En dépit de l’amélioration des connaissances sur la physiopathologie du syndrome de l’intestin irritable, les thérapeutiques actuelles sont peu satisfaisantes et ne permettent souvent qu’un contrôle partiel des symptômes. Agir sur l’hypersensibilité viscérale est une nouvelle voie intéressante selon une étude parue dans Gut.

Encore aujourd’hui, le syndrome de l’intestin irritable (SII), qui touche 5 % à 10 % de la population française selon le Conseil national professionnel d’hépato-gastroentérologie, ne fait pas l’objet de traitements médicamenteux efficaces. La plupart des molécules proposées améliorent les symptômes intestinaux mais avec un faible gain d’efficacité comparé à l’effet placebo, important dans cette maladie.

Un des mécanismes physiopathologiques de la maladie repose sur l’hypersensibilité viscérale. Cette dernière serait associée à l’activation des mastocytes, qui entraîne le relargage par ces cellules de médiateurs comme l’histamine et la tryptase, responsables de l’activation des nocicepteurs de l’intestin. Une équipe de chercheurs belges et hollandais a donc émis l’hypothèse que l’ébastine, antihistaminique antagoniste du récepteur H1 à l’histamine, pourrait limiter l’hypersensibilité viscérale et donc les symptômes et les douleurs liées au SII.

Après une preuve de concept encourageante publiée en 2016 dans Gastroenterology où l’ébastine était évaluée contre placebo chez 55 patients pendant 12 semaines, les auteurs de l’étude actuelle ont mené un essai multicentrique randomisé en double aveugle de phase II. Les résultats sont parus en janvier 2024 dans Gut. Cet essai a inclus 202 participants adultes de moins de 65 ans (32 ± 11 ans, 68 % de femmes) avec un diagnostic de SII sans constipation prédominante – des analyses post-hoc de la preuve de concept pointant vers une moindre efficacité de l’ébastine pour ce type de SII. Durant les deux semaines d’observation pré-traitement, les patients inclus devaient souffrir d’une douleur abdominale journalière maximale ≥ 3/10 sur une échelle visuelle analogique (EVA).

Les patients recevaient soit 20 mg/jour d’ébastine (N = 101 patients inclus, 90 dans l’analyse) soit un placebo (N = 102 patients inclus, 87 dans l’analyse) pendant 12 semaines. Les deux bras avaient des caractéristiques démographiques semblables et des proportions similaires de sous-types de SII, avec une même fréquence de symptômes et de douleur somatique rapportée. Le critère de jugement principal était la proportion de répondeurs (pendant au moins 6 semaines sur 12 de traitement) en matière de douleur abdominale journalière maximale évaluée à l’EVA (diminution de 30 % par rapport à l’inclusion) et de soulagement global des symptômes par rapport à l’inclusion, évalué sur une échelle à six points.

Les répondeurs rapportant à la fois un soulagement global des symptômes et une moindre douleur abdominale étaient plus nombreux dans le groupe ébastine que dans le groupe placebo (12 % vs 4 %, p = 0,047). Aucun événement indésirable grave n’a été rapporté et la proportion d’événements indésirables était similaire dans les deux groupes. Les auteurs en concluent que l’ébastine devrait faire l’objet de davantage d’évaluations en tant que traitement du SII sans constipation prédominante.