Les analogues du glucagon-like peptide- 1 (aGLP- 1) – incrétines utilisées depuis de nombreuses années dans le traitement du diabète de type 2 – sont en train d’être repositionnés pour traiter l’obésité dans plusieurs pays. Aux États-Unis, la prescription de liraglutide, sémaglutide ou tirzépatide est autorisée pour la perte de poids chez certains patients obèses. En France, deux aGLP- 1 sont aussi autorisés dans certaines situations (IMC ≥ 40 kg/m et au moins une comorbidité liée au poids, en complément des mesures hygiénodiététiques) : le liraglutide (Saxenda, non remboursé par la Sécu) et le sémaglutide (Wegovy), qui a fait l’objet d’une autorisation d’accès précoce post-AMM entre 2022 et 2023 – retirée depuis, à la demande du laboratoire –, dont les résultats ont récemment été publiés.
Toutefois, plusieurs interrogations demeurent sur leur utilisation en « vie réelle » à long terme. Les études montrent, que lorsque le médicament est arrêté, les patients reprennent généralement le poids perdu dans l’année suivante. Or une utilisation au long cours pose, d’une part, des questions de tolérance et sécurité et, d’autre part, des questions sur l’efficience médico-économique (le médicament est onéreux).
Une étude conduite aux États-Unis a comparé, pour la première fois, le rapport coût/efficacité de la prescription de sémaglutide sur 5 ans et celle de la chirurgie bariatrique par sleeve gastrectomie (SG) chez des patients ayant une obésité de classe 2 (IMC entre 35 et 39,9). Ses résultats viennent d’être publiés dans le JAMA Network Open.
Le prix du sémaglutide devrait être divisé par 3 pour devenir la stratégie la plus rentable
Il s’agit d’une modélisation partant d’un patient hypothétique de 45 ans avec un IMC = 37. La comparaison de l’efficience médico-économique des deux interventions a été réalisée avec un horizon de 5 années. Le point pris comme référence était l’absence d’intervention, dont le coût était présumé nul (c’est-à-dire que les coûts liés à l’obésité elle-même n’ont pas été pris en compte). Les critères de jugement étaient :
- les coûts de chaque stratégie, en dollars américains de 2022 ;
- les quality-adjusted life-years (QALY) ou « années de vie pondérées par la qualité » (un QALY = une année de vie en bonne santé) gagnées pour chaque intervention ;
- et la différence entre les rapports coût/efficacité de chacune, eux-mêmes établis grâce aux deux indicateurs précédents.
Les données utilisées pour effectuer la modélisation ont été extraites principalement de deux études randomisées (MERIT pour la chirurgie et STEP 1 pour le sémaglutide). Ont été ajoutées d’autres données pour les effets et les coûts sur le long terme (années 2 à 5 de la modélisation). Outre le prix de chaque intervention, l’évolution du poids chaque mois, la mortalité et les complications liées à la SG (voire la nécessité de répéter la chirurgie) et le taux d’abandon du traitement (pour le sémaglutide) ont été pris en compte.
Résultats :
- les QALYs accumulés sur 5 ans étaient de : 3,55 en l’absence d’intervention, 3,60 pour le sémaglutide et 3,66 pour la SG ;
- sur ces 5 ans, la prise de sémaglutide coûtait $33 583 de plus que la SG et le modèle a estimé que 20 % abandonnaient le traitement en raison principalement des effets indésirables (mais ce pourcentage est sous-estimé, selon les auteurs) ;
- la perte de poids était plus importante avec la SG : IMC final à 31,7, versus 33 pour le sémaglutide.
En tout, si au cours de la première année la SG était moins rentable que le sémaglutide, ce rapport s’inversait dès la 2e année, la SG devenant alors l’intervention la plus rentable à long terme.
À partir des différentes analyses de sensibilité, les auteurs ont calculé que le prix annuel du sémaglutide devrait être abaissé à $3 591 (contre $13 618 actuellement) pour atteindre une rentabilité comparable à celle de la chirurgie bariatrique à 5 ans – et que pour devenir véritablement la stratégie de choix, le prix annuel devrait être divisé par 3.
D’autres données, publiées par l’Institute for Clinical and Economic Review, ont établi que le prix annuel du sémaglutide devrait être abaissé au moins à $7 494 pour être plus rentable que les mesures hygiénodiététiques.
Ces résultats résonnent avec d’autres publiés en mars dernier dans le JAMA, selon lesquels il est possible de produire des aGLP- 1 à moindre coût, pour arriver à des prix allant de $0,75 à $72,49 par mois (contre environ $1 000/mois actuellement aux États-Unis).