En lui-même, le sens de cette question n’est pas dépourvu d’ambiguïté, car il s’agit au fond de s’interroger sur le bien-fondé d’un traitement précoce d’une maladie qu’on sait très invalidante dans son évolution. Cela devrait apparaître comme une question incongrue en médecine si elle ne sous-tendait pas toute la polémique de la pratique très controversée du debriefing ; comme si les prises en charge effectuées par les cellules d’urgence médicopsychologique (CUMP) se limitaient à cette technique de soin. Pourtant, les interventions assurées par les CUMP vont des soins immédiats sur le terrain (gestion de crise, tri, defusing [v. infra]…) aux soins post-immédiats individuels, collectifs (debriefing, groupe de parole) ou sous forme de consultations spécialisées à plus long terme. Le debriefing n’est donc que l’une de ces prises en charge possibles dans les jours suivant une exposition traumatique. Cette technique, créée en 1944, pendant la guerre, pour venir en aide aux soldats très éprouvés sur les champs de bataille a depuis beaucoup évolué, même depuis le critical incident stress debriefing (CISD) de Jeffrey Mitchell de 1983. Le CISD a été l’objet d’études, indiscutables sur le plan scientifique, tendant à montrer son inefficacité, voire une aggravation des troubles. Ces études, qui ont jeté pendant longtemps un fort discrédit sur la technique (et même sur les CUMP !), ne répondaient pourtant pas aux critères essentiels (groupes, soin post-immédiat, psychothérapeutes formés…) et ont utilisé le trouble de stress post-traumatique comme seul critère de jugement alors que le debriefing vise avant tout l’impact collectif. Les études montrant les effets positifs du debriefing concernent presque toutes des groupes de personnes et sont souvent moins connues. Notons que la méta-analyse Cochrane1 conclut de manière plus nuancée de la façon suivante : « Rien ne permet aujourd’hui de démontrer l’effet positif du debriefing sur le trouble de stress post-traumatique. » L’adaptation francophone de cette technique par l’intervention psychothérapique post-immédiate (IPPI) constitue la version actuellement préconisée par les CUMP, toujours codifiée mais plus souple. Elle s’adresse à des sujets, d’un même groupe d’appartenance (par exemple : équipes de secours, professionnels, élèves d’une même classe, équipe sportive…), ayant été confronté ensemble à un même événement potentiellement traumatique (accident, catastrophe, attentat…) et pris en charge de manière collective en post-immédiat (de 48 à 72 heures après l’événement). Le groupe peut être constitué de 5 à 15 personnes, toutes doivent être volontaires. Cette séance collective, unique, ne suffit pas à « détraumatiser » mais elle permet éventuellement d’orienter vers des prises en charge individuelles.
Ainsi, le debriefing ou IPPI ne doit donc pas occulter le panel très large des prises en charge précoces, les plus spécifiques étant les soins immédiats (dès les premières 24 heures) assurées « sur le terrain », en préhospitalier, par les CUMP dans les suites d’événements de type catastrophe ou à retentissement psychologique collectif. L’objectif essentiel de ces soins immédiats est la réduction de l’impact psychique engendré par l’événement potentiellement traumatique, qu’il soit individuel, collectif et/ou institutionnel. Les événements dits à fort impact collectif engendrent une charge émotionnelle massive, source de désordre et de crise, qu’il faut impérativement prendre en compte et réduire pour ne pas renvoyer aux victimes une image de chaos « cristallisant le traumatisme ». Pour cela, l’organisation, l’aide aux autorités et aux sauveteurs pour garantir les besoins humains fondamentaux immédiats, les conseils en matière de communication et d’information, etc. s’avèrent essentiels. En fait, il s’agit là d’un soin indirect, d’une véritable « guidance » en matière psychique qui doit rapidement permettre d’introduire un espace de pensée dans le désordre engendré par l’événement.2
Une fois ces éléments d’organisation pris en compte, le type de soin direct aux victimes dépend de leur état clinique. Les sujets en état de stress adapté, accessibles à la relation mais très « chargés » au plan émotionnel, peuvent bénéficier d’un defusing3 individuel ou en petit groupe : technique spécialisée de « désamorçage » dont l’efficacité thérapeutique va dépendre des capacités de contenance, de respect des défenses psychiques en œuvre et d’empathie du soignant.
Les sujets en stress dépassé, ayant souvent des troubles comportementaux (sidération, agitation, actes automatiques…) et « dissociés » au plan psychique, dans le déni défensif de l’événement, doivent être accompagnés, rassurés, apaisés (une légère anxiolyse médicamenteuse non sédative peut s’avérer utile) sans intrusion ni confrontation à la narration traumatique (risque de répétition).
Enfin, les soins prodigués aux sujets qui décompensent des troubles de la personnalité ou des pathologies antérieures à l’occasion de l’événement s’apparentent à ceux pratiqués en psychiatrie d’urgence.
Les soins immédiats s’entendent comme un processus, une première aide, proposé au sujet, ils comprennent une orientation vers des soins ultérieurs si nécessaire ainsi qu’une mise en lien avec d’autres structures pour les démarches à venir.
Ainsi, le debriefing ou IPPI ne doit donc pas occulter le panel très large des prises en charge précoces, les plus spécifiques étant les soins immédiats (dès les premières 24 heures) assurées « sur le terrain », en préhospitalier, par les CUMP dans les suites d’événements de type catastrophe ou à retentissement psychologique collectif. L’objectif essentiel de ces soins immédiats est la réduction de l’impact psychique engendré par l’événement potentiellement traumatique, qu’il soit individuel, collectif et/ou institutionnel. Les événements dits à fort impact collectif engendrent une charge émotionnelle massive, source de désordre et de crise, qu’il faut impérativement prendre en compte et réduire pour ne pas renvoyer aux victimes une image de chaos « cristallisant le traumatisme ». Pour cela, l’organisation, l’aide aux autorités et aux sauveteurs pour garantir les besoins humains fondamentaux immédiats, les conseils en matière de communication et d’information, etc. s’avèrent essentiels. En fait, il s’agit là d’un soin indirect, d’une véritable « guidance » en matière psychique qui doit rapidement permettre d’introduire un espace de pensée dans le désordre engendré par l’événement.2
Une fois ces éléments d’organisation pris en compte, le type de soin direct aux victimes dépend de leur état clinique. Les sujets en état de stress adapté, accessibles à la relation mais très « chargés » au plan émotionnel, peuvent bénéficier d’un defusing3 individuel ou en petit groupe : technique spécialisée de « désamorçage » dont l’efficacité thérapeutique va dépendre des capacités de contenance, de respect des défenses psychiques en œuvre et d’empathie du soignant.
Les sujets en stress dépassé, ayant souvent des troubles comportementaux (sidération, agitation, actes automatiques…) et « dissociés » au plan psychique, dans le déni défensif de l’événement, doivent être accompagnés, rassurés, apaisés (une légère anxiolyse médicamenteuse non sédative peut s’avérer utile) sans intrusion ni confrontation à la narration traumatique (risque de répétition).
Enfin, les soins prodigués aux sujets qui décompensent des troubles de la personnalité ou des pathologies antérieures à l’occasion de l’événement s’apparentent à ceux pratiqués en psychiatrie d’urgence.
Les soins immédiats s’entendent comme un processus, une première aide, proposé au sujet, ils comprennent une orientation vers des soins ultérieurs si nécessaire ainsi qu’une mise en lien avec d’autres structures pour les démarches à venir.
Références
1. Rose SC, Bisson J, Churchill R, Wessely S. Psychological debriefing for preventing post traumatic stress disorder (PTSD). Cochrane Database Syst Rev 2002;2:CD000560.
2. Prieto N, Cheucle É, Dalphin C, Simond M, Darbon R, Baro P. Catastrophe de type attentat : prise en charge immédiate. L’exemple de Saint-Quentin-Fallavier. Ann Méd Psychol 2015;173:859-62.
3. Prieto N, Cheucle E, Faure P, et al. Defusing des victimes des attentats de Paris. Éléments d’évaluation un mois après. Encéphale 2016. DOI: 10.1016/j.encep.2016.10.002
2. Prieto N, Cheucle É, Dalphin C, Simond M, Darbon R, Baro P. Catastrophe de type attentat : prise en charge immédiate. L’exemple de Saint-Quentin-Fallavier. Ann Méd Psychol 2015;173:859-62.
3. Prieto N, Cheucle E, Faure P, et al. Defusing des victimes des attentats de Paris. Éléments d’évaluation un mois après. Encéphale 2016. DOI: 10.1016/j.encep.2016.10.002