Pas très rigoureux comme raisonnement ! Alors il paraît préférable d’utiliser le terme « borréliose », plutôt que maladie de Lyme, pour bien spécifier que l’on parle des conséquences de l’infection provoquée par cette bactérie. Mais malheureusement tout le monde ne s’accorde pas sur ce principe !
Alors de quoi parle-t-on quand on évoque la forme chronique de la borréliose de Lyme ?
On sait que Borrelia peut naturellement rester plusieurs années dans l’organisme à la suite de la piqûre de tique contaminante. Pour autant, cette persistance ne définit pas forcément une « maladie chronique », à savoir une affection qui ne guérit pas et que le patient doit « traîner comme un fardeau ». En effet, il a bien été démontré que, même au cours des formes persistantes, un traitement antibiotique permet d’éradiquer Borrelia. En revanche, tous les symptômes ne disparaissent pas toujours. Une radiculopathie ou une neuropathie peut perdurer au-delà de la suppression de l’agent causal. On peut donc parler d’une maladie persistante pouvant être la conséquence de l’infection (les Anglo-Saxons parlent de post-Lyme disease), mais pas d’une infection persistante et encore moins d’une maladie nécessitant le maintien d’un traitement étiologique, comme une antibiothérapie prolongée, qui n’a jamais montré de réelle efficacité dans des études à la méthodologie solide et rigoureuse.2
Les patients ayant des manifestations chroniques existent, bien sûr, mais la vraie question médicale est de savoir si leurs symptômes sont en rapport avec une borréliose de Lyme, voire avec les conséquences d’une piqûre de tique ou, au contraire, avec une autre cause.3 Leur expression est très variable d’une personne à l’autre, provoquant un polymorphisme sémiologique qui ne facilite pas la démarche diagnostique.
Si l’origine en reste indéterminée et si ces symptômes n’ont pas de retentissement autre que fonctionnel, on parle de troubles somatoformes ou encore de symptomatologie somatique persistante. En énonçant ce diagnostic, on confirme l’existence d’un dysfonctionnement générant des manifestations chroniques, sans « bloquer » sur l’absence de cause clairement identifiable.
Cela ne doit pas empêcher une prise en charge adaptée, fondée sur la transversalité, faisant appel aux traitements symptomatiques, aux thérapeutiques psychocomportementales, voire à d’autres approches dites complémentaires. Même si leur efficacité n’est pas toujours validée à l’échelle d’une population générale, elles peuvent être bénéfiques au niveau individuel.
L’important est de ne pas rejeter l’entité même de souffrance, car cela peut entamer la relation de confiance entre le patient et son médecin, laquelle conditionne en grande partie la réussite de la prise en charge.
Cette proposition de conduite à tenir a tout récemment fait l’objet d’un chapitre dans les dernières recommandations de la Société de pathologie infectieuse4 et des autres sociétés savantes. On y rappelle que les traitements antibiotiques prolongés n’ont pas de place, en raison de l’absence de bénéfice clinique mais aussi des risques avérés liés à leur utilisation.
Cette polémique persiste car un élément crucial de notre raisonnement est remis en cause : les critères diagnostiques. Pour les partisans de la forme chronique de Lyme, l’argumentaire principal est le manque de fiabilité des tests biologiques : la sérologie, méthode diag- nostique indirecte mettant en évidence les anticorps dirigés contre Borrelia, et non pas la bactérie elle-même, ne serait pas assez sensible pour détecter ces anticorps (et un contact avec Borrelia).
Cependant, cette méthode est la référence en pratique courante et sa bonne sensibilité a été validée au cours des formes tardives de la maladie.
Elle a l’avantage d’avoir une bonne spécificité, surtout pour les tests de dernière génération, qui sont actuellement les plus utilisés en France.5 Cela signifie en pratique qu’une sérologie négative permet avec un degré de certitude élevé d’éliminer le diagnostic de forme tardive (sachant que dans les stades précoces, elle est souvent négative car les anticorps n’ont pas encore eu le temps d’être produits par le système immunitaire). Or, cette remise en cause de la valeur prédictive négative de la sérologie dans les formes tardives rend évidemment les choses bien plus complexes.
En effet, comment pourrait-on prouver qu’une infection n’existe pas si aucun test ne permet de l’éliminer ? Il devient alors « impossible » de rejeter ce diagnostic !
Et c’est là qu’il faut rester clair, pour ne pas tomber dans une forme d’obscurantisme médical : les arguments des détracteurs de la sérologie sont fondés sur des propos non scientifiques. En effet, les tests dits « alternatifs », de plus en plus souvent proposés, et qui témoignent de la présence d’un agent infectieux « prétendument caché », soit n’ont pas fait l’objet d’une évaluation sérieuse, soit se sont avérés moins performants que la sérologie !
Le débat sort alors du cadre médical et rejoint le terrain de la conviction teinté d’une volonté de manipulation de l’opinion…
Les symptômes chroniques de ces patients sont-ils dus à la borréliose de Lyme ? étonnamment, un faible nombre de ces sujets sont réellement convaincus d’en être victimes.
La prochaine mise en place des centres de référence* dédiés aux maladies vectorielles à tiques permettra, à défaut de trouver des solutions faciles pour chacun de ces patients, d’évaluer leur devenir, l’impact des différentes modalités thérapeutiques et finalement de mieux connaître cette population.
Mais la grande majorité des personnes concernées ne sont pas forcément convaincues du diagnostic de Lyme. Ils s’interrogent… et la médiatisation parfois outrancière et bien peu scientifique de ce débat ne leur facilite pas la tâche.
Les sociétés savantes françaises se sont mobilisées ensemble pour protéger les patients des dérives liées aux fausses informations,6 et la médecine générale a une place importante dans ce débat. Savoir écouter, expliquer, rassurer : le médecin traitant joue un rôle primordial dans la prise en charge de ces sujets. Malheureusement, cette «mission» est remise en cause par des polémiques malveillantes.
* Le groupe hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges (associé au CHU de Créteil), le CHU de Strasbourg (associé au CHU de Nancy), le CHU de Rennes, le CHU de Clermont-Ferrand (associé au CHU de Saint-Étienne) et le CHU de Marseille.
Sérologie : technique la plus utilisée, préconisée en première intention par toutes les recommandations des sociétés savantes (Europe et états-Unis). Souvent proposée en 2 temps : ELISA puis – si résultat positif – confirmation par Western-Blot (pour améliorer la spécificité). Bonne valeur prédictive négative en cas de forme de borréliose tardive, mais faible sensibilité dans les stades précoces (donc non recommandée au cours de l’érythème migrant).
Mise en évidence directe de la bactérie (culture) ou de son génome (PCR) : bonne valeur prédictive positive à condition (pour la PCR) qu’elle soit réalisée par un laboratoire ayant l’expérience de cette technique (pas de kit commercialisé) mais trop faible sensibilité pour pouvoir être utilisée en diagnostic de routine.
Autres techniques (non validées) :
• test de transformation lymphocytaire : en cours d’évaluation, il mérite d’être amélioré car les données sont décevantes et contradictoires (risque de faux positifs/négatifs) ;
• à proscrire (très mauvaise valeur diagnostique) : tests de diagnostic rapide, frottis sanguin (proposé par certains laboratoires en Allemagne : à abandonner à tout prix car l’évaluation a clairement montré l’absence totale de valeur diagnostique), observation au microscope à fond noir ou en contraste de phase (après la mise en culture), rapport cellules NK CD57+/CD3-…
De nombreux tests biologiques sont proposés aux patients sans preuve d’efficacité. Il est important, au vu de la polémique actuelle, d’être prudent et d’utiliser des techniques qui ont fait l’objet d’une validation scientifique.
Tests diagnostiques dans la borréliose de Lyme : quelle fiabilité ?
Sérologie : technique la plus utilisée, préconisée en première intention par toutes les recommandations des sociétés savantes (Europe et états-Unis). Souvent proposée en 2 temps : ELISA puis – si résultat positif – confirmation par Western-Blot (pour améliorer la spécificité). Bonne valeur prédictive négative en cas de forme de borréliose tardive, mais faible sensibilité dans les stades précoces (donc non recommandée au cours de l’érythème migrant).
Mise en évidence directe de la bactérie (culture) ou de son génome (PCR) : bonne valeur prédictive positive à condition (pour la PCR) qu’elle soit réalisée par un laboratoire ayant l’expérience de cette technique (pas de kit commercialisé) mais trop faible sensibilité pour pouvoir être utilisée en diagnostic de routine.
Autres techniques (non validées) :
• test de transformation lymphocytaire : en cours d’évaluation, il mérite d’être amélioré car les données sont décevantes et contradictoires (risque de faux positifs/négatifs) ;
• à proscrire (très mauvaise valeur diagnostique) : tests de diagnostic rapide, frottis sanguin (proposé par certains laboratoires en Allemagne : à abandonner à tout prix car l’évaluation a clairement montré l’absence totale de valeur diagnostique), observation au microscope à fond noir ou en contraste de phase (après la mise en culture), rapport cellules NK CD57+/CD3-…
De nombreux tests biologiques sont proposés aux patients sans preuve d’efficacité. Il est important, au vu de la polémique actuelle, d’être prudent et d’utiliser des techniques qui ont fait l’objet d’une validation scientifique.
2. Berende A, ter Hofstede HJ, Vos FJ, et al. Randomized Trial of Longer-Term Therapy for Symptoms Attributed to Lyme Disease N Engl J Med 2016;374:1209-20.
3. Haddad E, Chabane K, Jaureguiberry S, Monsel G, Pourcher V, Caumes E. Holistic approach in patients with presumed Lyme borreliosis leads to less than 10% of confirmation and more than 80% of antibiotic failures. Clin Infect Dis 2019;68:2060-6.
4. Jaulhac B, Saunier A, Caumes E, et al. Lyme Borre- liosis and other tick-borne diseases. Guidelines from the French scientific societies. Biological diagnosis, treatment, persistent symptoms after documen- ted or suspected Lyme disease. Med Mal Infect 2019; 49:335-46.
5. Leeflang MM, Ang CW, Berkhout J, et al. The diagnostic accuracy of serological tests for Lyme borreliosis in Europe: a systematic review and meta-analysis. BMC Infect Dis 2016;16:140.
6. Maladie de Lyme : 24 sociétés savantes se mobilisent pour protéger les patients. 11 juillet 2019. https://bit.ly/2Zu3a1T