Voilà bien des années que l’exercice médical est questionné, en particulier en ambulatoire et singulièrement pour la médecine générale*.Pourtant, le modèle d’exercice traditionnel « libéral », fort de son antériorité, est resté jusqu’à récemment dominant. Il est vrai que ce modèle, et l’indépendance relative qu’il maintient, n’est pas sans intérêts. De là des organisations professionnelles par nature conservatrices et qui le défendent âprement. De surcroît, il bénéficie encore d’un attachement de la population, volontiers relayé par des sphères médiatiques, elles-mêmes réactives aux difficultés d’accès aux soins.

 

Il faut ajouter à ces constats l’évolution sociologique des jeunes médecins – évidemment proche de celle des « jeunes tout courts » et qui les conduit à diversifier leurs activités, réduire leurs contraintes, limiter leur disponibilité et moderniser leur cadre d’exercice, évolutions d’ailleurs partagées par nombre de moins jeunes.De leur côté, les pouvoirs publics, ministère, administration et Assurance maladie, trop longtemps éloignés des professionnels en activité et volontiers prudents sinon méfiants à l’endroit des médecins, balancent encore entre un rôle de gestionnaire strict et une posture davantage disposée à faire évoluer le cadre d’exercice des professions de santé.

 

Enfin, sur le terrain et dans les « territoires » se constituent des regroupements où médecins, soignants et travailleurs sociaux exercent ensemble (avec un concours croissant d’assistants, coordonnateurs et pratiques avancées) souvent dans un cadre attrayant et le cas échéant une ambiance militante soucieuse de la participation des patients et attentive à l’environnement.Ce sont sans doute ces considérations qui ont conduit les Ordres, voilà quelques semaines, à s’engager publiquement pour un exercice davantage pluriprofessionnel, coordonné et redistribuant au mieux les compétences des uns et des autres ; ce qui est d’ailleurs à l’œuvre –non sans frottements – depuis une vingtaine d’années dans la plupart des pays développés.

 

La mue est donc en cours d’accomplissement.

 

Et pour que les choses se passent au mieux, il faudrait maintenant que les facultés de santé initient vraiment des formations initiales pluriprofessionnelles, que les modes de rémunération continuent de se diversifier, plutôt au bénéfice des coordinations effectives et en évitant les contraintes administratives, et que les nouvelles professions – comme celles déjà existantes –substituent une culture de coordination/coopération dédiée aux patients, aux « silos » qui prévalent jusqu’à aujourd’hui. On peut rêver… 

Voir aussi :

 Chabot JM et Sibilia Jean. Une réforme de dupes : l'imbroglio des « professions intermédiaires » Rev Prat 2021;71(5):482-4. Disponible sur https://www.larevuedupraticien.fr/article/une-reforme-de-dupes-limbroglio-des-professions-intermediaires
 Chabot JM. « Ma santé 2022 » : une réforme oubliée ? Rev Prat 2022;72(4):363-5. Disponible sur https://www.larevuedupraticien.fr/article/ma-sante-2022-une-reforme-oubliee
 Chabot JM. Qu’est-ce qu’un assistant médical ? Rev Prat 2019;69(3);251-2. Disponible sur https://www.larevuedupraticien.fr/article/quest-ce-quun-assistant-medical