En France, l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable, après le tabac : entre 40 000 et 45 000 décès par an lui sont attribués. Les premières expériences avec l’alcool s’observent dès l’entrée au collège, et les quantités consommées progressent durant toute la scolarité. Dans les années 2000, plus d’un élève de 6e sur deux déclarait ainsi avoir déjà bu au moins une fois de l’alcool au cours de sa vie et un élève de terminale sur cinq avouait consommer de l’alcool au moins 10 fois par mois. Depuis, les chiffres diminuent, mais, en 2017, encore 8,4 % des jeunes de 17 ans étaient des utilisateurs réguliers, et 16,4 % évoquaient des alcoolisations ponctuelles importantes (API) répétées ; cela reste extrêmement préoccupant !1
Que deviennent ces alcoolisations de l’adolescence chez les jeunes adultes ? Poursuivent-ils leurs mésusages antérieurs ? Adoptent-ils une consommation plus modérée et maîtrisée, ou au contraire excessive ? Par rapport aux adolescents quasiment tous scolarisés et vivant très majoritairement chez leurs parents, la typologie des 18-30 ans est beaucoup plus diverse sur les plans social, professionnel et familial. Cette tranche d’âge est bien celle pour laquelle le risque d’alcoolisation excessive est le plus important. Les hommes sont davantage concernés, et cette différence significative entre genres est retrouvée à toutes les périodes de la vie ; les jeunes hommes sont les plus à risque d’alcoolisation ponctuelle ou chronique tandis que les femmes du même âge modèrent plus tôt et durablement leurs comportements. Parmi les 18-24 ans, ce sont les actifs qui sont les plus à risque, et non les étudiants ou les chômeurs, ratio qui s’inverse par la suite. Contrairement à certaines idées reçues, ce sont les jeunes adultes les plus favorisés ou les plus diplômés qui sont les plus gros consommateurs !2
La lutte contre la consommation d’alcool doit être une priorité de santé publique, comme celle contre le tabagisme. Multiplier les interventions pédagogiques auprès des adolescents permettrait d’expliquer les dangers des expérimentations de l’alcool et ceux des API ; augmenter le prix des produits en jouant sur des taxes additionnelles, à l’instar du tabac, diminuer le seuil de tolérance en prévention routière seraient aussi de bons outils. Et, au vu des données publiées par l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes),2 avoir une action plus spécifique envers les jeunes adultes – population au plus haut risque – semble nécessaire, même si la possibilité d’interventions ciblées est limitée par la diversité des profils dans cette tranche d’âge. Les médecins traitants peuvent contribuer à ces actions, mais les 18-30 ans ne sont pas les patients qui consultent le plus souvent.
Malheureusement, en matière de prévention contre l’alcoolisme, les acteurs de santé publique et les décideurs politiques rencontrent de nombreux obstacles : culturels d’abord car, en France, le vin fait partie d’un patrimoine convivial et festif ; socio-­économiques ensuite, avec une importante filière viticole représentée par un lobby très actif. La lutte contre l’alcoolisme est donc bien difficile à mener dans notre pays ; la différence d’écho médiatique et la faible volonté politique à porter le Dry January comparé au Mois sans tabac en sont des témoins éloquents !
Références
1. Observatoire français des drogues et des tendances addictives. Les drogues à 17 ans : analyse de l’enquête ESCAPAD 2017. 2017 Tendances n° 123. https://bit.ly/3siYltf
2. Com-Ruell L, Choquet M. La consommation d’alcool des jeunes adultes. Irdes. Questions d’économie de la santé n° 265, janvier 2022. https://bit.ly/3w503zE