Une patiente âgée de 62 ans, hypertendue sous traitement, se plaint depuis cinq ans de céphalées chroniques d’intensité variable, rebelles au traitement antalgique. La symptomatologie s’est aggravée depuis trois mois, avec l’installation d’une baisse de l’acuité visuelle et de troubles de la marche.
À l’admission, la patiente est consciente, avec une marche ataxique et un élargissement du polygone de sustentation, sans déficit sensitivomoteur associé. Les réflexes ostéotendineux (ROT) rotuliens sont pendulaires et les réflexes cutanéo-plantaires (RCP) sont en flexion. L’acuité visuelle est à 6/10 à droite et 4/10 à gauche. Le fond d’œil retrouve un œdème papillaire bilatéral de stade 2.
Devant ce tableau clinique, la tomodensitométrie (TDM) cérébrale montre un processus tissulaire centré sur le V4, mal limité et non rehaussé après injection de produit de contraste iodé, responsable d’une hydrocéphalie en amont ; l’indication d’une dérivation ventriculo-péritonéale en urgence est posée.
Une imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale montre un processus lésionnel du V4, de contours lobulés, en hyposignal T1, hypersignal T2 liquidien ; incomplètement effacé en FLAIR, avec restriction en diffusion, sans prise de contraste après injection du gadolinium (fig. 1).
L’étude en spectroscopie met en évidence un pic de lipides et de lactates, avec chute des autres métabolites (fig. 2).
Une résection subtotale de la masse est réalisée, en raison des adhérences avec le plancher du V4, avec des suites postopératoires simples.
L’examen anatomopathologique conclut à une formation kystique bordée par un épithélium malpighien régulier reposant sur une fine paroi fibreuse en faveur d’un kyste épidermoïde.
Le kyste épidermoïde intracrânien (KE), aussi appelé cholestéatome primitif ou tumeur perlée de Cruveilhier, est une tumeur congénitale développée à partir des inclusions ectodermiques, à croissance lente, bénigne et rare. Il résulte généralement d’un clivage incomplet de l’ectoderme neural et de l’ectoderme cutané lors de la fermeture du tube neural (entre la troisième et la cinquième semaine de gestation) qui entraîne la rétention de cellules ectodermiques dans le système nerveux ;1 il existe également des cas acquis en post-traumatique, notamment dans le contexte d’une ponction lombaire.2
Le KE est généralement diag­nostiqué chez des adultes âgés de 20 à 60 ans, avec un pic de prévalence à l’âge de 40 ans et une légère prédominance chez les femmes. Les KE représentent de 0,2 à 1,8 % des tumeurs intracrâniennes primitives. Ils sont localisés au niveau de l’angle pontocérébelleux dans 50 % des cas ; la localisation au sein du V4 est rare (17 % des cas).2
Les céphalées sont le symptôme le plus fréquent, mais les KE peuvent rester asymptomatiques.2 Des atteintes des nerfs crâniens V, VII et VIII, des signes cérébelleux, une hypertension intracrânienne sont possibles. Des complications plus rares peuvent survenir, telles qu’une insuffisance hypophysaire, un diabète insipide ou des crises d’épilepsie.
À l’IRM sur les séquences T1, les KE sont le plus souvent légèrement hyperintenses par rapport au liquide céphalorachidien (LCR), avec une périphérie lobulée pouvant être légèrement plus intense que la zone centrale. Dans des cas exceptionnels, ils peuvent apparaître hyperintenses par rapport au parenchyme cérébral en raison d’une concentration élevée en triglycérides et en acides gras insaturés, ou hypo-intenses par rapport au LCR en présence de cristaux solides de cholestérol et de kératine. Les séquences T2 montrent généralement une iso-intensité à légère hyperintensité des KE par rapport au LCR, tandis que l’hypo-intensité est rare et peut être due à des calcifications, une diminution de l’hydratation, des sécrétions visqueuses ou des pigments de fer. Le signal FLAIR n’est généralement pas complètement supprimé. En diffusion, les KE présentent une hyperintensité caractéristique.
En spectroscopie, on observe des pics de lactates et une absence de N-acétylaspartate, de choline.2
Les tumeurs localisées strictement le long de la ligne médiane peuvent bénéficier d’une intervention chirurgicale complète, impliquant l’élimination du contenu du kyste et une exérèse totale de sa paroi. Cependant, dans certains cas, l’exérèse chirurgicale est partielle en raison des adhérences et afin de préserver les structures nerveuses adjacentes.1 Une récidive peut être observée en cas d’exérèse partielle, ainsi qu’une dissémination sous-arachnoïdienne au décours de l’intervention, qui peut entraîner une méningite chimique ou une greffe tumorale au niveau du LCR ; la dégénérescence maligne est rare.2
Références
1. Moumen N, El Maroudi A, El Hassani R, Chakir N, Jiddane M. Kystes épidermoïdes de la grande citerne et du quatrième ventricule. Feuill Radiol 2010;50(6):313-8.
2. Osborn AG, Salzman KL, Jhaveri MD. Kyste épidermoïde. In Neuro-imagerie 2021. Paris, Elsevier Masson.

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