Le D-mannose (sous forme de compléments alimentaires) est souvent utilisé, pour ses propriétés antibactériennes, dans les épisodes aigus de cystites et en prévention des récidives, mais son efficacité est-elle prouvée ? Une revue de la Cochrane a réuni les données disponibles à ce jour, avec des résultats décevants…
Le D-mannose est un monosaccharide présent dans certains fruits (canneberges, myrtilles, pommes, pêches, oranges…). Contrairement au glucose, il n’est pas stocké par l’organisme et est éliminé sous sa forme initiale dans les urines. Étant donné ses propriétés « anti-adhésives » (il empêche l’adhésion aux cellules uro-épithéliales des bactéries, qui sont alors éliminées par la miction), il est souvent pris spontanément par les patients en prévention des cystites récidivantes – de nombreux compléments alimentaires sont ainsi vendus à cet effet (allégations de « confort urinaire »), qui peuvent être assez onéreux. Mais existe-t-il des données cliniques relatives à l’efficacité du D-mannose dans cette indication ?
C’est à cette question qu’a voulu répondre une revue récente de la Cochrane : elle a inclus 7 essais randomisés contrôlés, avec un total de 719 participants (femmes et hommes ayant soit une infection urinaire aiguë soit une histoire d’infections récurrentes : au moins 2 épisodes en 6 mois ou 3 épisodes en 12 mois). Ces essais, dont les périodes de suivi variaient de 15 jours à 6 mois, évaluaient les effets du D-mannose à des doses différentes selon les études – allant de 500 mg à 2 g – dans la prévention ou le traitement de ces infections, en comparaison à l’antibiothérapie ou l’absence de traitement. Deux études concernaient la prévention, quatre la prévention et le traitement et une le traitement.
Conclusion : ces études n’apportent pas de preuves claires pour soutenir ou réfuter l’utilisation du D-mannose dans cette indication. Leurs résultats étaient en effet jugés incertains, et la qualité des preuves insuffisante, en raison de limites importantes dans la conception ou l’exécution des études (risque élevé de biais, échantillons de petite taille…). Cette revue met ainsi en évidence le manque d’essais cliniques randomisés de haute qualité sur ce sujet.
À l’heure actuelle, aucun complément alimentaire n’a prouvé son efficacité dans les cystites aiguës ni dans la prévention des récidives. Pour la prévention, il faut recommander tout d’abord les gestes pour contrecarrer la pullulation des germes en cause : régulariser le transit intestinal, éviter vêtements serrés et lingerie synthétique, faire la toilette d’avant en arrière, boire régulièrement (2 litres par jour) pour obtenir 5 à 6 mictions quotidiennes, uriner après les rapports sexuels. Le jus de cranberry divise par deux le risque de cystite à condition de respecter la bonne posologie : un verre (200 mL) matin et soir car l’action inhibitrice est limitée à 12 heures.
Cooper TE, Teng C, Howell M, et al. D-mannose dans la prévention et le traitement des infections des voies urinaires. Cochrane 30 août 2022.
Nobile C. Entretien avec le Pr François Desgrandchamps. Cystites récidivantes : les stratégies qui ont fait leurs preuves. Rev Prat (en ligne) 2 août 2022.