Les urgences coronariennes regroupent un ensemble de situations dans lesquelles le pronostic vital est mis en jeu par le rétrécissement ou l’occlusion aiguë d’une artère coronaire. Elles sont traitées au mieux par une angioplastie coronarienne en urgence. Cette prise en charge nécessite une infrastructure spécifique (salle de cardiologie interventionnelle) et des médecins spécialisés (cardiologues interventionnels). Dans les cas les plus urgents, le délai de prise en charge entre le premier contact médical et la réalisation de l’angioplastie doit être de moins de quatre-vingt-dix-minutes. Une véritable course contre la montre nécessitant une organisation sans faille, qui repose sur un réseau entre la médecine préhospitalière et les urgences.
Le traitement des urgences coronariennes est actuellement assuré de façon satisfaisante en France : sur le territoire métropolitain, 95 % de la population est à moins d’une heure de transport d’un centre de cardiologie interventionnelle. Cette organisation et l’efficacité de l’angioplastie coronarienne expliquent en grande partie la diminution spectaculaire de la mortalité de l’infarctus du myocarde qui est ainsi passée de 17,2 % en 1995 à 5,3 % en 2015.
Cette prise en charge est cependant menacée. Trente-huit pour cent des cardiologues interventionnels ont plus de 55 ans et 25 % plus de 60 ans. Entre 50 et 60 cardiologues interventionnels devront être formés par an dans les cinq prochaines années. Depuis 2021 et la réforme du troisième cycle des études médicales, la formation des cardiologues interventionnels repose sur deux années supplémentaires après le diplôme d’études spécialisées (DES), et le nombre de postes mis au choix par le ministère est insuffisant. La cardiologie interventionnelle n’attire plus les jeunes cardiologues : sur les 48 postes mis au choix en 2023, 8 n’ont pas été pourvus. Les motifs de désaffection sont nombreux. La réforme du troisième cycle a fortement amélioré les conditions de formation en cardiologie interventionnelle, au prix de la mise en place d’un système rigide. Le choix et le quota des postes sont régionaux, avec des inadéquations importantes. Certaines régions disposant de peu de postes ont eu un nombre de candidats importants, alors que des postes restaient non choisis en Île-de-France. Or les échanges entre régions sont complexes et difficiles. Des situ­ations particulières n’ont pas été prévues : équivalences européennes, formation d’un cardiologue déjà installé, médecins étrangers. Enfin, l’exercice du métier de cardiologue interventionnel est difficile, avec gardes, astreintes et prises en charge d’urgence.
Ces différents facteurs risquent de mettre en péril l’organisation actuelle des urgences coronariennes, notamment dans les régions peu attractives pour le corps médical. L’Académie nationale de médecine a émis un rapport sur ce thème, avec six recommandations : adapter le nombre de cardiologues interventionnels en formation au nombre de départs à la retraite et aux modifications de pratique médicale ; assouplir les modalités de formation en cardiologie interventionnelle ; créer une commission d’équivalence pour reconnaître les formations en cardiologie interventionnelle obtenues en dehors du troisième cycle ; développer les passerelles pour la formation des cardiologues en exercice et étrangers ; rendre plus attractif l’exercice de la cardiologie interventionnelle ; engager une réflexion avec tous les acteurs impliqués dans la prise en charge des urgences coronariennes, en particulier les urgentistes et la médecine préhospitalière.1
Le modèle de prise en charge des urgences coronariennes en France est exemplaire. Il repose sur un travail en réseau, avec une collaboration entre spécialités qui a été long et difficile à mettre en place. Préservons-le pour le bien des patients !
Référence
1. Spaulding C, Albert F, Carli P, Cayla G, Desnos M, Gilard M, Komajda M. Prise en charge des urgences coronaires par angioplastie percutanée transluminale : le présent, l’avenir et propositions concrètes. Rapport de l’Académie nationale de médecine du 19 septembre 2023.