En 2021, 18 193 patients attendaient une greffe rénale, en France. Parmi eux, 3 251 (soit à peine 18 %) ont été greffés. Le nouveau Plan ministériel (2022-2026) pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus a été rendu public ; il vise à réduire cette énorme carence.

L’activité de greffe, toute prioritaire qu’elle soit, a connu un ralentissement majeur ces deux dernières années.
La pandémie Covid-19 en est une cause évidente : elle a saturé les lits de réanimation (empêchant la prise en charge de patients en mort cérébrale et donc donneurs potentiels), généré une incertitude (de telle ampleur que l’activité de transplantation rénale a été, pour la première fois de son histoire, suspendue du 19 mars 2020 au 11 mai 2020) et fait annuler les prélèvements et les greffes de patients parfois asymptomatiques mais contaminés par le virus SARS-CoV-2. L’activité de greffe a ainsi connu une décrue de 25 % en 2020 !
Mais à bien regarder les chiffres, c’est dès 2018, soit avant le début de la pandémie, que la décroissance de l’activité de greffe s’était amorcée…
La décompression progressive de l’hôpital permise par l’application des mesures barrières, par la large couverture vaccinale et par le développement de traitements préventifs n’a que partiellement dégagé l’horizon : les tensions hospitalières provoquées par la pénurie de ­soignants continuent en effet à compromettre l’accès au bloc opératoire.
Pour sortir de cette ornière, le Plan ministériel 2022-2026 pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus (dit « 4e Plan greffe »), qui sera soutenu par un investissement majeur de 210 millions d’euros, dessine cinq axes stratégiques forts.

1. Le déploiement de 150 infirmiers en pratique avancée

Cette ressource était déjà fléchée en partie vers l’activité de transplantation rénale pour le suivi des patients ­montrant une évolution favorable en post-greffe. Ces professionnels pourront désormais jouer un rôle dans la coordination prégreffe, le suivi des donneurs vivants, et même dans l’abord des proches des patients pressentis pour être des donneurs décédés.

2. La multiplication des sources de don

Les mesures proposées par le plan ministériel abordent cette nécessité par trois fronts distincts :
– le taux de refus de prélèvement, qui est de 33,6 % en France, est le principal levier ; en effet, la mortalité routière est en baisse (nous sommes repassés sous la barre des 3 000 morts par an, et c’est tant mieux !) et la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux s’améliore. Il est donc prévu de renforcer l’analyse des entretiens avec les proches ayant abouti à un refus, pour mieux en comprendre les déterminants et adapter la communication ;
– l’incitation du grand public et des soignants à augmenter l’activité de greffe à partir de donneurs vivants est un autre moyen d’augmenter le nombre de greffons. L’objectif annoncé est de parvenir à une proportion de 20 % des greffons rénaux contre 15 % aujourd’hui. Cette mesure passe par la réorientation des patients vers un autre centre si nécessaire, la relance de l’activité de don croisé (jusqu’ici au point mort en France), la meilleure valorisation de l’occupation des blocs opératoires, la formation des chirurgiens au prélèvement, l’amélioration du suivi des donneurs vivants, l’intégration de cette activité dans les critères de certification par la Haute Autorité de santé et l’introduction d’un indicateur « don vivant » pour les contrats pluriannuels entre l’État et les agences régionales de santé ;
– le prélèvement après mort cardiaque programmée en réanimation (Maastricht III*) doit enfin monter en puissance. L’objectif annoncé est d’atteindre 15 % de prélèvements de ce type (contre moins de 5 % aujourd’hui). Cela impliquera une plus grande formation des professionnels, le recours à la circulation normothermique, et l’extension de ce programme aux greffes cardiaques et pédiatriques.

3. La (re)valorisation financière

Les activités de greffe (notamment à partir de donneurs vivants), de prélèvement et de coordination doivent ­bénéficier d’une revalorisation selon une modalité qui pourra récompenser une ischémie froide courte. L’harmonisation de la compensation financière des chirurgiens participant aux astreintes de prélèvement est aussi envisagée (cette intention sera particulièrement appréciée tant cette activité, presque toujours menée en nuit profonde, est lourde physiquement et psychiquement).

4. La valorisation non financière des établissements

Elle ne sera possible que si des indicateurs de performance sont mis en place pour les activités de recensement des donneurs, de prélèvement et d’organisation de la chirurgie de greffe. Ces indicateurs auraient à la fois la vertu de provoquer une émulation compétitive entre les centres, et de permettre des mesures correctrices.

5. L’implication des ARS dans le pilotage de cette activité

Il est demandé qu’un référent, si possible médical, soit nommé dans chaque agence régionale de santé (ARS) pour assurer le suivi régional de l’activité spécifique de prélèvement et de greffe. Ces référents constitueraient un réseau intermédiaire entre le ministère et l’Agence de la biomédecine. Cette mesure est inspirée du modèle espagnol, bien plus performant que le nôtre.
L’objectif de ce nouveau plan (parvenir à plus de 8 000 greffes par an en 2026) est particulièrement ambitieux, dans un contexte où les hôpitaux restent sous ­pression et en manque de personnel. Il a, c’est important, été salué par les associations de patients (Renaloo, France Rein) comme par les sociétés savantes qui ont toutes été consultées en amont de sa rédaction.
Reste à transformer l’essai… 

* NDLR : La catégorie III de Maastricht correspond aux donneurs dont le décès est survenu après un arrêt circulatoire secondaire à un arrêt des thérapeutiques décidé selon les dispositions des lois Leonetti et Claeys-Leonetti.