La spécialité choisie par les étudiants* en sixième année de médecine est souvent différente de celle qu’ils envisageaient en débutant leur cursus. Les motivations évoluent en même temps que la société et donnent une plus large place à la qualité de vie personnelle.
Comment les étudiants choisissent-ils leur spécialité médicale ? Le sujet est d’importance, alors que les questions de démographie professionnelle et d’accès aux soins se sont imposées dans le débat public depuis une quinzaine d’années, sans pour autant que des réponses qui auraient permis que les interrogations s’estompent soient trouvées…
Le choix de spécialité intervient au terme du deuxième cycle des études, soit au cours de la sixième année. Même si les modalités ont été profondément modifiées depuis les années 1980, on continue de parler d’« internat », au cours duquel les étudiants s’engagent dans une formation théorique et pratique avant l’obtention d’un diplôme qualifiant pour ce qui deviendra leur spécialité d’exercice. Ce sont ainsi 44 spécialités distinctes qui sont offertes au choix des étudiants. On peut d’ailleurs regretter cette spécialisation précoce et exclusive, qui conduit à un domaine d’exercice, certes d’expertise, mais nécessairement étroit et en contradiction évidente avec la multimorbidité et l’intrication des maladies qui caractérisent nos populations « occidentales » vieillissantes ; populations qui constituent la principale charge qui pèse sur notre système de santé solidaire, autant en matière de ressources humaines que de financement.
Ce choix d’une spécialité ne correspond que rarement à l’idée qui prévalait dans la tête de l’étudiant au premier jour de ses études ou même antérieurement ; c’est devenu un truisme de le constater, même si la dimension de vocation persiste. Pour autant, les motivations qui conduisent au choix d’une spécialité évoluent. On savait depuis longtemps que, traditionnellement, l’orientation vers une spécialité répondait à des motivations où se mêlaient l’intérêt scientifique, l’utilité clinique, le prestige et le niveau de rémunération, mais aussi le « mentorat » ou la durée de la formation.
Depuis peu, en réalité au tournant des années 2000, des auteurs nord-américains1 ont identifié deux nouveaux facteurs en fonction desquels les étudiants se déterminent.
Le premier de ces facteurs correspond à la notion de « mode de vie maîtrisable » (controllable lifestyle), ce qui inclut le temps libre pour se consacrer aux loisirs, à la vie de famille et la parfaite connaissance des horaires quotidiens consacrés à l’activité professionnelle. Le second, en corollaire, est le volume global de travail, intégrant les périodes de garde ou d’astreinte. Depuis lors, le poids de ces deux facteurs n’a fait que se renforcer… et il est probable qu’il en va de même de notre côté de l’Atlantique, où cela traduit une mutation sociétale profonde qui dépasse le seul cadre des professions de santé.
Si les motivations de choix ont évolué, la hiérarchie des spécialités plébiscitées, ou au contraire boudées, est remarquablement stable. Ainsi, la chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, puis la dermatologie et l’ophtalmologie sont et restent les plus recherchées (en accord avec les nouveaux facteurs de motivation ci-dessus). À l’opposé, la santé publique, la santé au travail, la psychiatrie et la médecine générale persistent à être moins prisées (même si la médecine générale connaît depuis plusieurs années une juste revalorisation avec, régulièrement, des étudiants très bien classés – parmi les 100 premiers – qui la choisissent).
On peut également observer que les postes proposés en médecine générale représentent 40 % de l’ensemble des postes à l’internat de spécialités, et ceci depuis des années. C’est trop peu et cela augure mal de l’organisation générale du système de soins, alors que la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) affichent une répartition 50/50 voire 60/40 entre les médecins généralistes et l’ensemble des spécialistes.
Pour finir, ces données résultant de l’analyse de la procédure d’accès au troisième cycle de spécialisation en médecine pourraient évoluer, puisque cette procédure va elle-même être profondément modifiée, par l’introduction en 2024 d’un « mécanisme d’appariement », inspiré des États-Unis, déjà évoqué dans ces colonnes,2 assez complexe, visant à trouver la meilleure adéquation possible entre chaque poste offert et le candidat le mieux adapté. Cette procédure – dont les modalités précises ne sont pas encore totalement arrêtées – devrait permettre de mieux prendre en compte les aspirations individuelles de chaque futur médecin, notamment en pondérant ses classements (et non plus un classement unique national) selon des éléments d’expérience personnelle et de vœux exprimés. Cela devrait être une opportunité pour les universités et le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière d’approfondir les analyses et de mieux discerner ce qui détermine les choix de vie des futurs médecins.
Le choix de spécialité intervient au terme du deuxième cycle des études, soit au cours de la sixième année. Même si les modalités ont été profondément modifiées depuis les années 1980, on continue de parler d’« internat », au cours duquel les étudiants s’engagent dans une formation théorique et pratique avant l’obtention d’un diplôme qualifiant pour ce qui deviendra leur spécialité d’exercice. Ce sont ainsi 44 spécialités distinctes qui sont offertes au choix des étudiants. On peut d’ailleurs regretter cette spécialisation précoce et exclusive, qui conduit à un domaine d’exercice, certes d’expertise, mais nécessairement étroit et en contradiction évidente avec la multimorbidité et l’intrication des maladies qui caractérisent nos populations « occidentales » vieillissantes ; populations qui constituent la principale charge qui pèse sur notre système de santé solidaire, autant en matière de ressources humaines que de financement.
Ce choix d’une spécialité ne correspond que rarement à l’idée qui prévalait dans la tête de l’étudiant au premier jour de ses études ou même antérieurement ; c’est devenu un truisme de le constater, même si la dimension de vocation persiste. Pour autant, les motivations qui conduisent au choix d’une spécialité évoluent. On savait depuis longtemps que, traditionnellement, l’orientation vers une spécialité répondait à des motivations où se mêlaient l’intérêt scientifique, l’utilité clinique, le prestige et le niveau de rémunération, mais aussi le « mentorat » ou la durée de la formation.
Depuis peu, en réalité au tournant des années 2000, des auteurs nord-américains1 ont identifié deux nouveaux facteurs en fonction desquels les étudiants se déterminent.
Le premier de ces facteurs correspond à la notion de « mode de vie maîtrisable » (controllable lifestyle), ce qui inclut le temps libre pour se consacrer aux loisirs, à la vie de famille et la parfaite connaissance des horaires quotidiens consacrés à l’activité professionnelle. Le second, en corollaire, est le volume global de travail, intégrant les périodes de garde ou d’astreinte. Depuis lors, le poids de ces deux facteurs n’a fait que se renforcer… et il est probable qu’il en va de même de notre côté de l’Atlantique, où cela traduit une mutation sociétale profonde qui dépasse le seul cadre des professions de santé.
Si les motivations de choix ont évolué, la hiérarchie des spécialités plébiscitées, ou au contraire boudées, est remarquablement stable. Ainsi, la chirurgie plastique, reconstructive et esthétique, puis la dermatologie et l’ophtalmologie sont et restent les plus recherchées (en accord avec les nouveaux facteurs de motivation ci-dessus). À l’opposé, la santé publique, la santé au travail, la psychiatrie et la médecine générale persistent à être moins prisées (même si la médecine générale connaît depuis plusieurs années une juste revalorisation avec, régulièrement, des étudiants très bien classés – parmi les 100 premiers – qui la choisissent).
On peut également observer que les postes proposés en médecine générale représentent 40 % de l’ensemble des postes à l’internat de spécialités, et ceci depuis des années. C’est trop peu et cela augure mal de l’organisation générale du système de soins, alors que la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) affichent une répartition 50/50 voire 60/40 entre les médecins généralistes et l’ensemble des spécialistes.
Pour finir, ces données résultant de l’analyse de la procédure d’accès au troisième cycle de spécialisation en médecine pourraient évoluer, puisque cette procédure va elle-même être profondément modifiée, par l’introduction en 2024 d’un « mécanisme d’appariement », inspiré des États-Unis, déjà évoqué dans ces colonnes,2 assez complexe, visant à trouver la meilleure adéquation possible entre chaque poste offert et le candidat le mieux adapté. Cette procédure – dont les modalités précises ne sont pas encore totalement arrêtées – devrait permettre de mieux prendre en compte les aspirations individuelles de chaque futur médecin, notamment en pondérant ses classements (et non plus un classement unique national) selon des éléments d’expérience personnelle et de vœux exprimés. Cela devrait être une opportunité pour les universités et le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière d’approfondir les analyses et de mieux discerner ce qui détermine les choix de vie des futurs médecins.
Références
1. Dorsey ER, Jarjoura D, Rutecki GW. Influence of controllable lifestyle on recent trends in specialty choice by US medical students. JAMA 2003;290(9):1173-8.
2. Chabot JM. The National Resident Matching Program. Rev Prat 2013;63(8):1133-4.
2. Chabot JM. The National Resident Matching Program. Rev Prat 2013;63(8):1133-4.