Supprimer l’étau du double concours
Ces objectifs ne sont pas contestables car il faut transformer un système considéré à juste titre comme responsable de l’échec d’excellents lycéens très motivés, et surtout parce qu’il était devenu incapable de répondre à des besoins de formation dans une période marquée par une pénurie de médecins, avec d’importantes inégalités territoriales. Ces difficultés ont entraîné, comme facteur aggravant, la fuite de nos étudiants « collés » pour obtenir un diplôme médical dans un autre pays de l’Union européenne (Roumanie, Belgique…) et l’afflux « compensatoire » de médecins étrangers qui ont été, pour certains, mal intégrés dans notre système de soins. Il est donc indispensable, sans attendre, de transformer ce système pour s’adapter aux enjeux majeurs de la médecine de demain dans un monde qui doit affronter des incertitudes économiques, sociologiques, politiques et surtout environnementales majeures. Notre responsabilité est d’écouter les « douleurs » d’un système profondément malade que nous devons « réanimer ».
Une réorganisation massive
Ainsi, cette évolution pédagogique va justifier plus que jamais des médecins formés différemment car ils devront avoir des capacités de coordination, d’écoute et d’accompagnement de patients qui sont dans l’attente d’un bien-être physique, mental et social, comme le précise la définition de l’Organisation mondiale de la santé… depuis 1946 ! Pour cela, il faut que notre formation médicale se transforme pour être plus collaborative, plus digitale, plus pertinente et encore plus humaniste… ce qui est un sacré défi !
Les prérequis de la réforme
Des connaissances mais aussi des compétences et des valeurs humaines
Maîtriser intelligemment la démographie médicale
Diversifier le profil des étudiants
Un premier cycle professionnalisant
Nous aurons réussi cette réforme si nous arrivons aussi à mettre en place une orientation intelligente des étudiants qui n’auront pas intégré une des filières médicales. Il faut leur offrir un parcours « sortant » vers un métier de la santé ou une autre filière disciplinaire (biologie, droit, chimie…) selon leur projet professionnel. Favoriser la réussite universitaire étudiante avec un objectif d’employabilité est une de nos responsabilités.
Transformer la pédagogie
Impliquer les équipes pédagogiques
Favoriser une mobilité internationale
Intégrer les nouveaux outils
Diversifier la formation
Avoir une vision territoriale
Cette responsabilité des universités dans la formation médicale permet d’envisager une coordination extrêmement légitime entre la formation initiale et une formation « tout au long de la vie » qui pourra être mise à disposition des professionnels de santé, notamment dans le domaine de l’innovation par de nouveaux outils comme les plateformes d’e-learning et de simulation.
Un énorme effort de pédagogie à faire
Ces « conditions » suscitent des inquiétudes liées à de nombreuses incertitudes surtout organisationnelles mais aussi à la masse des tâches pédagogiques que l’on ne peut pas imaginer mettre en place dans ce délai incroyablement court sans des moyens adaptés que nous revendiquons.
La motivation de nos équipes est admirable, mais l’accumulation des charges et des contraintes rend l’année 2020 à « haut risque » car elle sera l’année de la fin de la PACES et celle du début du nouveau deuxième cycle. Nous aurons besoin d’une énergie, d’une solidarité et de soutien sans failles, faisant fi dans ce moment « historique » des clivages et des postures qui minent encore trop nos communautés et nos institutions. Souhaitons que nous réussissions ensemble car cela ne peut être qu’un succès collectif. Gardons le meilleur, la professionnalisation que l’on nous envie… abandonnons le pire, la « malveillance » des études, pour que, demain, nos médecins et nos soignants puissent animer un système de soins pertinent et solidaire dont nous serons fiers. On avance ensemble.
Les 10 conditions de la réussite de la réforme de la formation médicale
1. Proposer des études médicales sélectives mais plus centrées sur l’acquisition de compétences et les valeurs humaines avec le souhait de favoriser la réussite et l’épanouissement des étudiants.2. Définir le nombre de médecins à former grâce à un algorithme prédictif anticipant les besoins des territoires en renforçant le rôle et les moyens de l’ONDPS.3. Diversifier le profil des étudiants en médecine par des filières d’accès et des passerelles « multiples » et attractives mais aussi par différentes autres mesures (dès l’école) pour une offre professionnelle « ouverte » répondant à une offre de soins adaptée.4. Garantir une formation rapidement professionnalisante en évitant une « LMDisation » de la formation mais en favorisant une culture collaborative pluriprofessionnelle précoce.5. Mettre en place de nouvelles méthodes d’enseignement et d’évaluation, dont des oraux, sans suspicion d’inéquité, et cela dans un nouveau pacte de confiance universitaire.6. Obtenir un engagement sans failles de nos équipes pédagogiques et réorganiser nos scolarités en revendiquant des moyens à la hauteur des enjeux sans précédents de cette réforme.7. Promouvoir un esprit nouveau avec plus de créativité, de curiosité et d’ouverture d’esprit, notamment par des mobilités internationales dans l’idée d’une citoyenneté européenne de la santé.8. Faciliter l’appropriation de la médecine connectée et de l’IA de demain par une formation notamment en collaboration avec les écoles d’ingénieurs et les grandes écoles en favorisant une sensibilisation éthique et déontologique nouvelle.9. Favoriser la formation précoce à la recherche et veiller à l’implication de tous les acteurs de la santé, du secteur médico-social, des institutions et des entreprises pour une « ouverture territoriale » de la formation à condition d’avoir les moyens pour le faire.10. Permettre dans chaque université une diversification de l’offre de formation médicale et des autres professions de santé en construisant une offre « tout au long de la vie » avec la mise à disposition d’outils numériques pour améliorer les connaissances (innovations) et les compétences.