Face à l’efficacité modérée des vaccins actuels contre la transmission du SARS-CoV-2, la prochaine génération de vaccins sera probablement nasale, afin de bloquer l’entrée du virus dans les muqueuses. Et elle pourrait bientôt arriver : les premiers résultats sont encourageants.

 

Des chercheurs ont publié en février dans Cell des résultats confortant l’efficacité de deux vaccins nasaux contre le SARS-CoV-2. Ces deux candidats-vaccins – qui diffèrent par leur vecteur adénoviral, originaire de l’homme (Tri:HuAd) ou du chimpanzé (Tri:ChAd) – sont aussi innovants par leur trivalence, c’est-à-dire leur capacité à immuniser contre trois antigènes du SARS-CoV-2 au lieu d’un seul pour les vaccins actuels (une portion de la protéine S en surface du virus). Les deux autres cibles des candidats-vaccins, la protéine N de la nucléocapside et l’ARN polymérase ARN-dépendante (RdRp), sont à l’intérieur du virus, donc moins susceptibles de muter au gré des variants.

Après avoir démontré l’innocuité des deux candidats-vaccins chez les souris inoculées, les chercheurs ont cherché à déterminer s’ils étaient efficaces. Résultat : le suivi dans le sérum du titre d’anticorps anti-protéine S prouve qu’ils immunisent l’organisme contre celle-ci de manière durable.

De plus, une dose de Tri:HuAd ou de Tri:ChAd administrée en intranasal se révèle être une protection plus durable et plus robuste des muqueuses qu’une dose délivrée en intramusculaire. En effet, le vaccin par voie nasale est capable de stimuler des réponses multifonctionnelles durables au niveau des muqueuses nasales, où commencent la plupart des contaminations (via les lymphocytes T résidents). Preuve de l’importance de la voie d’administration, les 5 animaux non vaccinés sont morts du coronavirus après infection, contre 8 des 10 animaux vaccinés auparavant en intramusculaire, et aucun des 10 animaux vaccinés en intranasal.

Enfin, la comparaison des deux candidats-vaccins prouve que Tri:ChAd est associé à une meilleure réponse immunitaire que Tri:HuAd. Cerise sur le gâteau : les souris vaccinées au Tri:ChAd sont aussi protégés contre les variants alpha et bêta du coronavirus. Des résultats encourageants, que les auteurs du papier espèrent retrouver chez l’homme dans un essai clinique de phase I déjà en cours.

D’autres vaccins intranasaux à l’étude dans le monde

Étant donné les avantages des vaccins intranasaux – protection contre l’infection et la transmission par la stimulation de l’immunité des muqueuses, administration plus aisée comparée à la voie IM –, cette piste prometteuse est explorée dans de nombreux autres essais à travers le monde.

Une synthèse (non exhaustive) récemment parue dans Human Vaccines and Immunotherapeutics recense ainsi une dizaine de candidats-vaccins nasaux actuellement en phase I/II, et d’autres encore en phase préclinique. Nasovax et AdCovid (aux États-Unis), Ad5-n-CoV (en Chine) – qui utilisent également des vecteurs adénoviraux avec la protéine S – et CIBG-669 (à Cuba), vaccin sous-unitaire (avec le receptor binding domain de la protéine S), sont déjà en phase II.

La plupart des vaccins recensés dans cette étude utilisent toutefois comme antigènela protéine Spike des premières souches du virus (Wuhan-Hu-1, USA/WA1/2020, mutation D614G) : resteront-ils efficaces face aux différents variants ? Les résultats précliniques de l’un de ces candidats-vaccins – ChAd-SARS-CoV-2-S, aujourd’hui en phase I – montrent par exemple que les niveaux d’anticorps neutralisants constatés chez des souris ayant reçu une dose unique sont 5 à 8 fois plus élevés contre la souche historique WA1/2020 que contre les variants B.1.351 (bêta) et B.1.617.1 (kappa, de la même lignée que delta B.1.617.2), mais ils restent élevés contre ces derniers…

Les résultats des essais cliniques sont donc attendus, pour mieux répondre à ces interrogations, ainsi qu’à celles concernant la durée de protection conférée par ces vaccins ; mais, quoi qu’il en soit, on peut imaginer que cette voie d’administration – et ses atouts sur la transmission virale – puisse être mise à profit de différentes manières : des schémas « combinés » avec une première dose IM et une seconde dose intranasale, comme le suggèrent certaines études ? un vaccin nasal qui ciblerait simultanément le SARS-CoV-2 et d’autres virus respiratoires comme les parainfluenza, en particulier pour les enfants (en cours d’étude aux États-Unis) ?

En France, un candidat-vaccin intranasal développé par l’Inrae (Institut national de la recherche agronomique) et l’université de Tours devrait passer en phase clinique au deuxième semestre 2022, après des résultats précliniques encourageants sur modèle murin. Le schéma (2 administrations à 3 semaines d’intervalle) a suscité une forte réponse immunitaire humorale, notamment des immunoglobulines A muqueuses neutralisantes (IgA2), et aussi une forte immunité cellulaire au niveau des cavités nasales et des poumons des souris ; aucune charge virale n’a été détectée par ailleurs (chez les vaccinés puis infectés), suggérant une réduction du risque de transmission. De plus, comme les candidats-vaccins Tri:ChAd et Tri:HuAd, celui-ci a plusieurs valences (outre Spike, d’autres protéines virales moins soumises à mutation), ce qui lui permettrait de conserver son efficacité contre plusieurs variants.

François Mallordy et Laura Martin Agudelo

Pour en savoir plus :

Afkhami S., D’Agostino M. R., Zhang A., et al. Respiratory mucosal delivery of next-generation COVID-19 vaccine provides robust protection against both ancestral and variant strains of SARS-CoV-2Cell 2022;185(5):896-915.e19.

Dhama K, Dhawan M, Tiwari R, et al. COVID-19 intranasal vaccines: current progress, advantages, prospects, and challenges.Hum Vaccin Immunother 8 mars 2022.