objectifs
Lister les différents types de produits qui sont l’objet d’une vigilance réglementée.
Discuter une situation où la vigilance pourrait être déficitaire pour chacun de ces produits.
Préciser les grandes missions de Santé publique France et de l’ANSM.

Système national de veille et de surveillance sanitaire1

Veille sanitaire, premier axe de la politique de santé

Parmi les onze axes de la politique de santé définis dans le code de la santé publique (CSP), le premier est « la surveillance et l’observation de l’état de santé de la population et l’identification de ses principaux déterminants. »2 C’est en effet à partir de l’identification des besoins de santé que se construisent les stratégies de santé publique. La veille sanitaire3 peut être définie comme « la collecte, l’analyse et l’interprétation en continu par les structures de santé publique des signaux pouvant représenter un risque pour la santé publique dans une perspective d’anticipation, d’alerte et d’action précoce ».4 Compte tenu de son importance, cette veille sanitaire est devenue une discipline médicale et scientifique à part entière.

Organisation du système français

Compte tenu de la dimension planétaire de nombreux problèmes de santé, la France est en relation étroite avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC : European Center for Disease Control and Prevention, créé à Stockholm en 2005 pour l’étude des seules maladies infectieuses), avec ses partenaires européens et avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ; c’est par ailleurs l’OMS qui, conformément au règlement sanitaire international, détermine le seuil d’alerte et déclare l’urgence de santé publique de portée internationale (par exemple, dès le 30 janvier 2020, pour la pandémie de Covid-19).
À l’échelle nationale, le ministère chargé de la santé, et plus particulièrement la Direction générale de la santé, assure la coordination entre les différents acteurs impliqués dans la veille sanitaire : l’agence nationale de santé publique, appelée Santé publique France, les agences régionales de santé (ARS), ainsi que chaque professionnel de santé.
Santé publique France est un établissement public de l’État à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre chargé de la Santé, qui a remplacé en 2016 l’Institut de veille sanitaire, créé par la réforme de 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire. Les missions de Santé publique France sont les suivantes :
  • l’observation épidémiologique et la surveillance de l’état de santé des populations, ainsi que la veille sur les risques sanitaires menaçant les populations, dans le respect des missions dévolues aux agences régionales de santé ;
  • la promotion de la santé et la réduction des risques pour la santé, ainsi que le développement de la prévention et de l’éducation pour la santé ;
  • la participation à la gestion des crises sanitaires :
. lancement de l’alerte sanitaire,
. préparation et réponse aux menaces sanitaires ; à ce titre, elle assure, pour le compte de l’État, la gestion administrative, financière et logistique de la réserve sanitaire ainsi que des stocks de produits, équipements et matériels nécessaires à la protection des populations face aux menaces sanitaires graves.
Santé publique France est donc une agence d’expertise scientifique fondée sur le continuum entre la connaissance et l’intervention, avec les missions suivantes : anticiper, comprendre et agir.
Pour sa collecte systématique et continue des données, Santé publique France dispose d’un réseau d’antennes en région, les cellules d’intervention en région (15 CIRE en métropole et 2 en outre-mer) qui siègent au sein des ARS.
La veille sanitaire repose aussi fondamentalement sur la mobilisation de tous les professionnels de santé. D’après le code de la santé publique (art. L4001-1 CSP), les obligations déclaratives constituent la première mission de santé publique des membres des professions de santé. Elles concernent :
  • les maladies qui nécessitent une intervention urgente ou dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l’évaluation de la politique de santé publique ;
  • les infections et événements indésirables graves associés à des soins ;
  • les menaces imminentes pour la santé de la population.
Ces obligations sont détaillées dans le paragraphe suivant.

Principaux systèmes de surveillance

Les systèmes de surveillance peuvent poursuivre plusieurs objectifs : estimer l’importance d’un phénomène de santé (maladie, facteur de risque, déterminant de santé, exposition, comportements, couverture vaccinale, risque…), évaluer son évolution, détecter les épidémies, contribuer à l’évaluation des politiques de lutte et de prévention, etc. Pour s’adapter au mieux aux spécificités de chaque problème, de nombreux systèmes de surveillance ont été élaborés.

Systèmes fondés sur une obligation réglementaire


Maladies à déclaration obligatoire (tableau)

Le dispositif le plus ancien concerne les maladies à déclaration obligatoire (MDO). La liste, définie par décret sur avis du Haut Conseil de la santé publique, est réactualisée régulièrement. Elle compte une trentaine de maladies dont deux non infectieuses.
Devant un cas, le médecin doit transmettre les données individuelles au médecin de l’ARS afin de contrôler un risque de diffusion de la maladie, conduire ou évaluer une politique de santé publique. Deux procédures de déclaration sont prévues :
  • le signalement à l’ARS pour les MDO qui nécessitent une intervention urgente5 ; des mesures de protection individuelle et collective peuvent ainsi être prises rapidement et donner lieu, le cas échéant, à des investigations complémentaires ;
  • la notification à l’ARS, obligatoire pour toutes les MDO : transmission des données cliniques, épidémiologiques et biologiques ; celles-ci, après anonymisation, sont envoyées à Santé publique France.

Certificats médicaux de décès

Les médecins qui ont constaté un décès doivent le déclarer par voie électronique.
On distingue les certificats généraux de décès et les certificats néonatals. Les causes de décès sont codifiées conformément à la Classification internationale des maladies. Ces données sont ensuite exploitées à des fins statistiques par le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Inserm et par Santé publique France.

Certificats de santé des enfants

Les certificats de santé des 8e jour, 9e et 24e mois ont une double vocation : repérage par les centres de protection maternelle et infantile (PMI) des familles susceptibles de recevoir une aide personnalisée, traitement statistique des données anonymes au niveau national.

Déclaration obligatoire des infections associées aux soins et des événements indésirables graves associés à des soins

Depuis 2002, le code de la santé publique prévoit que tout professionnel de santé, établissement de santé ou établissement et service médico-social déclare au directeur de l’ARS :
  • tout événement indésirable grave associé à des soins, défini comme un événement inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne, et dont les conséquences sont le décès, la mise en jeu du pronostic vital, la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent, y compris une anomalie ou une malformation congénitale ;
  • les infections associées aux soins (dont les infections nosocomiales) répondant aux critères suivants :
. l’infection associée aux soins est inattendue ou inhabituelle du fait soit de la nature, des caractéristiques, notamment du profil de résistance aux anti-infectieux, de l’agent pathogène en cause, soit de la localisation ou des circonstances de survenue de l’infection chez les personnes atteintes ;
. l’infection associée aux soins survient sous forme de cas groupés ;
. l’infection associée aux soins a provoqué un décès ;
. l’infection associée aux soins relève d’une transmission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire.
Les événements indésirables graves et infections associées aux soins peuvent survenir dans le cadre de soins réalisés lors d’investigations, de traitements, d’actes médicaux, y compris à visée esthétique, ou d’actions de prévention.
Il est prévu que les professionnels de santé concernés analysent les causes de ces infections et événements indésirables ; ils peuvent être assistés dans cette mission d’analyse par deux structures régionales distinctes :
  • pour les déclarations d’événements indésirables graves : par la structure régionale d’appui à la qualité des soins et à la sécurité des patients ;
  • pour les infections associées aux soins : par le centre d’appui pour la prévention des infections associées aux soins (CPIAS).
Notons que le code de la santé publique prévoit plus largement que l’ensemble des services de l’État, les établissements publics, les établissements de santé et médico-sociaux, les services de secours, le Service de santé des armées et tout professionnel de santé sont tenus de signaler sans délai au directeur général de l’ARS les menaces imminentes pour la santé de la population dont ils ont connaissance ainsi que les situations dans lesquelles une présomption sérieuse de menace sanitaire grave leur paraît constituée.

Systèmes fondés sur des échantillons et des réseaux de services ou de professionnels

Ces systèmes de surveillance continus d’une question spécifique fonctionnent grâce à la mobilisation de nombreux acteurs du terrain. Ils ne visent pas à l’exhaustivité mais apportent des informations intéressantes au niveau national, en particulier en termes de tendance. On peut ainsi citer :
  • un réseau de laboratoires pour le suivi d’agents bactériens responsables d’infections invasives ;
  • un réseau hospitalier de surveillance des syndromes hémolytiques et urémiques ;
  • un réseau de santé au travail pour le suivi de maladies professionnelles ;
  • le réseau Sentinelles de médecins généralistes et pédiatres libéraux pour le suivi de plusieurs indicateurs de santé, actua­lisés chaque année en partenariat avec Santé publique France6.

Surveillance d’événements de santé par les registres

Recueils continus et exhaustifs de données nominatives relatives à un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, les registres permettent, par extrapolation, de suivre les données d’incidence, de prévalence et, pour le cancer, de survie. Ils permettent de mesurer l’impact d’interventions, comme le dépistage d’un cancer.
Il existe une cinquantaine de registres pour la surveillance de maladies (cancer, maladies cardiovasculaires, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin [MICI], maladies rares…), de problèmes de santé (malformations, handicaps, grossesse extra-utérine [GEU]…) ou des accidents de la route. Le seul registre d’envergure nationale concerne les cancers de l’enfant.

Surveillance par enquêtes transversales périodiques

Cette méthode de surveillance permet de suivre des expo­sitions, des déterminants ou facteurs de risque, des connaissances, des comportements, mettant en évidence des évolutions spontanées ou l’impact d’interventions dans la population. Ciblées sur un individu ou un foyer, ces enquêtes peuvent être déclaratives (autoquestionnaires, entretiens téléphoniques, etc.) ou faites à l’occasion d’un examen de santé ou d’un prélèvement. Les populations enquêtées peuvent être très variées :
  • population générale ;
  • malades hospitalisés, pour les enquêtes relatives aux infections nosocomiales ;
  • enfants scolarisés, pour mesurer la couverture vaccinale, la prévalence de l’obésité, etc. ;
  • groupes vulnérables, comme les usagers de drogues, les sans domicile fixe, les bénéficiaires de l’aide alimentaire ;
  • patients atteints d’une maladie donnée, comme le diabète, etc.
Les enquêtes déclaratives répétées du Baromètre santé donnent par exemple un état des lieux et un suivi des questions étudiées : tabagisme, alcoolisation, consommation de drogues illicites, pratiques vaccinales, pratique d’une activité physique, sommeil, douleur, santé mentale, etc.

Surveillance non spécifique ou syndromique

De même qu’en tant qu’ensemble de symptômes, un syndrome peut permettre le diagnostic d’une maladie, la surveillance syndromique est fondée sur un ensemble de signaux issus du rapprochement des données extraites de plusieurs systèmes d’information (ensemble des recours aux soins associés à leurs motifs, diagnostics cliniques, achats de médicaments sans prescription…). C’est ainsi que le dispositif « Surveillance sanitaire des urgences et des décès SurSaUD » permet depuis 2003 la centralisation quotidienne d’informations provenant d’un réseau de surveillance coordonnée de services d’urgence (OSCOUR), d’un réseau d’associations SOS Médecins, de données de mortalité de l’Insee couplées aux causes médicales. L’analyse fine de ces indicateurs a par exemple permis de suivre au quotidien la progression de la pandémie de Covid-19 en 2020.

Apport du suivi de cohortes et des bases de données médico-administratives

Il faut par ailleurs mentionner l’apport particulier des cohortes pour la surveillance des pathologies liées au travail.
Enfin, les progrès de l’intelligence artificielle et des sciences du big data ouvrent de nouvelles perspectives pour l’exploitation des informations mises à disposition par le Système national des données de santé, notamment les bases de données médico-administratives (PMSI pour les établissements de santé, Système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie [SNIIRAM] pour les recours aux soins en ambulatoire).
1 J.-C. Desenclos, G. Brücker. Surveillance. In « Traité de santé publique », F. Bourdillon, G. Brücker, D. Tabuteau. Lavoisier Médecine Sciences. 2016, p. 79-94.2 CSP : L1411-1.3 Le terme de vigilance est réservé à la surveillance des produits de santé ou autres produits réglementés (voir n° 177 [anciennement 181], 1).4 J.-C. Desenclos. Surveillance et veille sanitaire : concepts, définition et organisation. In : F. Dabis, J.-C. Desenclos. Epidémiologie de terrain. Paris. John Libbey-Eurotext, 2012, 804 pages.5 Toutes les MDO, sauf les mésothéliomes, l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), l’infection aiguë symptomatique par le virus de l’hépatite B (VHB) et le tétanos.6 À titre d’exemple, les indicateurs suivants sont suivis en 2020 : acte suicidaire, coqueluche, diarrhée aiguë ; infection respiratoire aiguë, maladie de Lyme, oreillons, varicelle, zona.7 Article D3113-6 CSP, modifié par le décret n° 2018-342 du 7 mai 2018.8 Article D3113-7 CSP, modifié par le décret n° 2012-47 du 16 janvier 2012.
Message auteur

La sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme La veille sanitaire (voir item 325)

Cet item transversal peut faire l’objet de questions à choix simple ou multiple, dans le cadre d’un dossier ou sous forme d’une question isolée de connaissance générale. Par exemple, la question suivante peut être envisageable :

Parmi les propositions suivantes, laquelle(lesquelles) est(sont) exacte(s) ?

A. L’ensemble des dispositifs de veille sanitaire ont pour finalité principale la recherche.

B. Santé publique France a à la fois des missions d’observation épidémiologique de l’état de santé des populations, de prévention et d’éducation pour la santé, et de participation à la gestion des crises sanitaires.

C. Toutes les maladies à déclaration obligatoire font l’objet d’une procédure de signalement à l’ARS.

D. Les maladies à déclaration obligatoire sont toujours des maladies infectieuses.

E. Un événement indésirable grave survenant au cours d’une hospitalisation doit faire l’objet d’une déclaration auprès du directeur général de l’ARS.

Points forts
La sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme La veille sanitaire (voir item 325)

POINTS FORTS À RETENIR

Connaître les obligations réglementaires de déclarations par les professionnels de santé dans le cadre de la veille sanitaire : maladies à déclaration obligatoire, certificats médicaux de décès, certificats de santé des enfants, déclaration obligatoire des infections associées aux soins et des événements indésirables graves associés à des soins.

Connaître les principales structures impliquées dans la veille sanitaire en France : Direction générale de la santé, Santé publique France, agences régionales de santé, cellules interrégionales d’épidémiologie.

Connaître des exemples de systèmes de surveillance utilisés dans le cadre de la veille sanitaire : réseaux, registres, enquêtes, surveillance syndromique, suivi de cohortes et bases de données médico-administratives.

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