Le jeûne occasionnel est de plus en plus pratiqué : on en vante les effets sur la perte de poids et l’amélioration des maladies métaboliques, mais aussi la capacité de booster l’efficacité des traitements contre le cancer. Mais que disent les dernières études ? Comment orienter vos patients ?

Il n’existe pas de définition unique, mais plutôt différentes pratiques de jeûne dont le point commun est de limiter volontairement les ingesta caloriques pendant une période déterminée : jeûnes « hydriques » (consommation uniquement de boissons non caloriques) ou de jus de légumes pendant un ou plusieurs jours, jeûnes de type Ramadan sans nourriture ni boisson pendant plusieurs heures sur une période prolongée, ou encore diverses formes de jeûne dit intermittent.

Parmi ces derniers, qui sont les plus étudiés, on peut distinguer plusieurs formes : jeûne alterné (en général 0-500 kcal par jour de jeûne, alternant avec un apport ad libitum les jours sans jeûne) ; le jeûne 5:2 (deux jours de jeûne et cinq jours sans jeûne par semaine) et l’alimentation limitée dans le temps, parfois appelée « jeûne circadien » (prises alimentaires restreintes à un intervalle de temps chaque jour, dont la durée varie en général entre 8 et 10 heures, par exemple ne manger qu’entre 8 h et 16 h).

Malgré la popularité croissante de ces pratiques, seules quelques études ont examiné leurs effets bénéfiques sur la santé humaine – la plupart des études ont en effet été menées chez l’animal (rongeurs, macaques...).

Jeûne et perte de poids

La majorité des études sur les pratiques de jeûne intermittent et leurs effets sur le poids ont été menés chez des patients atteints de surpoids ou obésité, limitant leur généralisation à l’ensemble de la population.

Selon une revue « parapluie » publiée en 2021 dans le JAMA, synthétisant 11 méta-analyses d’essais randomisés, le jeûne 5:2 et le jeûne alterné étaient associés à une perte de poids statistiquement significative (supérieure à 5 %) chez les adultes ayant un surpoids ou une obésité, mais ce n’était pas le cas des jeûnes de type circadien ou du jeûne alterné incluant des jours sans aucun ingesta. De plus, cette perte de poids était surtout constatée lors d’une phase initiale (6 premiers mois), et non par la suite – peut-être en raison d’une adaptation métabolique du corps ou bien d’une observance difficile à maintenir sur le long terme.

Une revue de la littérature publiée en 2022 dans Nature Reviews Endocrinology a, quant à elle, conclu que le jeûne alterné, le 5:2 et le circadien pourraient engendrer une perte de poids légère à modérée (3 à 8 % du poids) sur des durées courtes (8-12 semaines). Toutefois, la perte de poids avec ces pratiques ne serait pas supérieure à celle obtenue avec les régimes plus classiques de restriction calorique quotidienne. Des essais randomisés plus récents, avec un suivi sur 12 mois, ont étayé ce résultat (absence de supériorité par rapport à la restriction calorique) : une étude chinoise parue en 2022 dans le NEJM et une étude américaine publiée en 2023 dans Annals of Internal Medicine.

Ce type de jeûne ne semble pas, en revanche, être associé à davantage d’effets indésirables (maux de tête, fatigue, nausées…) que les régimes classiques de restriction calorique.

D’autres travaux devraient être conduits pour évaluer l’efficacité de tels régimes sur le long terme, car la majorité des études disponibles concernent des périodes courtes. En pratique, le respect du jeûne intermittent sur le long terme se heurte à plusieurs écueils : sensation de faim qui peut perturber la qualité du sommeil, obstacles à la socialisation (car impossibilité d’assister à des dîners familiaux ou amicaux…), non-respect des recommandations nutritionnelles (répartition de 3 repas dans la journée).

Jeûne et pathologies

Certaines études suggèrent que le jeûne intermittent pourrait avoir un effet bénéfique sur l’amélioration des facteurs de risque métabolique. La revue publiée dans le JAMA rapporte ainsi des associations bénéfiques statistiquement significatives entre la pratique de jeûne et l’amélioration de marqueurs cardiométaboliques tels que la masse adipeuse, le LDL-cholestérol et le cholestérol total, les triglycérides, la résistance à l’insuline, la glycémie à jeun et la pression artérielle. Elle concluait toutefois que d’autres essais cliniques avec un suivi à long terme étaient nécessaires pour étudier les effets cliniques du jeûne, sur les événements cardiovasculaires et la mortalité.

Une autre revue de la littérature récemment publiée dans Nutrients soulignait que le jeûne circadien – mais non le jeûne alterné ou le jeûne 5:2 – peut apporter des bénéfices en matière de résistance à l’insuline et de contrôle glycémique. Toutefois, une revue systématique et méta-analyse d’essais randomisés parue en 2021 dans Diabetes Research and Clinical Practice démontrait que les effets du jeûne intermittent sur le contrôle glycémique était comparable à celui des régimes de restriction calorique continue chez les patients diabétiques de type 2. D’autres études sont encore nécessaires. Néanmoins, le jeûne comporte des risques importants en cas de diabète (hypoglycémies et décompensation acido-cétosique).

Globalement, les résultats sont donc contradictoires : selon la revue de littérature publiée dans Nature, si certaines études montrent une amélioration ces facteurs de risque cardiométabolique (PA, LDL-cholestérol et triglycérides, résistance à l’insuline, HbA1c…), d’autres ne montrent pas de bénéfice.

Enfin, en oncologie, l’amélioration de l’efficacité et de la tolérance de la chimiothérapie par le jeûnedémontrée chez les rongeurs (en jeûnant, on ne nourrit pas les cellules tumorales, qui ont des besoins nutritionnels importants et se multiplient plus rapidement que les cellules normales) n’a pas été confirmée chez l’homme. Ainsi, le jeûne et les régimes restrictifs ne sont pas recommandés, ni en prévention ni pendant la maladie. Une expertise collective du Réseau national alimentation cancer recherche (NACRe) a même pointé un rôle délétère, car ces pratiques pourraient augmenter le risque de dénutrition et de perte de masse musculaire (sarcopénie), qui sont des facteurs de mauvais pronostic du cancer. Elles sont donc à déconseiller dans ce contexte. Si les patients souhaitent toutefois pratiquer le jeûne, il faut les adresser à une diététicienne pour mettre en place un suivi nutritionnel strict.

Pour en savoir plus
Varady KA, Cienfuegos S, Ezpeleta M, et al. Clinical application of intermittent fasting for weight loss: progress and future directions.  Nat Rev Endocrinol 2022;18:309-21.
Patikorn C, Roubal K, Veettil S, et al. Intermittent Fasting and Obesity-Related Health Outcomes.  JAMA 2021;4(12):e2139558.
Lin S, Cienfuegos S, Ezpeleta M, et al. Time-Restricted Eating Without Calorie Counting for Weight Loss in a Racially Diverse Population.  Ann Intern Med juillet 2023.
Liu D, Huang Y, Huang C, et al. Calorie Restriction with or without Time-Restricted Eating in Weight Loss.  N Engl J Med 2022;386:1495-1504.
Wang X, Li Q, Liu Y, et al. Intermittent fasting versus continuous energy-restricted diet for patients with type 2 diabetes mellitus and metabolic syndrome for glycemic control: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials.  Diabetes Res Clin Pract 2021;179:109003.
Harris C, Czaja K. Can Circadian Eating Pattern Adjustments Reduce Risk or Prevent Development of T2D?  Nutrients 2023;15(7);1762.
Schlienger JL. Le jeûne a-t-il une place en thérapeutique ?  Vidal 21 avril 2022.
Service publique d’information en santé. Le jeûne occasionnel est-il bon pour la santé ? Permet-il de perdre du poids ? 19 décembre 2022.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés