Face à la recrudescence des IST – syphilis, infections à Chlamydia et gonocoque –, de nouvelles stratégies préventives sont à l’étude dans les populations très exposées. Une antibioprophylaxie post-exposition a fait ses preuves selon un essai randomisé américain dont les résultats sont parus dans le NEJM.

Depuis quelques années, le nombre de diagnostics d’infections sexuellement transmissibles (IST) est en augmentation en France. Certaines de ces infections bactériennes (syphilis, gonorrhée) touchent particulièrement les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) : 79 % pour la syphilis, 74 % pour les infections à gonocoque (données de 2019).

Cette recrudescence souligne la nécessité d’améliorer la prévention et de trouver de nouveaux moyens de lutter contre ces infections, d’autant plus que l’antibiorésistance rend caducs certains traitements, motivant aussi des changements dans les recommandations thérapeutiques.

L’une de pistes actuellement explorées est celle d’une prophylaxie post-exposition par la doxycycline. En France, l’essai ANRS Doxyvac a montré l’année dernière une diminution significative du risque de contracter diverses IST (syphilis, chlamydiose, gonocoque) chez les HSH recevant cette prophylaxie (et l’administration du vaccin contre le méningocoque B dans cette même situation avait, quant à lui, réduit significativement le risque d’infection par le gonocoque).

Aujourd’hui, une étude américaine a confirmé ces bons résultats pour la doxycycline. Il s’agit d’une étude ouverte randomisée, réalisée entre 2020 et 2022 dans deux centres aux États-Unis (San Francisco et Seattle). Elle a recruté 501 hommes – HSH et femmes transgenres – qui prenaient la PrEP contre le VIH ou qui vivaient avec une infection par le VIH. Les critères d’inclusion étaient aussi le fait d’avoir eu, dans l’année précédente, des antécédents de rapports oraux ou anaux non protégés avec des hommes (dans les 3 mois précédant l’inclusion, la médiane des partenaires sexuels rapportés par les participants était 9), et ayant eu un diagnostic de gonorrhée, chlamydiose ou syphilis (dont 43 % en avaient eu deux ou plus) dans l’année précédente.

Moins d’IST dans le groupe bénéficiant de l’antibioprophylaxie

Les participants ont été aléatoirement répartis (2:1) pour recevoir soit une prophylaxie post-exposition par 200 mg de doxycycline dans les 72 heures suivant un rapport non protégé, soit pas de prophylaxie. Le dépistage des IST était fait tous les 3 mois. Le critère de jugement principal était l’incidence d’au moins une IST à chaque dépistage.

Les résultats ont été analysés séparément chez les hommes prenant la PrEP contre le VIH et ceux vivant avec le VIH, en raison de potentielles différences dans le profil des effets indésirables, l’observance, l’incidence des IST, les pratiques et réseaux sexuels et la résistance antimicrobienne. 

Ainsi, dans la cohorte prenant la PrEP, une IST a été diagnostiquée dans 10 % des cas (soit 10 % des visites de suivi) chez ceux prenant la doxycycline en prophylaxie, contre 31,9 % chez ceux ne la prenant pas (risque relatif de 0,34 ; IC95% : 0,24-0,46). Dans la cohorte de participants vivant avec le VIH, ces chiffres étaient respectivement de 11,8 % versus 30,5 % (RR = 0,38 ; IC95% : 0,24-0,60). 

Au total, les incidences de chacune des trois IST dépistées étaient plus basses chez les hommes prenant la prophylaxie par doxycycline : 43 % et 45 % moins de gonorrhée respectivement dans les groupes VIH et PrEP contre le VIH ; 26 % et 12 % moins de chlamydioses ; 23 % et 13 % moins de syphilis.

Dans le groupe traité, 86 % des participants ont déclaré une bonne observance (prise de la prophylaxie toujours ou souvent après un rapport non protégé) ; 71 % ont déclaré une excellente observance (prise toujours du traitement).

Effets indésirables et antibiorésistance

Pour les effets indésirables : cinq EI de grade 3 (trois épisodes diarrhéiques et deux migraines ou céphalées) ont été rapportés mais aucun n’a été attribué à la prise de doxycycline par les investigateurs. 

Concernant les résistances microbiennes : 17,2 % des isolats de N. gonorrhoeae ont été testés pour des résistances aux tétracyclines durant tout le suivi. Au début de l’étude, ces résistances avaient été observées dans 27 % des isolats ; ensuite, au cours du suivi, dans 38 % dans le groupe doxycycline (5 isolats sur 13) et dans 12 % du groupe traitement standard (2 isolats sur 16). 

La résistance du staphylocoque doré a également été évaluée : à l’inclusion, S. aureus a été isolé dans l’oronasopharynx de 45 % des participants, et dans 12 % des cas il s’agissait d’un staphylocoque résistant à la doxycycline. Au 12e mois de suivi, cette bactérie a été isolée chez 28 % des participants du groupe prenant la prophylaxie par doxycycline et chez 47 % des ceux du groupe standard, avec des proportions respectives de 16 % et 8 % d’isolats résistants (pourcentages globaux des résistances : 5 % dans le groupe doxycycline et 4 % dans le groupe standard).

Ces résultats montrant que l’incidence combinée de ces trois IST était diminuée de deux tiers grâce à la prophylaxie post-exposition par doxycycline en comparaison du traitement standard, les auteurs en concluent qu’il s’agit d’une prise en charge qui pourrait être proposée chez les HSH ayant des antécédents récents d’IST bactériennes.

Pour en savoir plus
Luetkemeyer AF, Donnell D, Dombrowski JC, et al. Postexposure Doxycycline to Prevent Bacterial Sexually Transmitted Infections. N Engl J Med 2023;388:1296-1306.

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