Après une année de confinements, les épidémies pédiatriques sont de retour, et sous surveillance, tout comme les infections par le SARS-CoV-2 dans cette population non vaccinée. Quelles sont les derniers chiffres en France sur les PIMS, ces formes graves de Covid pédiatrique dont on a peu parlé depuis la première vague ? Faut-il s’inquiéter de la remontée des autres infections ? Quid des vaccinations des moins de 11 ans, notamment contre le SARS-CoV-2 ? Interview de la Pr Élise Launay, pédiatre et infectiologue (CHU de Nantes), et du Pr Alexandre Belot, coordinateur du « Copil Covid inflammation pédiatrique ». Exclusif !
PIMS : quel bilan en France ?
Pr É. Launay – Les cas de PIMS (syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique) sont recensés par Santé publique France. Au total, depuis le 2 mars 2020, 669 cas ont été rapportés en lien avec le Covid. Les pics sont décalés d’environ 1 mois par rapport aux vagues épidémiques (v. figure 1 ci-dessous). Ces réactions ont des ressemblances avec la maladie de Kawasaki « standard » (signes cutanés notamment) mais elles ont certaines spécificités. Le profil des jeunes patients n’est pas le même : l’âge moyen est plus élevé (8 ans versus 3 ans pour le Kawasaki habituel, non lié au Covid), les myocardites sont plus fréquentes (71 % dans les PIMS post-Covid).
Les manifestations cliniques de ces syndromes inflammatoires sont très bruyantes : l’enfant est très fatigué, a un état altéré, des signes cutanés accompagnés parfois de troubles digestifs ou neurologiques. La prise en charge hospitalière est bien codifiée.
Pr A. Belot – Nous recherchons aujourd’hui les facteurs génétiques qui favoriseraient ces réactions, car il existe une surreprésentation des PIMS chez les patients d’origine nordafricaine et d’Afrique subsaharienne. Concernant le devenir de ces enfants, les données – avec un recul de plus de 1 an – sont rassurantes, avec pas ou peu de séquelles. Toutefois, des cas de fatigue, anxiété, urticaire ont été rarement rapportés et méritent d’être explorés plus en détail.
Figure 1 : Distribution des cas de PIMS et des cas de Covid-19 (tout âge) par semaine d’hospitalisation, France, 02/03/2020-03/10/2021 (source : données de Santé publique France, non publiées).
Y a-t-il une augmentation des cas depuis la levée des gestes barrière ?
É.L. – Non, il n’y a pas plus de cas de PIMS après la 4e vague de Covid due au variant delta (figure 1 ci-dessus), comme il avait été prédit par certaines modélisations. Il y a eu des alertes concernant un plus grand nombre de cas de Covid et d’hospitalisations pédiatriques aux États-Unis cet été. Cependant, cette augmentation était plus liée à un état de santé initial plus précaire et à des inégalités dans l’accès aux soins qu’à une plus forte virulence du virus. En outre, Il y avait une forte différence selon les états, ceux dont la couverture vaccinale était faible étant les plus touchés. En France, il y a eu une inquiétude sur un plus grand nombre d’hospitalisation mais, en analysant ce signal, nous nous sommes rendu compte qu’il ne s’agissait pas de formes plus graves de Covid mais plutôt d’hospitalisations liées au jeune âge des enfants : il est en effet fréquent qu’un nourrisson de moins de 3 mois avec une fièvre isolée soit hospitalisé pour surveillance. Si le variant delta est plus contagieux, y compris chez l’enfant, il n’a pas un tropisme pédiatrique augmenté et n’induit pas davantage de formes graves.
Les modélisations ont été très alarmistes, prévoyant une incidence de 50 000 cas par jour chez les enfants après la rentrée, mais pour le moment on en est loin. Au vu de ces données rassurantes, il faudrait réadapter les mesures en vigueur : fermer les classes à partir d’un cas positif n’est pas raisonnable aujourd’hui, alors que 85 % de la population de plus de 12 ans est vaccinée ! Malgré les peurs liées à cette épidémie, il est temps de retrouver la raison…
Les autres infections repartent à la hausse : faut-il s’inquiéter ?
É.L. – Bronchiolites, gastroentérites, infections à entérovirus, otites sont en augmentation (figure 2 ci-dessous). Concernant la bronchiolite, l’épidémie a commencé plus tôt que les années précédentes (figure 3 ci-dessous) mais on ne sait pas quelle sera son ampleur. Les enfants qui n’ont pas rencontré le VRS l’année dernière seront inévitablement infectés cette année (donc il y aura plus de cas) mais ils seront plus « âgés », donc moins susceptibles d’être hospitalisés…
Les adultes seront aussi plus transmetteurs car, comme les enfants, ils n’ont pas été touchés l’année dernière, donc leur immunité n’a pas été stimulée. Il faut donc garder les bonnes mesures d’hygiène, d’autant plus avec les nouveau-nés et les tout-petits : se laver les mains, porter un masque lorsqu’on est malade, éviter les visites chez un nouveau-né si on est enrhumé. Si un bébé fait sa bronchiolite à 6 mois plutôt qu’à 20 jours, c’est bien mieux !
Dernier message : les enfants toussent, oui, car il y a de nombreux virus qui circulent. Il faut arrêter de les stigmatiser comme des « porteurs de Covid » et de les tester sans arrêt dans les écoles. Toutes les enquêtes en santé scolaire vont dans le même sens : il faut accepter d’être rassuré !
Figure 2 : Diagnostics des pathologies infectieuses pédiatriques en 2021 (d’après la réf. 1).
Figure 3 : Passages et hospitalisations après passages aux urgences pour bronchiolite en France métropolitaine, enfants de moins de 2 ans, 2019-2021 (d’après la réf. 2).
Que pensez-vous de la vaccination des 6-11 ans contre le Covid ?
É.L. – Aujourd’hui, la vaccination des 6-11 ans n’est pas la priorité. En termes de coûts, il y a d’autres campagne de vaccination à financer bien plus importantes, le rotavirus chez les nourrissons, par exemple ! Étant donné que les formes graves de Covid sont très rares dans la population pédiatrique et que les vaccins ne sont pas très efficaces contre la transmission virale, la vaccination des enfants nécessite de données de sécurité extrêmement solides (on parle de « risque zéro »). On ne peut pas les vacciner juste pour rassurer les adultes ! Bien sûr, si la situation évolue, avec une augmentation préoccupante des infections ou des variants plus agressifs, il faudra se reposer la question de la balance bénéfice-risque.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Références :
1. InfoVac. Données du réseau PARI – Semaine du 11 octobre 2021. 18 octobre 2021.
2. Santé publique France. Bulletin épidémiologique bronchiolite, semaine 40. Saison 2021-2022. 14 octobre 2021.
Pour en savoir plus :
Nobile C. Kawasaki-like lié au Covid chez l’enfant : quels sont les signes ?Rev Prat (en ligne) 12 juillet 2021.