Les Jeux olympiques et paralympiques, qui auront lieu du 26 juillet au 11 août et du 28 août au 8 septembre prochains respectivement, réuniront 10 500 athlètes olympiques et 4 350 athlètes paralympiques. L’Office du tourisme et des congrès de Paris prévoit16 millions de visiteurs sur le territoire national, dont la quasi-totalité (15 millions) en Île-de-France et près de 2 millions d’étrangers. Les Jeux se déroulent non seulement à Paris et Île-de-France, mais, pour certaines compétitions, à Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, Nice, Saint-Étienne, Marseille et Tahiti.
Principalement des risques infectieux
En raison des flux touristiques attendus (près de 1 million de touristes de plus qu’en temps normal), la diffusion d’agents infectieux est identifiée comme l’un des risques les plus probables en dehors d’un épisode caniculaire, selon Marie Bâville (sous-directrice de la veille et de la sécurité sanitaire à la Direction générale de la santé).
Il pourrait s’agir notamment de :
- toxi-infections alimentaires collectives (qui ont d’ailleurs atteint des chiffres record en 2022 en France) ;
- arboviroses (dengue, Zika, chikungunya), alors que leur vecteur, le moustique tigre, gagne chaque année plus de terrain en France. Le Covars avait alerté en 2023 sur le risque sanitaire croissant lié à ces pathologies, soulignant l’importance de « préparer les grands événements internationaux se déroulant en métropole (Jeux Olympiques et Paralympiques à l’été 2024) dans le contexte du réchauffement climatique et des mouvements de populations exposant à une recrudescence de cas » ; pour rappel, en 2023, Santé publique France a enregistré 9 foyers de transmission autochtone de dengue (45 cas) sur le territoire métropolitain – principalement dans le sud – et le nombre de cas importés de dengue le plus élevé depuis 2006, ainsi qu’une recrudescence d’épidémies dans les régions d’outre-mer antillaises sur fond d’augmentation exponentielle des cas de dengue dans plusieurs pays des Amériques ;
- infections respiratoires aiguës, dont le Covid- 19 ;
- infections sexuellement transmissibles :« ce risque est difficile à évaluer car nous ne connaissons pas précisément le profil des visiteurs », souligne l’épidémiologiste Dominique Costagliola ; s’il semble en effet que « le public sera majoritairement familial [65 % des visiteurs selon les estimations de l’Office de tourisme de Paris], il y aura aussi certainement un grand nombre de personnes qui seront là pour se retrouver et faire la fête ». Elle avertit donc de la nécessité de se préparer à une possible augmentation des consultations urgentes pour des prescriptions de traitement post-exposition contre le VIH ou de dépistages d’autres IST (Chlamydia, gonocoque, syphilis… dont l’incidence est déjà en hausse ces dernières années, mais aussi résurgence du mpox), et plaide pour la mise en place d’une campagne de communication en amont et de l’accès gratuit aux préservatifs ;
- autres pathologies infectieuses à déclaration obligatoire comme la rougeole, la diphtérie ou les méningites. L’Afpa a ainsi récemment appelé le gouvernement à prendre des mesures pour prévenir une amplification, lors des JO, de l’augmentation des cas d’infections invasives à méningocoques déjà observée ces derniers mois ; elle a rappelé que la HAS doit mettre à jour ses recommandations vaccinales contre les IIM à sérogroupes ACWY et B pour une publication avant les JO).
Renforcement de la surveillance et de l’offre de soins
Une surveillance sanitaire accentuée est prévue pendant les Jeux « dans le but de détecter un signal à bas bruit – c’est-à-dire des cas d’infections peu nombreux mais susceptibles d’annoncer un foyer infectieux – afin d’intervenir rapidement », à l’instar de la surveillance mise en place pendant la Coupe du monde de football de 1998, explique Pierre-Yves Boëlle (directeur de recherche à l’institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, Inserm). Cette surveillance serait menée par plusieurs systèmes, dont le réseau Sentinelles – notamment pour les infections respiratoires et diarrhées aiguës –, les laboratoires d’analyse – pour les maladies vectorielles, les méningites, les IST – ou après des structures comme les centres d’urgences ou SOS médecins, où les maladies infectieuses sévères d’évolution rapide sont plus susceptibles d’être prises en charge. « Nous aurons la possibilité de concentrer l’analyse des données sur les sites sur lesquels se déroulent les Jeux et de fournir des résultats plus réguliers qu’à l’accoutumée », souligne-t-il.
De très nombreux scénarios ont déjà été anticipés par les autorités sanitaires, selon Marie Bâville : les risques « ont été recensés et hiérarchisés [et] la DGS prépare, en lien avec les agences sanitaires et les acteurs territoriaux, les dispositifs et moyens de réponse pour faire face à toutes les situations sanitaires exceptionnelles ».
L’ARS Île-de-France a annoncé des mesures pour « organiser et garantir les soins pour tous, Franciliens, visiteurs, touristes comme athlètes », à l’hôpital et en ville, en renforçant tout particulièrement les capacités des établissements situés à proximité des sites de compétition : pour ces derniers, l’idée est de « renforcer sans surmobiliser », explique Nathalie Nguyen (cheffe de projet Jeux olympiques et paralympiques à l’ARS), « nous demandons essentiellement d’anticiper la gestion des plannings estivaux et d’avoir [des capacités] en termes de ressources humaines et de lits légèrement supérieur[es] à un été standard. ».
La hausse de la fréquentation des urgences hospitalières est en effet estimée à 5 % par l’ARS. La ministre des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, a annoncés que des « démarches » avaient été entreprises pour augmenter le nombre de lits ; l’AP-HP a prévu d’ouvrir 360 lits supplémentaires (+ 5 % par rapport aux lits habituellement ouverts un mois d’août) et de mobiliser environ 730 professionnels médicaux et paramédicaux de plus par rapport aux été précédents, selon les dernières annonces fin 2023. Par ailleurs, une polyclinique des athlètes éphémère sera installée au cœur du village olympique, entre Saint-Denis et Saint-Ouen, et plusieurs hôpitaux de l’AP-HP ont été fléchés pour prendre en charge des publics spécifiques : l’hôpital européen Georges-Pompidou (15e arrondissement) pour les délégations officielles olympiques, l’hôpital Avicenne (Bobigny) pour les milliers de journalistes accrédités et l’hôpital Bichat (18e arrondissement) pour les athlètes.
Pour la médecine de ville, la ministre a annoncé des « plans d’action spécifiques complémentaires » concertés avec le ministre de la Santé, sans donner pour le moment d’autres précisions. Des augmentations des capacités d’accueil des maisons médicales de garde pour les soirs et le week-end auraient déjà été prévues, d’après Nathalie Nguyen, qui ajoute enfin que des campagnes de communication seront diffusées pendant les Jeux auprès du grand public, avec des informations pratiques sur l’accès aux soins.
ARS Île-de-France. Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 : l'ARS Île-de-France mobilise et organise. 29 janvier 2024.
Jacquot G. JO : le gouvernement anticipe une hausse de 5 % de la fréquentation des urgences hospitalières. Public Sénat, 6 mars 2024.