Le réflexe de succion présent lors des premiers mois du nourrisson est habituellement assouvi par un doigt ou une tétine. Cependant, l’impact de l’utilisation de cette dernière sur la santé des nourrissons, notamment concernant l’apparition des allergies alimentaires, reste à éclaircir. De premières données indiquaient que la tétine pourrait jouer un rôle protecteur contre le développement d’allergies alimentaires, mais ces résultats nécessitaient une confirmation.
Pour les compléter, trois chercheurs de l’université de Montpellier ont utilisé de manière rétrospective la cohorte EDEN, une cohorte mère-enfant (N = 1 774 couples mère-enfant) concernant des femmes enceintes recrutées à Nancy et à Poitiers et suivies jusqu’au premier anniversaire de leur enfant.
À partir des données de cette cohorte, les auteurs ont évalué l’usage de la tétine par les enfants. Ils ont estimé également le nombre d’enfants souffrant à 1 an d’allergie alimentaire, définie comme la présence d’un symptôme de réaction allergique (gonflement des lèvres ou de la face, troubles gastro-intestinaux, etc.) après l’ingestion d’un certain type de nourriture (poisson, œufs, etc.), avec un diagnostic clinique d’allergie validé par un médecin.
Au total, 1 774 mères ont participé à l’étude EDEN et répondu au questionnaire lorsque leur enfant a eu 1 an. Les réponses étaient binaires : oui (utilisation quotidienne) ou non (jamais ou peu fréquente). L’usage de tétine était rapporté chez 58,8 % des nourrissons et une réaction allergique après ingestion d’aliments chez 6,3 % des enfants.
En calculant l’odds ratio de la présence d’une allergie alimentaire en fonction de l’utilisation d’une tétine, les chercheurs ont découvert une association significative, indiquent-ils dans une lettre à l’éditeur parue mi-février dans Pediatric Allergy and Immunology. En effet, même en prenant en compte de potentiels facteurs confondants comme l’allaitement, les auteurs signalent un odds ratio inférieur strictement à 1 concernant l’association entre l’usage de tétine et la présence d’allergie alimentaire à 1 an (OR = 0,295 ; IC95 % = [0,083 ; 0,924]).
Ces résultats rejoignent ceux d’autres recherches. L’une des hypothèses pour expliquer cette association est que les parents peuvent nettoyer la tétine de leur enfant en la suçant eux-mêmes, ce qui favoriserait le transfert de leur microbiome salivaire à l’enfant, lui conférant ainsi une protection potentielle contre le risque de développer des allergies. Toutefois, les données de la présente étude ne permettent pas d’évaluer la véracité de cette hypothèse, qui doit être confirmée dans une plus grande cohorte incluant une analyse du microbiome des enfants.
Enfin, pour rappel, la Société française d’allergologie a publié récemment de nouvelles recos sur la diversification alimentaire pour diminuer le risque d’allergie.
À lire aussi :
Nobile C. Diversification alimentaire : nouvelles recos de la SFA. Rev Prat (en ligne) 28 juin 2022.