V otées l’été dernier dans la loi santé, les délégations de tâches vers le pharmacien – en attente des validations de la HAS et des décrets d’application – devraient être effectives dans quelques semaines. Il s’agit, pour le moment, du droit de prescription pour les cystites et les douleurs de la gorge aiguës de l’adulte. Une information qui n’a pas manqué de faire réagir de nombreux confrères, nos syndicats et la conférence nationale des URPS-ML qui s’élève fortement contre cette déviance des protocoles de coopérations.
Transfert de tâches ou partage de compétences ? Ici les médecins ne sont pas comme dans le dispositif Asalée partie prenante des protocoles…
Qui est responsable ? Ce transfert reste sous l’entière responsabilité des pharmaciens qui acceptent d’y souscrire et des patients qui souhaitent en bénéficier, mais…
Est-ce pour autant un exercice illégal de la médecine ? En effet, une prescription médicamenteuse ne devrait se faire qu’en fonction d’un diagnostic, fût-il probabiliste. Mais, selon les modifications législatives, la validation des protocoles par la HAS et leur respect, la parole est aux juristes…
Une perte de chance pour les patients ? Pour les deux pathologies envisagées, le risque paraît minime. Le RAA a quasiment disparu, les TROD identifiant le streptocoque… Le temps de l’antibiothérapie systématique et aveugle de toutes les angines est fort heureusement révolu ainsi que celui des ECBU systématiques pour contrôler la stérilité des urines ! Mais, derrière des brûlures mictionnelles, combien de cystites simples non fébriles sans antécédent et quel risque de pyélonéphrite ? Même en étant très vigilants, comment prévoir, dès la première consultation, la probabilité d’une complication ?
Pourquoi une telle défiance vis-à-vis des confrères pharmaciens ? N’œuvrons-nous pas ensemble à la bonne santé des patients ? Doit-on leur reprocher leur implication dans la vaccination antigrippale ? Bien formés et surtout respectueux des protocoles, ils sont tout à fait aptes à distinguer ce qui peut être géré dans leurs officines et ce qui doit nous être référé ! Alors, est-ce la crainte de perdre des actes très rentables car peu chronophages ?
Non, nous avons bien d’autres préoccupations alors que notre charge de travail ne cesse de s’alourdir. Ce temps économisé ne permettrait-il pas d’investir davantage d’autres missions ? Participer aux RCP de nos patients cancéreux et les accompagner tout au long de leur parcours de soins ? Assumer des actions de santé individuelle et collective comme l’ETP, la lutte contre les addictions, les dépistages ? Favoriser le maintien au domicile en s’engageant davantage dans les réseaux gérontologiques, l’HAD, les soins palliatifs ou encore la télémédecine pour ne pas la laisser aux mains de sociétés commerciales ? Mais comment rendre ces nouvelles missions attractives…
C’est le rôle de nos syndicats, qui ne devraient pas, par clientélisme, se contenter de défendre les acquis mais envisager l’avenir, l’organiser et le valoriser financièrement.
Même s’il faut bannir ce mot, la bobologie reste pour beaucoup synonyme de la médecine de premier recours et d’une pratique frustrante après dix ans d’études… La déléguer et mieux répartir la prise en charge de la santé des populations pourrait être une solution pour désengorger les urgences notamment (voir page 50), à condition d’y trouver une juste rémunération. Nos syndicats professionnels respectifs sont tout à fait légitimes pour défendre cette évolution des soins…