Alors que l’épidémie de grippe se poursuit en France, la HAS a émis, de façon inattendue, un avis favorable à la vaccination annuelle des enfants de 2 ans à 17 ans révolus. Focus sur les arguments justifiant cette reco, les modalités pratiques, les possibles écueils…

Chaque année, l’impact de la grippe saisonnière est lourd : plus de 1 million de consultations en médecine de ville, plus de 20 000 hospitalisations et environ 9 000 décès, concentrés sur une durée moyenne de 10 semaines d’épidémie, et ce avec des variations importantes d’une épidémie à l’autre. Cet année, l’impact est particulièrement élevé, et l’épidémie est loin d’être terminée : en recul après les fêtes de fin d’année, elle regagne à nouveau du terrain depuis début février.

Aujourd’hui, la vaccination antigrippale est recommandée aux personnes ayant un risque de forme sévère de la maladie : âgées de plus de 65 ans, ayant des maladies chroniques (à partir de l’âge de 6 mois), femmes enceintes quel que soit le trimestre de grossesse, entourage des nourrissons de moins de 6 mois à risque de grippe grave et des personnes immunodéprimées, personnes séjournant en Ehpad, professionnels de santé.

Pour limiter l’impact sanitaire et organisationnel de cette épidémie, faut-il élargir la vaccination aux enfants en bonne santé, comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays tels que le Royaume-Uni, l’Espagne ou encore l’Autriche ?

Bénéfices/risques de la vaccination

Selon la HAS, la réponse est oui, et ce pour 4 raisons : 

  • la vaccination est efficace, chez les enfants sans comorbidité, pour prévenir l’infection (selon les revues Cochrane elle serait de 78 % pour les vaccins vivants atténués et 64 % pour les vaccins inactivés) ;
  • elle est sûre : les données de pharmacovigilance des vaccins disponibles en France (Fluarix Tetra, Vaxigrip Tetra, Influvac Tetra, Flucelvax et Fluenz Tetra) ne montrent aucun signal particulier de tolérance ; les données européennes et mondiales confirment la sécurité de ces vaccins chez les enfants.
  • elle a un bénéfice individuel : les enfants de moins de 15 ans, et surtout les 2 à 5 ans, sont surreprésentés parmi les cas de syndrome grippal vus en consultation de médecine de ville (9 % pour les moins de 2 ans, 19 % pour les 2-5 ans, 15 % pour les 6-14 ans) et aux urgences (14 % pour les moins de 2 ans, 23 % pour les 2-5 ans, 15 % pour les 6-14 ans) alors que les enfants de moins de 2 ans, de 2 à 5 ans et de 6 à 14 ans ne représentent que respectivement 2 %, 5 % et 11 % de la population. Cette vaccination permettrait d’alléger le poids de la grippe dans les services pédiatriques.
  • elle a un bénéfice collectif : la HAS estime que la vaccination de cette population « réservoir » de la grippe permettrait de limiter la diffusion de la maladie au sein de la population et des personnes âgées.

Ainsi, la HAS recommande que la vaccination contre la grippe saisonnière soit intégrée au calendrier vaccinal pour être proposée chaque année aux enfants sans comorbidité âgés de 2 à 17 ans révolus, et prône son remboursement dans cette population.

Avec quel vaccin ?

Si chacun des cinq vaccins qui dispose d’une AMM chez l’enfant (Fluarix Tetra, Vaxigrip Tetra, Influvac Tetra, Fluenz Tetra, Flucelvax) peut être utilisé, la HAS recommande de préférer le vaccin par voie intranasale Fluenz Tetra : ce mode d’administration plus simple (pulvérisation dans le nez) devrait en effet être mieux accepté par les enfants et leurs parents. Ce vaccin dispose d’une AMM chez l’ado et l’enfant à partir de 24 mois mais il n’a pas été commercialisé en France pour la saison 2022-2023.

Les pédiatres s’en réjouissent

Lors de l’élaboration de ces recos, étant donné l’absence de groupe de travail/de lecture, la HAS a mis en place une consultation publique, dont les résultats sont également publiés.

Les sociétés savantes pédiatriques se réjouissent de cette décision, qui devrait soulager les services pédiatriques, alors que Sanofi plaide pour que les enfants puissent être vaccinés à partir de 6 mois au lieu de 2 ans (selon la HAS, « l’intégration de cette vaccination dans le calendrier des vaccinations des moins de 2 ans soulève des questions d’acceptabilité et les données disponibles dans cette tranche d’âge demeurent limitées et ne permettent pas de conclure sur les bénéfices attendus »).

Le CEMKA (un cabinet d’études en santé) a un avis plus mitigé : quelle sera l’acceptabilité de cette reco en France ? La couverture vaccinale des Français étant faible, ne faudrait-il pas plutôt mettre en place des mesures pour améliorer la vaccination des personnes avec facteurs de risque, et surtout des enfants à risque de forme grave, qui sont très peu vaccinés ? Il serait intéressant de connaître l’avis des généralistes, qui n’ont pas répondu à cette consultation publique, mais qui seront les premiers vaccinateurs (les pharmaciens pouvant vacciner seulement les plus de 16 ans).

À suivre dans la prochaine campagne 2023-24…

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