Le choix du mode d’exercice et la gestion de l’organisation du cabinet ne sont généralement pas enseignés à la fac, mais les possibilités sont tellement variées que cela serait peut-être inutile. C’est donc à chacun de trouver les modalités qui lui conviennent, avec un équilibre toujours fragile entre disponibilité et conditions d’exercice calmes et sereines.

 

Concernant la prise de rendez-vous, il ne viendrait probablement plus à l’idée d’un jeune médecin de ne pas la proposer en ligne. En effet, quand ce mode s’est démocratisé, il n’avait quasiment que des avantages : gain de temps pour un coût raisonnable et surtout visibilité immédiate sur les moteurs de recherche permettant d’installer rapidement sa patientèle, surtout de proximité.

 

Mais des inconvénients sont inévitablement survenus : le principal actuellement est que, en raison de l’allongement des délais de consultation lié au manque de médecins, la disponibilité visible en ligne est très souvent insuffisante par rapport aux besoins des patients. Beaucoup d’aménagements sont possibles (créneaux d’urgence, plages qui se libèrent au fur et à mesure) mais cela ne remplace JAMAIS un contact humain.

 

Un deuxième écueil que l’on n’avait pas forcément anticipé est que cette visibilité sur internet s’accompagne de la possibilité pour les utilisateurs de laisser un avis. Avis qui n’est pas forcément directement lié à notre valeur ni à nos compétences médicales…

 

Le médecin généraliste doit, de mon point de vue, rester joignable relativement facilement. En cas de symptômes persistants après une première consultation, d’effet indésirable après un traitement, d’inquiétude parentale pour un nourrisson… de nombreuses consultations peuvent être évitées ou, au contraire, doivent être programmées plus rapidement que ce que le planning en ligne propose.

 

Si le téléphone est privilégié, on risque d’être dérangé en consultation, ou bien il faudra passer un certain temps à rappeler tous les patients ayant contacté la secrétaire… 

 

Si l’on choisit les mails ou les SMS, il faut prévoir de répondre aux demandes justifiées. Et que faire des demandes injustifiées ? Ne pas répondre induit en général un nouveau message, qui, resté de nouveau sans réponse, donne au patient la sensation d’être ignoré… A contrario, répondre à chaque fois peut être contre-productif : le patient est tellement satisfait qu’il s’empresse de nous resolliciter dès qu’il en a besoin ! Et plus l’on répond vite, plus le patient peut avoir tendance à envoyer des demandes multiples (nouveau théorème mathématique à établir !).

 

L’un des grands privilèges de l’exercice libéral est la liberté d’emploi du temps. Concrètement, on effectue les horaires que l’on souhaite (et merci au télétravail qui a permis que les créneaux en journée soient presqu’autant privilégiés que ceux du soir), on choisit ou non de travailler le samedi, de se faire remplacer un jour par semaine... Certains choisissent d’avoir des plages de « sans rendez-vous » pour « écluser » les urgences du jour. Il faut quand même faire attention à maintenir une permanence de soins… sinon le bénéfice des vacances est bien vite perdu au retour ! Mais la possibilité d’avoir un remplaçant permet à chacun de garder un équilibre de vie qui lui convient.

 

Et l’acceptation d’ailleurs de ne pas être toujours présent/toujours disponible/d’accepter tout et n’importe quoi permet probablement de se prémunir du burn-out. Attention toutefois au syndrome du sauveur : donner son « 06 » pour être joignable en permanence, répondre aux mails de patients durant ses vacances, rencontrer des difficultés à confier son cabinet à quelqu’un d’autre…. Autant de risques que l’utilité et la gratitude qui découlent de notre métier et nous satisfont soient vite effacées par la surcharge mentale et psychologique qui risquent de nous faire sombrer.

 

Enfin, le point qui, sauf à avoir effectué un stage en cabinet, n’est malheureusement jamais anticipé par les futurs médecins généralistes est le choix des personnes avec qui l’on s’installe. Or c’est probablement l’une des clés d’une installation heureuse. Trouver des collègues dont la pratique est suffisamment proche de la nôtre, pouvoir partager des anecdotes sur les patients et surtout des prises en charge complexes, avoir un temps de repos dans la journée pendant lequel on peut parler de notre vie personnelle… On ne se doute pas à quel point c’est précieux !