Le risque rétinien des LED (light-emitting diode), à court ou plus long terme, est réel. Ces diodes électroluminescentes ont envahi notre quotidien. Leur lumière est produite par une décharge en phase solide à partir d’un semi-conducteur, du nitrure de gallium le plus souvent. Elle est monochromatique (une seule longueur d’onde), il n’existe donc pas de LED blanche puisque la lumière blanche contient toutes les longueurs d’onde du spectre visible ; c’est là que peut résider, entre autres, le danger…

Comment s’explique la toxicité rétinienne avérée ou supposée des LED ?

Selon le composé utilisé, toutes les couleurs de LED sont possibles, mais les consommateurs recherchent de la lumière blanche. Pour la reconstituer, on pourrait associer trois LED primaires (bleue, rouge, verte), ce qui coûterait très cher. Donc, malheureusement, la solution la plus « simple » et la moins chère a consisté, au départ, à produire des lampes bleues dont la luminance1 est telle qu’elles paraissent blanches. C’est très dangereux car le spectre de ces lampes comporte un pic autour de 440 nm, situé dans la fourchette des longueurs d’onde les plus toxiques pour la rétine ! Les industriels en ont rapidement pris conscience et ont trouvé des solutions. Ajouter une couche de phosphore sur les puces à LED permet d’obtenir de la lumière blanche, en mélangeant des lumières jaune et bleue. Cependant, la température de couleur des premières générations restait agressive, supérieure à 4 000-4 500 kelvins (« blanc froid »), peu agréable et surtout conservant un pic à 440 nm. À la suite de ces alertes, les LED de deuxième génération, en multipliant les couches de phosphore, lissent le spectre et autorisent des températures de couleur proches de celles des lampes à incandescence, c’est-à-dire 2 700 à 3 000 kelvins (« blanc chaud »), ce qui améliore le confort et diminue le danger. Elles représentent l’essentiel des ventes actuelles, le pire est évité, c’est acceptable, mais les industriels continuent leurs recherches. Des filtres peuvent aussi modifier le spectre des lampes à LED.

L’inconvénient majeur des LED est leur luminance très élevée. Ce danger a été pointé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) dès 2010. À titre de comparaison : la luminance d’un tube fluorescent atteint 10 000 cd (candela)/m2, celle d’une ampoule fluocompacte 20 à 50 000 cd/m2, une ampoule halogène peut dépasser 200 000 cd/m2 et un ciel bleu, par beau temps à midi, peut aller jusqu’à 20 000 cd/m2, alors que le niveau de l’émission solaire est astronomique : on le sait, regarder le soleil détruit la macula. Or la luminance d’une lampe à LED, à laquelle on peut être exposé directement, est de l’ordre 30 millions de cd/m2, soit 1 000 fois plus qu’un ciel très lumineux ! La regarder quelques secondes induit aussi des lésions maculaires. Attention, par exemple, aux lampes de poche bon marché qui émettent de la lumière bleue ! Elles sont très dangereuses, notamment pour les enfants, qui risquent, pour s’amuser, de les manipuler et de les regarder directement : 4 à 5 secondes suffisent pour qu’une lésion maculaire soit irréversible ! Bien que les accidents soient rares, la prise de conscience est indispensable.

La phototoxicité de certaines longueurs d’onde bleues (415-455 nm) est prouvée, in vitro et sur l’animal ; mais, malgré ces risques avérés, il est impossible de les démontrer sur l’homme : l’evidence-based medicine ne peut pas s’appliquer, ce qui alimente le débat.

Outre les effets oculaires, l’Anses en décrit d’autres sur la santé humaine et l’éco­système, pour en déduire ses recommandations.

Agir sur les normes : la solution ?

Outre la restriction de la commercialisation des dispositifs dangereux, l’Anses recommande d’informer le consommateur (à travers des campagnes), ce qui est essentiel. Le message ayant été relayé, les industriels ont anticipé la législation française : ils se sont vite astreints à inscrire, notamment, la température de couleur sur les lampes commercialisées.

Autre problème : les normes françaises ne sont pas (encore) adaptées aux types de lumière émises par les LED. Si un usage inapproprié peut créer un phototraumatisme maculaire, de faibles expositions prolongées pendant des années peuvent vraisemblablement aussi créer des altérations, qui, n’étant pas visibles immédiatement, échappent aux normes. L’Anses l’a également pointé. Ces normes sont en cours de construction, mais encore faut-il que les industriels soient conscients des risques médicaux. Par exemple, compte tenu de son effet sur le rythme nycthéméral, certains chercheurs avaient proposé d’exposer les conducteurs à la lumière bleue pour éviter l’endormissement nocturne au volant : c’était inconscient ! La réflexion doit donc être pluridisciplinaire et reposer sur les connaissances scientifiques.

Faut-il prendre des précautions, notamment avec les écrans ?

En pratique, peu d’écrans posent un problème, il est donc inutile de faire peur par principe. La plupart des écrans d’ordinateur de bureau sont inoffensifs : ce sont des plaques rétroéclairées, certes aujourd’hui la plupart par des LED mais dont la lumière traverse plusieurs filtres avant d’atteindre l’œil. Si leur utilisation est raisonnable et que l’on n’en pousse pas la luminosité, les émissions bleues sont insignifiantes en termes de risque rétinien.

Le danger réside dans les systèmes sans rétroéclairage qui offrent des contrastes infinis donc une grande qualité de couleurs et de très belles images. En effet, il n’y a plus de filtre : la lumière atteint directement l’œil, et les sous-pixels bleus utilisent des LED qui émettent dans les longueurs d’onde de 430 à 440 nm. Le danger réside aussi dans les luminances, et le fait de regarder de façon rapprochée. Ces écrans OLED2 sont encore très chers, donc surtout présents sur des ordinateurs portables et smartphones haut de gamme. Le risque est réel, d’autant que la phototoxicité dépend de la distance et du temps passé. Des lésions maculaires ont déjà été observées : ces faits doivent interpeller et être connus.

Quelles recommandations en découlent ?

Elles sont évidentes : si l’on utilise des écrans OLED (smartphone, par exemple), sans pour autant prendre peur, il faudrait s’en servir moins longtemps et de plus loin, si possible… Des filtres jaunes peuvent limiter l’exposition aux longueurs d’onde bleues, mais ils réduisent la qualité de l’image. La température de couleur de la plupart des écrans de téléphone dépasse 7 000 kelvin (!) ; sur certains portables, on peut la paramétrer.

L’éclairage intérieur utilise surtout des lampes à LED. Il faut privilégier les moins toxiques, donc les températures de couleur faibles (2 700 kelvin, blanc chaud).

Enfin, on s’oriente vers l’interdiction des LED bleues dans les jouets, c’est très important. Quant aux casques de réalité virtuelle, ils sont tous à OLED et utilisés à 3 cm de l’œil, avec un système optique grand angle, sur un temps long… Il ne s’agit pas d’interdire mais d’informer.

Références
1. Luminance : intensité de lumière par unité de surface, exprimée en candela/m2.
2. La technologie OLED (organic light-emitting diode) repose sur le principe de l’électroluminescence qui ne nécessite pas l’ajout d’un rétroéclairage.
Pour en savoir plus :
Torriglia A, Behar-Cohen F. LED : dangereux pour la santé ? Rev Prat Med Gen 2020;34(1035);122-3.
Leid J. L’enfant et l’exposition à la lumière bleue par le biais des écrans d’ordinateur, tablettes et jeux. Réalités ophtalmologiques 2017;246:13-26.
Nakamura M, Yako T, Kuse Y, et al. Exposure to excessive blue LED light damages retinal pigment epithelium and photoreceptors of pigmented mice. Exp Eye Res 2018;177:1-11.
Anses. Effets sanitaires des systèmes d’éclairage utilisant des diodes électroluminescentes (LED). Octobre 2010.
Anses. Effets sur la santé humaine et sur l’environnement (faune et flore) des diodes électroluminescentes (LED). Avril 2019.
Académie nationale de médecine. Pollution lumineuse et santé publique. 29 juin 2021.