Aujourd’hui, les héparines de bas poids moléculaire sont le traitement recommandé dans la thromboprophylaxie post-fracture, mais l’aspirine pourrait-elle être un choix alternatif ? Les résultats d’un essai randomisé multicentrique publiés dans le NEJM plaident pour un changement de pratiques, compte tenu du moindre coût et de l’administration per os de cette ancienne molécule.

Pour prévenir les thromboses post-fracture chez l’adulte, les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), délivrées par injection sous-cutanée, sont le traitement de référence, malgré un manque de données sur l’efficacité de l’aspirine dans cette indication.

Ainsi, le consortium international de recherche Major extremity trauma research consortium (METRC) a mené un vaste essai randomisé multicentrique (21 centres) de « non-infériorité » comparant l’aspirine à l’énoxaparine chez des adultes ayant subi une fracture d’un membre traitée chirurgicalement ou une fracture pelvienne ou acétabulaire (PREVENT CLOT). Ont été exclues les personnes avec des antécédents de thromboembolie veineuse (dans les 6 derniers mois), d’anticoagulation curative à l’admission ou de coagulopathie chronique.

Au total, 12 211 patients adultes (âge médian de 44,6 ± 17,8 ans) ont été assignés aléatoirement à un groupe « aspirine » (N = 6 101 patients) ou à un groupe « HBPM » (N = 6 110 patients). Chaque groupe a reçu son traitement de prévention des thromboses deux fois par jour (30 mg d’héparine par voie sous-cutanée ou 81 mg d’aspirine par voie orale) à l’hôpital, puis pendant la durée fixée par le protocole de suivi de chaque hôpital (variable donc, mais en moyenne de 21 jours). Le critère de jugement principal était la mortalité 90 jours après randomisation, et les critères secondaires comprenaient les embolies pulmonaires, les phlébites profondes et les complications hémorragiques. Les résultats sont parus mi-janvier dans le NEJM.

Une efficacité et une tolérance comparables

L’analyse statistique montre que la mortalité toute cause était similaire dans les deux groupes (0,78 % dans le groupe « aspirine » vs 0,73 % dans le groupe « HBPM », différence non significative). Par ailleurs, ces résultats n’étaient pas influencés par l’âge du patient. De même, la proportion d’embolies pulmonaires non mortelles était comparable (1,49 % dans les deux groupes), comme celle de phlébites profondes (2,51 % dans le groupe « aspirine » vs 1,7 % dans le groupe « HBPM », différence non significative).

Quant à la tolérance, à 90 jours les auteurs ont retrouvé un profil similaire entre le groupe « aspirine » et celui « HBPM », en termes d’hémorragies (13,7 % vs 14,27 %), de retard de cicatrisation (0,13 % vs 0,23 %) et d’infections du site opératoire (1,73 % vs 1, 55 %). Pas de différence non plus dans l’incidence d’autres événements graves.

Malgré certaines limites de l’étude (essai ouvert, les participants ont pu recevoir deux doses d’HBPM avant l’inclusion, durée variable de la thromboprophylaxie après la sortie de l’hôpital), les auteurs concluent que ces résultats montrent que l’aspirine est non inférieure aux HBPM dans la prévention des thromboses post-fracture et qu’ils plaident pour son utilisation dans cette indication, car c’est un traitement peu onéreux et d’utilisation facile (la prise per os facilitant l’observance).

Pour en savoir plus
Major Extremity Trauma Research Consortium (METRC). Aspirin or Low-Molecular-Weight Heparin for Thromboprophylaxis after a Fracture.  N Engl J Med 2023; 388:203-213

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