Les premières années, l’exercice de la médecine générale en cabinet de ville permet de découvrir de nombreuses pathologies qui n’ont pas été du tout enseignées. Je parle ici de pathologies simples et souvent assez faciles à diag­nostiquer, suffisamment fréquentes pour qu’on ait besoin de les connaître et de les traiter, mais assez rares pour qu’on ne les ait pas forcément vu passer pendant les deux stages de l’internat en cabinet de ville. Un cas suffit en général pour les retenir et pouvoir les gérer ensuite sans avis spécialisé (et sans avoir à faire une discrète recherche sur Google !).

En voici quelques exemples : 

  • la dermatologie arrive en première ligne, avec le pityriasis (avec le « y » à la bonne place) rosé de Gibert, le pityriasis versicolor, le syndrome pieds-mains-bouche, les molluscums contagiosum (médaille d’or de la découverte sur le tas, clairement), les perlèches, certaines formes d’eczéma… ;
  • l’adénolymphite mésentérique (médaille d’argent), qui nous fait adresser l’enfant aux urgences pour une suspicion d’appendicite ;
  • les pathologies qui sont à la limite du conseil (le décalottage, l’énurésie, la vulvite de la petite fille en maternelle…) ;
  • le chalazion et l’orgelet (médailles de bronze), bien loin des pathologies apprises en ophtalmologie intégrées dans l’algorithme décisionnel « œil blanc ou rouge, douleureux ou non »…
 

Bien que la médecine générale soit devenue une spécialité à part entière depuis 2004, ces spécificités ne sont pas du tout enseignées pendant le tronc commun (de la 2e à la 6e année) qui reste centré sur les spécialités d’organes. On peut d’ailleurs s’étonner qu’il y ait 26 heures consacrées à l’immunologie (université parisienne…), 13 heures consacrées à la génétique (246 généticiens répertoriés en France), alors que nous sommes actuellement 57 033 médecins généralistes installés en cabinet (chiffres de la Drees, 2022).

L’enseignement porte encore actuellement surtout sur les pathologies les plus graves, oubliant les plus bénignes, et cela ne concerne pas seulement la médecine générale.

Le programme des ECN en est un bon reflet. En gynécologie par exemple, l’item « Mycoses à répétition » aurait peut-­­­être davantage sa place que celui des « Fibromes et polypes accouchés par le col »…

À la place de l’item 290 intitulé « Le médecin préleveur de cellules et/ou de tissus pour des examens d’anatomie et cytologie patho­logiques », on pourrait imaginer l’item « Comment expliquer par A + B qu’une rhinopharyngite ou une bronchite, même traînante, est virale et donc ne nécessite pas de traitement curatif, et surtout expliquer qu’il faut juste ATTENDRE que les symptômes disparaissent tout seuls » (je veux bien céder mes droits d’auteur aux doyens, si ça les intéresse !).

En revanche, l’aspect transversal de beaucoup de consultations est maintenant bien mieux enseigné : « Je veux prendre une pilule contraceptive, mais je fume et suis en surpoids » ; « Je pars en voyage et je veux discuter de mes directives anticipées » (motifs de consultation issus de la vraie vie !)…

Cet apprentissage se fait donc en exerçant, après la fin des études. Des sites pensés pour les généralistes apportent une grande aide : tous les -clic (Antibioclic, Ophtalmoclic, Gestaclic…), le CRAT, les « Pas à pas en pédiatrie »… Une fois encore, les stages de ville de l’internat en médecine générale restent le pilier de cette formation oubliée par la fac, et la généralisation (même si elle peine) d’un stage obligatoire pendant le tronc commun devrait améliorer le développement de cette spécialité bien particulière qui est la nôtre  : spécialistes de rien mais curieux de tout !

Aux généralistes-enseignants de créer leur sillon, labourer leur terre, puis attendre que cela germe… 

J’adresse mes sincères remerciements à mon associé pour m’avoir soufflé cette idée de sujet.