À cause de l’évolution génétique permanente des virus de la grippe, le développement d’un vaccin « universel » – efficace contre l’ensemble des souches et capable de générer une protection à plus long terme – est considéré comme le Saint Graal en vaccinologie. Sa mise au point n’est plus un fantasme, depuis la publication d’une étude franco-belge sur un nouveau candidat-vaccin dans le Lancet.

Les vaccins actuels contre la grippe se heurtent à deux écueils : d’une part, ils doivent être actualisés régulièrement en raison des variations antigéniques régulières des virus circulants ; d’autre part, certains patients à risque ne répondent que partiellement au vaccin. De plus, son efficacité est variable selon les années puisqu’elle est conditionnée par la similitude entre les souches utilisées dans le vaccin (composition du vaccin fixée en février pour l’hiver suivant) et celles circulant dans l’environnement au même moment.

Ainsi, depuis de nombreuses années, des projets de recherche cherchent à développer un vaccin dit universel, capable de protéger contre toutes les souches circulantes sans avoir à modifier chaque année sa composition, et de simplifier la campagne de vaccination en permettant une protection durant plus d’un an.

Différentes approches ont été testées pour répondre à ce cahier de charges ambitieux et donc difficile. Parmi les potentiels candidats, il y a des vaccins conçus pour induire une réponse cellulaire T. Les espoirs des partisans de ce type de vaccin ont été anéantis l’année dernière par la publication dans le Lancet Infectious Diseases de l’échec d’un essai de phase III avec un vecteur viral de type MVA, alors que les résultats sur modèles animaux et les essais de phase II semblaient prometteurs. Bien que le vaccin ait induit une bonne réponse des lymphocytes T CD8, cela n’a été associé à aucun bénéfice protecteur. Une des hypothèses avancées par les auteurs pour expliquer cet échec était que cette réponse n’était pas présente au bon endroit, c’est-à-dire les poumons.

Dans ce contexte, l’entreprise franco-belge Osivax a développé un candidat vaccin contre la grippe A qui se veut universel, OVX836 : à l’inverse des vaccins quadrivalents actuels entraînant une réponse immunitaire contre les glycoprotéines de surface de quatre souches circulantes, il vise à entraîner une réponse immunitaire contre la nucléoprotéine du virus de la grippe A, une protéine interne nécessaire au cycle viral dont la séquence est très conservée.

Reposant sur la technologie oligoDOM utilisée pour permettre à la nucléoprotéine recombinante de s’auto-assembler en une nanoparticule, ce vaccin déclenche non seulement de puissants anticorps spécifiques à la nucléoprotéine et des réponses T CD4 et CD8, mais également des lymphocytes T CD8 mémoire dans le parenchyme pulmonaire. Après de premiers essais de phase I et de phase II publiés en 2021 et 2022 montrant la sécurité de OVX836 ainsi qu’une réponse immunitaire dose-dépendante jusqu’à 180 µg, des chercheurs franco-belges ont mené une nouvelle étude de phase II, parue fin juillet dans le Lancet Infectious Diseases.

Des résultats prometteurs

Dans cet essai randomisé monocentrique en double aveugle contre placebo, 137 adultes âgés de 18 à 55 ans ont été recrutés (âge médian de 34,5 ans, 71 % de femmes). Les participants ont été aléatoirement repartis pour recevoir une injection intramusculaire de placebo (N = 33) ou de OVX836 à trois doses : 180 µg (N = 33), 300 µg (N = 35), et 480 µg (N = 36). Les quatre groupes avaient des caractéristiques démographiques similaires. Les deux critères de jugement principaux étaient l’innocuité et la réponse immunitaire à OVX836. Cette dernière était évaluée en mesurant, 7 jours après vaccination, la sécrétion d’interféron gamma (IFN-γ) par les cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC).

Les résultats indiquent l’innocuité du vaccin aux trois doses testées, avec une réaction locale et systémique modérée. Sept jours après vaccination, la fréquence des cellules sécrétant l’IFN-γ spécifiques de la nucléoprotéine parmi les PBMC était augmentée aux trois doses testées, mais pas de façon différente entre les doses. Les chercheurs ont également noté que, durant la saison de la grippe, quatre cas de grippe A confirmée par RT-PCR ont été observés dans le groupe placebo contre deux cas chez les participants vaccinés, soit une protection de 84 % contre la grippe A chez les vaccinés.

Les auteurs considèrent que ces résultats appellent à des essais plus larges pour évaluer précisément la protection apportée contre l’infection et sa durée. Pour Jean-Daniel Lelièvre, infectiologue et immunologiste à l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP) n’ayant pas participé à l’étude, ces résultats « doivent évidemment être confirmés, mais pourraient ouvrir la voie à des vaccins antigrippaux plus efficaces et à un changement conséquent des recommandations ».

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