Souvent bénins, les virus de l’herpès sont responsables d’infections récurrentes, et peuvent aussi engendrer des complications rares mais graves. Les traitements sont peu efficaces, car ces virus sont capables de persister dans l’organisme à vie, trouvant refuge dans nos cellules neuronales. Les chercheurs ont enfin découvert comment ils s’intègrent dans le noyau du neurone : un mécanisme inédit qui pourrait servir de cible pour lutter contre l’infection…
Les virus de l’herpès, HSV-1 et HSV-2, sont parmi les virus les plus courants chez l’homme. Tandis que HSV-1 est responsable de la majorité des herpès orofaciaux et touche les deux tiers de la population mondiale adulte de moins de 50 ans, HSV-2, responsable de la plupart des herpès génitaux, atteint 13 % des 15-49 ans (rien qu’en France, 270 000 personnes en souffrent chaque année).
Bien que souvent bénins, les herpès sont responsables d’infections récurrentes et de complications rares, mais très graves. Avec un taux de mortalité de 20 %, l’encéphalite herpétique représente ainsi 20 % des cas d’encéphalite, même si elle ne touche que 1 personne sur 250 000 à 500 000.
Les antiviraux – aciclovir, famciclovir ou valaciclovir – ne font que limiter les symptômes, sans guérir l’infection. À l’origine de cette résistance, le cycle de vie viral : à l’issue de la primo-infection, les virus de l’herpès pénètrent les neurones par leurs axones puis ils atteignent le noyau, où ils injectent leur ADN double-brin, qui demeure latent (en dormance) sans s’intégrer au génome nucléaire.
Les chercheurs savaient déjà depuis 2013 que les virus de l’herpès s’associaient – grâce à une protéine de leur tégument, pUL36 – à une protéine des neurones, la dynéine, pour remonter le long des fibres nerveuses via les microtubules. Ces fibres du cytosquelette s’étendent tout le long du neurone, avec un pôle « + » tourné vers l’extrémité axonale, et un pôle « - » tourné vers le corps cellulaire du neurone. Mais cela n’expliquait pas comment les virus arrivaient jusqu’au noyau : la dynéine ne peut ramener des cargos que du pôle « + » vers le pôle « - », mais pour atteindre le noyau il faut aussi « marcher » en sens inverse, du corps cellulaire au noyau, du pôle « - » vers le pôle « + ».
Dans cette étude publiée dans Nature, les chercheurs ont enfin découvert la dernière pièce du puzzle : avant de s’attaquer aux neurones, les virus de l’herpès se reproduisent d’abord dans des cellules épithéliales, dont ils volent la kinésine grâce à pUL36 (encore !). Cette protéine a un rôle analogue à la dynéine, mais elle « marche » à l’envers sur les microtubules, du pôle « - » vers le « + » ! Une fois atteint le corps cellulaire à dos d’une dynéine neuronale, les virus n’ont qu’à « changer de monture » et utiliser leur kinésine, précédemment acquise dans une cellule épithéliale, pour finir le trajet jusqu’au noyau et y injecter leur ADN. Il s’agit d’un mécanisme d’adaptation virale inédit. Cette dernière étape de l’infection, critique pour l’établissement de cellules infectées dormantes, pourrait servir de cible pour lutter contre les réservoirs de l’herpès.
François Mallordy
Pour en savoir plus :
Pegg CE, Zaichick SV, Bomba-Warczak E, et al. Herpesviruses assimilate kinesin to produce motorized viral particles. Nature 17 novembre 2021.