 2 à 4 fois plus élevée que chez les adultes.

• Surtout : paris sportifs, jeux de casino en ligne (avec la carte bleue des parents) et ceux de grattage, avec lesquels l’adolescent débute.

• Tranche d’âge particulièrement sensible à la publicité, au marketing des différents opérateurs et à internet.

• Particularités à prendre en compte dans le traitement : difficulté à s’intégrer dans les groupes thérapeutiques, à accepter de l’aide, perception d’autoritarisme.

• Traiter les comorbidités addictives et psychiatriques, notamment le TDAH.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés