La chirurgie de la prostate concerne principalement l’hypertrophie bénigne (HBP) et le cancer (CaP).
Dans l’HBP, elle est indiquée lorsque le traitement médical n’est pas possible, en situation d’échec ou en cas de complication. Dans la quasi-totalité des cas, l’intervention est aujourd’hui réalisée par voie endoscopique transurétrale, et ce quel que soit le volume de la prostate. L’utilisation du robot dans cette pathologie est anecdotique et d’un coût disproportionné par rapport à celui de la voie endoscopique. Nous ne parlerons donc ici que de la prostatectomie totale pour cancer localisé.
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Il est à l’origine d’environ 20 000 maladies métastatiques par an et de 10 000 décès spécifiques. La moitié des patients n’atteint pas la longévité espérée dans un pays développé, et ce en raison d’un diagnostic initial trop tardif. Pourtant, comme tout cancer, le CaP peut être guéri s’il est traité à temps. C’est pourquoi une politique de détection précoce raisonnable doit être poursuivie. Cette stratégie conduit au diagnostic d’un certain nombre de tumeurs localisées intraprostatiques. Un traitement curatif est proposé aux sujets non éligibles à la surveillance active, et ce choix doit être confirmé en réunion de concertation pluridisciplinaire selon les recommandations de l’Association française d’urologie validées par l’Institut national du cancer.
En France, environ 30 % des CaP récemment diagnostiqués relèvent d’une indication de prostatectomie totale à visée curative en fonction de l’âge des patients (espérance de vie > 10 ans), de la gravité de la tumeur, des symptômes et comorbidités. Cela représente environ 18 000 interventions par an. Le taux de guérison varie de 60 à 95 % en fonction du stade pathologique.
Les principaux effets secondaires concernent les fonctions sexuelles et urinaires. Les patients doivent en être informés clairement dès la consultation d’annonce et l’élaboration du projet de soins. L’anéjaculation est constante bien que l’orgasme soit maintenu. La dysfonction érectile est fréquente et dépend de plusieurs facteurs : principalement le stade tumoral (prostatectomie élargie en cas de cT3 – tumeur à extension extraprostatique), l’âge du sujet, le statut érectile préopératoire, les comorbidités vasculaires ainsi que les conditions anatomiques, opératoires et cicatricielles. Il est impossible de « promettre » à un patient la conservation de ses érections même si l’on utilise une technique sophistiquée, robot-assistée ou non. La récupération de cette fonction est multifactorielle. Elle requiert un véritable programme de réédu- cation érectile où les prises en charge à la fois psychologiques et pharmacologiques ont toute leur place.
L’incontinence est également un effet secondaire classique mais transitoire dans plus de 95 % des cas (amélioration possible jusqu’à 2 ans après l’opération). Le délai de récupération est difficile à prévoir : on sait cependant que les patients les plus jeunes sont continents plus rapidement. La rééducation pelvipérinéale est optionnelle. Elle n’améliore pas le niveau du résultat final mais accélère le processus.
Qu’apporte le robot aux résultats de la chirurgie ? Par rapport à la prostatectomie totale par voie ouverte, les résultats carcinologiques apparaissent équivalents.1, 2 En revanche, le caractère moins invasif de la voie laparoscopique (rendant même le traitement ambulatoire possible) et peu hémorragique (moins de transfusions) est démontré depuis longtemps.3 Selon certaines études, la laparoscopie robot-assistée serait supérieure en matière de résultat sur les fonctions érectile4 et urinaire.5 Mais pour la HAS en 2016, elle n’est ni supérieure ni inférieure aux techniques classiques.
Ce débat n’aura vraisemblablement jamais de réponse de type Evidence Based Medicine. En effet, l’étude idéale devrait comparer, chez un même patient, les deux techniques réalisées par un même chirurgien, lui-même expert dans les deux voies d’abord… Au final, on se rend compte que ce n’est pas la technologie robotique qui doit être évaluée mais le niveau d’expertise des praticiens.
Prendre en compte l’aspect financier. Le coût d’un robot Da Vinci de la société Intuitive Surgical varie de 1 à 2 millions d’euros en fonction des options. Si l’on inclut l’amortissement, la maintenance et les consommables, le surcoût de la chirurgie robotique par rapport à la laparoscopie non robot-assistée ou la voie ouverte est de l’ordre de 1 000 à 1 500 euros par intervention en fonction du degré de sophistication du robot utilisé.
En dehors des honoraires du chirurgien, ce surcoût est supporté tout ou partie par le patient et/ou par l’établissement. L’Assurance maladie et les mutuelles ne font pas de différence entre voies laparoscopiques robot-assistée ou non. Ce surcoût est dû pour une part au haut niveau technologique du matériel (vision 3D, écran tactile, fluorescence, échographie intégrée dans le champ de vision du chirurgien, instruments articulés avec 560° de rotation, connectivité…) et, pour l’autre part, au contexte du déploiement de cette technologie de pointe, avec un unique industriel sur le marché, imposant ses conditions financières. À l’avenir, l’apparition de fabricants concurrents pourrait permettre de réguler progressivement les coûts constatés.
La chirurgie robotisée de la prostate vaut-elle le « coup » ? Malgré ces conditions financières difficiles, les principaux établissements ont fait le choix de s’équiper (environs 130 robots en France, 800 en Europe et 3 000 aux États-Unis). Aucun d’entre eux n’a fait marche arrière.
L’évaluation médico-économique devrait intégrer une réduction des dépenses liées à la durée d’hospitalisation, aux transfusions, ainsi qu’à une reprise plus rapide d’activité.
Globalement, les patients ont suivi : la majorité des prostatectomies totales pour cancer est maintenant réalisée sous laparoscopie robot-assistée en France. Ce n’est pas une démonstration mais c’est un constat important. Notre société change, l’image est omniprésente. La chirurgie ne fait pas exception.
La chirurgie robotique est-elle là pour durer ? C’est sans doute la question essentielle par laquelle il faudrait commencer tout débat concernant cette avancée technologique. La vraie révolution fut l’avènement de la laparoscopie à la fin du siècle dernier : il y eut à ses débuts des résistances au changement, assez habituelles en matière de progrès chirurgical clivant. Puis elle est devenue une évidence pour un très grand nombre d’indications de chirurgie réglée, urologique ou autre.
Le robot est une innovation de rupture qui ne concerne pas que l’urologie mais pratiquement toutes les spécialités chirurgicales. Son utilisation permet d’optimiser au maximum la pratique laparoscopique : quel chirurgien refuserait d’avoir une meilleure vision, une plus grande agilité intracorporelle, une stabilité accrue, donc une précision optimale ?
C’est pourquoi ces techniques sont largement enseignées dans nos hôpitaux universitaires : outre la prostate, bien d’autre organes (urinaires, gynécologiques, digestifs, thoraciques, ORL…) bénéficient de ce développement technologique.
La chirurgie robot-assistée ne doit cependant pas être considéréecomme une fin en soi mais comme une étape vers des interventions robotisées qui s’appuieront plus sur l’intelligence artificielle. De véritables robots existent déjà qui peuvent détruire des cibles tumorales à l’intérieur d’un organe tout en le conservant et en préservant son environnement : par exemple, la prostate (et le sein) bénéficie maintenant de ce type de technologie utilisant fusion d’images et ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU), financé par le forfait innovation qui permet le remboursement dérogatoire de ces traitements.
Alors qu’elle s’est imposée dans de nombreux domaines, la chirurgie robotique, en matière de prostatectomie totale, est encore controversée. Son coût élevé ne fait qu’accroître nos exigences en termes de résultats fonctionnels et carcinologiques. L’outil technologique ne doit pas être remis en question. C’est l’humain qui reste au centre de la problématique.
L’histoire de la médecine et de la chirurgie regorge d’exemples similaires où les innovations technologiques ont peiné à s’imposer. Il ne faut pas voir cette situation de manière statique mais plutôt imaginer le développement de cet outil dans un modèle médico-économique en évolution permanente.
Dans l’HBP, elle est indiquée lorsque le traitement médical n’est pas possible, en situation d’échec ou en cas de complication. Dans la quasi-totalité des cas, l’intervention est aujourd’hui réalisée par voie endoscopique transurétrale, et ce quel que soit le volume de la prostate. L’utilisation du robot dans cette pathologie est anecdotique et d’un coût disproportionné par rapport à celui de la voie endoscopique. Nous ne parlerons donc ici que de la prostatectomie totale pour cancer localisé.
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme. Il est à l’origine d’environ 20 000 maladies métastatiques par an et de 10 000 décès spécifiques. La moitié des patients n’atteint pas la longévité espérée dans un pays développé, et ce en raison d’un diagnostic initial trop tardif. Pourtant, comme tout cancer, le CaP peut être guéri s’il est traité à temps. C’est pourquoi une politique de détection précoce raisonnable doit être poursuivie. Cette stratégie conduit au diagnostic d’un certain nombre de tumeurs localisées intraprostatiques. Un traitement curatif est proposé aux sujets non éligibles à la surveillance active, et ce choix doit être confirmé en réunion de concertation pluridisciplinaire selon les recommandations de l’Association française d’urologie validées par l’Institut national du cancer.
En France, environ 30 % des CaP récemment diagnostiqués relèvent d’une indication de prostatectomie totale à visée curative en fonction de l’âge des patients (espérance de vie > 10 ans), de la gravité de la tumeur, des symptômes et comorbidités. Cela représente environ 18 000 interventions par an. Le taux de guérison varie de 60 à 95 % en fonction du stade pathologique.
Les principaux effets secondaires concernent les fonctions sexuelles et urinaires. Les patients doivent en être informés clairement dès la consultation d’annonce et l’élaboration du projet de soins. L’anéjaculation est constante bien que l’orgasme soit maintenu. La dysfonction érectile est fréquente et dépend de plusieurs facteurs : principalement le stade tumoral (prostatectomie élargie en cas de cT3 – tumeur à extension extraprostatique), l’âge du sujet, le statut érectile préopératoire, les comorbidités vasculaires ainsi que les conditions anatomiques, opératoires et cicatricielles. Il est impossible de « promettre » à un patient la conservation de ses érections même si l’on utilise une technique sophistiquée, robot-assistée ou non. La récupération de cette fonction est multifactorielle. Elle requiert un véritable programme de réédu- cation érectile où les prises en charge à la fois psychologiques et pharmacologiques ont toute leur place.
L’incontinence est également un effet secondaire classique mais transitoire dans plus de 95 % des cas (amélioration possible jusqu’à 2 ans après l’opération). Le délai de récupération est difficile à prévoir : on sait cependant que les patients les plus jeunes sont continents plus rapidement. La rééducation pelvipérinéale est optionnelle. Elle n’améliore pas le niveau du résultat final mais accélère le processus.
Qu’apporte le robot aux résultats de la chirurgie ? Par rapport à la prostatectomie totale par voie ouverte, les résultats carcinologiques apparaissent équivalents.1, 2 En revanche, le caractère moins invasif de la voie laparoscopique (rendant même le traitement ambulatoire possible) et peu hémorragique (moins de transfusions) est démontré depuis longtemps.3 Selon certaines études, la laparoscopie robot-assistée serait supérieure en matière de résultat sur les fonctions érectile4 et urinaire.5 Mais pour la HAS en 2016, elle n’est ni supérieure ni inférieure aux techniques classiques.
Ce débat n’aura vraisemblablement jamais de réponse de type Evidence Based Medicine. En effet, l’étude idéale devrait comparer, chez un même patient, les deux techniques réalisées par un même chirurgien, lui-même expert dans les deux voies d’abord… Au final, on se rend compte que ce n’est pas la technologie robotique qui doit être évaluée mais le niveau d’expertise des praticiens.
Prendre en compte l’aspect financier. Le coût d’un robot Da Vinci de la société Intuitive Surgical varie de 1 à 2 millions d’euros en fonction des options. Si l’on inclut l’amortissement, la maintenance et les consommables, le surcoût de la chirurgie robotique par rapport à la laparoscopie non robot-assistée ou la voie ouverte est de l’ordre de 1 000 à 1 500 euros par intervention en fonction du degré de sophistication du robot utilisé.
En dehors des honoraires du chirurgien, ce surcoût est supporté tout ou partie par le patient et/ou par l’établissement. L’Assurance maladie et les mutuelles ne font pas de différence entre voies laparoscopiques robot-assistée ou non. Ce surcoût est dû pour une part au haut niveau technologique du matériel (vision 3D, écran tactile, fluorescence, échographie intégrée dans le champ de vision du chirurgien, instruments articulés avec 560° de rotation, connectivité…) et, pour l’autre part, au contexte du déploiement de cette technologie de pointe, avec un unique industriel sur le marché, imposant ses conditions financières. À l’avenir, l’apparition de fabricants concurrents pourrait permettre de réguler progressivement les coûts constatés.
La chirurgie robotisée de la prostate vaut-elle le « coup » ? Malgré ces conditions financières difficiles, les principaux établissements ont fait le choix de s’équiper (environs 130 robots en France, 800 en Europe et 3 000 aux États-Unis). Aucun d’entre eux n’a fait marche arrière.
L’évaluation médico-économique devrait intégrer une réduction des dépenses liées à la durée d’hospitalisation, aux transfusions, ainsi qu’à une reprise plus rapide d’activité.
Globalement, les patients ont suivi : la majorité des prostatectomies totales pour cancer est maintenant réalisée sous laparoscopie robot-assistée en France. Ce n’est pas une démonstration mais c’est un constat important. Notre société change, l’image est omniprésente. La chirurgie ne fait pas exception.
La chirurgie robotique est-elle là pour durer ? C’est sans doute la question essentielle par laquelle il faudrait commencer tout débat concernant cette avancée technologique. La vraie révolution fut l’avènement de la laparoscopie à la fin du siècle dernier : il y eut à ses débuts des résistances au changement, assez habituelles en matière de progrès chirurgical clivant. Puis elle est devenue une évidence pour un très grand nombre d’indications de chirurgie réglée, urologique ou autre.
Le robot est une innovation de rupture qui ne concerne pas que l’urologie mais pratiquement toutes les spécialités chirurgicales. Son utilisation permet d’optimiser au maximum la pratique laparoscopique : quel chirurgien refuserait d’avoir une meilleure vision, une plus grande agilité intracorporelle, une stabilité accrue, donc une précision optimale ?
C’est pourquoi ces techniques sont largement enseignées dans nos hôpitaux universitaires : outre la prostate, bien d’autre organes (urinaires, gynécologiques, digestifs, thoraciques, ORL…) bénéficient de ce développement technologique.
La chirurgie robot-assistée ne doit cependant pas être considéréecomme une fin en soi mais comme une étape vers des interventions robotisées qui s’appuieront plus sur l’intelligence artificielle. De véritables robots existent déjà qui peuvent détruire des cibles tumorales à l’intérieur d’un organe tout en le conservant et en préservant son environnement : par exemple, la prostate (et le sein) bénéficie maintenant de ce type de technologie utilisant fusion d’images et ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU), financé par le forfait innovation qui permet le remboursement dérogatoire de ces traitements.
Alors qu’elle s’est imposée dans de nombreux domaines, la chirurgie robotique, en matière de prostatectomie totale, est encore controversée. Son coût élevé ne fait qu’accroître nos exigences en termes de résultats fonctionnels et carcinologiques. L’outil technologique ne doit pas être remis en question. C’est l’humain qui reste au centre de la problématique.
L’histoire de la médecine et de la chirurgie regorge d’exemples similaires où les innovations technologiques ont peiné à s’imposer. Il ne faut pas voir cette situation de manière statique mais plutôt imaginer le développement de cet outil dans un modèle médico-économique en évolution permanente.
Références
1. Novara G, Ficarra V, Mocellin S, et al. Systematic review and meta-analysis of studies reporting oncologic outcome after robot-assisted radical prostatectomy. Eur Urol 2012;62:382-404.
2. Yaxley JW, Coughlin GD, Chambers SK, et al. Robot-assisted laparoscopic prostatectomy versus open radical retropubic prostatectomy: early outcomes from a randomised controlled phase 3 study. Lancet 2016;388:1057-66.
3. Ficarra V, Novara G, Artibani W, et al. Retropubic, laparoscopic, and robot-assisted radical prostatectomy: a systematic review and cumulative analysis of comparative studies. Eur Urol 2009;55:1037-63.
4. Ficarra V, Novara G, Ahlering TE, et al. Systematic review and meta-analysis of studies reporting potency rates after robot-assisted radical prostatectomy. Eur Urol 2012;62:418-30.
5. Ficarra V, Novara G, Rosen RC, et al. Systematic review and meta-analysis of studies reporting urinary continence recovery after robot-assisted radical prostatectomy. Eur Urol 2012;62:405-17.
2. Yaxley JW, Coughlin GD, Chambers SK, et al. Robot-assisted laparoscopic prostatectomy versus open radical retropubic prostatectomy: early outcomes from a randomised controlled phase 3 study. Lancet 2016;388:1057-66.
3. Ficarra V, Novara G, Artibani W, et al. Retropubic, laparoscopic, and robot-assisted radical prostatectomy: a systematic review and cumulative analysis of comparative studies. Eur Urol 2009;55:1037-63.
4. Ficarra V, Novara G, Ahlering TE, et al. Systematic review and meta-analysis of studies reporting potency rates after robot-assisted radical prostatectomy. Eur Urol 2012;62:418-30.
5. Ficarra V, Novara G, Rosen RC, et al. Systematic review and meta-analysis of studies reporting urinary continence recovery after robot-assisted radical prostatectomy. Eur Urol 2012;62:405-17.