La kinésithérapie respiratoire pédiatrique manque aujourd’hui de données justifiant sa pratique. Pour autant, il faut rappeler que cette « évidence » repose sur des études cliniques principalement d’origine anglo-saxonne évaluant un cortège disparate de techniques regroupées au sein du terme générique de Chest Physiotherapy.1 Cela provoque « certaines incompréhensions qui viennent aussi des questions sémantiques ».1 La « physio- thérapie respiratoire » évaluée au sein de ces travaux, vibrations, percussions, clapping, drainage de posture, n’a effectivement pas d’indication dans la bronchiolite du nourrisson.
Qu’en est-il de l’AFE (augmentation du flux expiratoire ; encadré) ? En France comme en Suisse,2, 3 on n’a pas retrouvé de niveau de preuve satisfaisant. Cependant, ces études n’ont ciblé que de très jeunes patients hospitalisés ne représentant qu’une faible part de l’effectif des sujets atteints chaque année (5 %). Par ailleurs, elles stipulent que la kinésithérapie respiratoire ne serait pas efficace car elle ne raccourcit pas la durée d’évolution de la maladie ! Mais comment le pourrait-elle ? La kinésithérapie respiratoire n’est qu’un traitement symptomatique de l’encombrement, en aucun cas elle ne peut jouer le rôle d’un antiviral ! Il est donc bien dommage que l’apport des techniques de kinésithérapie respiratoire pédiatrique n’ait été jugé que sur la seule durée d’évolution de la maladie tant il est évident qu’en l’absence d’encombrement elles n’ont pas d’utilité !
Pourtant, la kinésithérapie respiratoire a potentiellement de multiples atouts. Elle permet le désencombrement des voies aériennes inférieures, notamment pour les plus petits, les plus fragiles, ceux nécessitant une surveillance accrue, en sachant que la visée sera fonctionnelle et symptomatique. Elle donne l’occasion d’éduquer les familles sur les notions d’information, de mouchage, d’hygiène, qui nécessitent des messages réitérés et des contrôles d’acquisition. Enfin, elle participe à l’organisation et la continuité des soins. Le parcours de soins de la bronchiolite est typiquement intégré et coopératif. Le kinésithérapeute peut renseigner utilement le médecin sur l’évolution et le degré d’encombrement. Il peut donc jouer un rôle « sentinelle » dans la surveillance en orientant à bon escient le petit patient pour un nouvel avis médical au décours de l’évolution de la maladie si celle-ci n’est pas satisfaisante. Le consensus HUGO4 insiste sur ce positionnement dans l’intérêt des tout-petits.
Dans cette optique, les éléments de traçabilité de l’acte kinésithérapique figurent désormais au sein des fiches bilan des réseaux.5 Cette continuité d’information avant ou après une hospitalisation est d’ailleurs une priorité pour ces derniers, compte tenu du fardeau épidémiologique que représente la bronchiolite.6
Récemment et de façon plus factuelle, plu- sieurs études ont évalué son intérêt dans la prise en charge ambulatoire d’un nourrisson ayant un premier épisode de bronchiolite et apportent de nouvelles données sur le sujet.7-9
Elles ont montré des effets transitoires en termes de désencombrement des voies aériennes inférieures (l’impact de l’encombrement avait été objectivé au préalable par des scores). S’il est vrai que l’évaluation ne porte que sur les paramètres respiratoires, l’amélioration corollaire du confort de l’enfant n’est pas à négliger. L’AFE pourrait agir sur la résistance hydro-dynamique de l’arbre bronchique, une des trois causes de l’obstruction dans la bronchiolite, avec l’inflammation et l’éventuelle participation d’une hyperréactivité bronchique.10 Malgré les réserves inhérentes à leurs méthodologies et/ou à leurs effectifs, ces études relancent la question de l’intérêt de la kiné respiratoire en ambulatoire et méritent d’être prolongées par des études randomisées avec groupe contrôle.
Désormais, il est aussi question d’évaluer son effet sur l’encombrement bronchique, et ce avec des critères plus adaptés : amélioration des paramètres respiratoires des nourrissons, de leur confort (alimentation, sommeil), diminution de la gravité. Et de préciser ses indications (formes sécrétantes, nourrissons à risque de complications : jeune âge, comorbidités, environnement défavorable, etc.).
In fine, la bronchiolite du nourrisson requiert des soins adaptés et individualisés compte tenu des profils des petits patients, de la diversité de leurs terrains et de leurs environnements, des incertitudes quant à son évolution. On comprend mieux, dès lors, que la kinésithérapie respiratoire puisse sembler inutile pour les uns et indispensable pour les autres…
références
1. Dutau G. Reste-t-il des indications pour la kinésithérapie respiratoire dans les bronchiolites ? Réalités pédiatriques 2013.

2. Gajdos V, Katsahian S, Beydon N, et al. Effectiveness of chest physiotherapy in infants hospitalized with acute bronchiolitis: a multicenter, randomized, controlled trial. PLoS Med 2010;7: e1000345.

3. Rochat I, Leis P, Bouchardy M, et al. Chest physiotherapy using passive expiratory techniques does not reduce bronchiolitis severity: a randomised controlled trial. Eur J Pediatr 2012;171: 457-62.

4. Verstraete M, Cros P, Gouin M, et al. Prise en charge de la bronchiolite aiguë du nourrisson de moins de 1 an: actualisation et consensus médical au sein des hôpitaux universitaires du Grand Ouest (HUGO). Arch Pediatr 2014;21:53-62.

5. Fausser C, Sebban S, Evenou D, et al. Prise en compte des dimensions de la prise en charge kinésithérapique au sein de la nouvelle fiche d’examen du réseau bronchiolite Ile-de-France. Kiné Scientifique 2012;538: 31-35.

6. Che D, Caillère N, Josseran L. Surveillance et épidémiologie de la bronchiolite du nourrisson en France. Arch Pediatr 2008; 15:327-8.

7. Van Ginderdeuren F, Vandenplas Y, Deneyer M, et al. Effectiveness of airway clearance techniques in children hospitalized with acute bronchiolitis. Pediatr Pulmonol 2017;52:225-31.

8. Evenou D, Sebban S, Fausser C, Girard D, et al Evaluation de l’effet de la kinésithérapie respiratoire avec augmentation du flux expiratoire dans la prise en charge de la première bronchiolite du nourrisson en ville. Kinesither Rev 2017;17:3-8.

9. Sebban S, Pull L, Smail A, et al. Influence of chest physiotherapy on the decision of hospitalization of the infant with acute bronchiolitis in a pediatric emergencies department. Kinesither Rev. Doi : 10.1016/j.kine.2016.11.011

10. Meissner CH. Viral Bronchiolitis in Children. N Engl J Med 2016;374:62-72.
L’auteur déclare être coordinateur du réseau Bronchiolite Île-de-France.