Chaque année en France, 1 500 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chez l’enfant et l’adolescent, soit moins de 1 % de l’ensemble des cancers. Il s’agit de la 2e cause de mortalité pédiatrique, après les accidents. Près de la moitié surviennent avant l’âge de 5 ans. Les garçons sont plus concernés que les filles (sex-ratio : 1,2).Les tumeurs les plus fréquentes sont les hémopathies malignes (leucémies aiguës et lymphomes), suivies des tumeurs du système nerveux central (). Les progrès des stratégies thérapeutiques permettent actuellement de guérir 80 % des enfants. L’espérance de vie est alors de l’ordre de 70 ans. Cependant, les séquelles potentielles sont multiples, selon la localisation de la tumeur et les traitements administrés. Les enjeux actuels sont d’améliorer le pronostic et d’assurer une moindre toxicité des thérapeutiques pour garantir la qualité de vie des patients à long terme. Les soins à domicile améliorent le confort de l’enfant et de sa famille ainsi que la tolérance d’un traitement lourd et contraignant. Néanmoins, cette prise en charge nécessite la mise en place d’un parcours de soins personnalisé permettant d’encadrer et d’accompagner le patient et ses proches, et de coordonner les différents professionnels de santé concernés (infirmière libérale [IDE], médecin traitant, kinésithérapeute, diététicienne). Elle peut faire intervenir des structures comme un réseau de soins spécialisés, tel que le RIFHOP en Île-de-France (réseau Île-de-France d’hémato-oncologie pédiatrique) 2 et/ou une HAD.
Le retour à domicile d’un enfant atteint de cancer nécessite l’éducationde l’enfant et de sa famille sur la gestion des traitements et la conduite à tenir devant des signes d’appel. 3 Délivrée par l’équipe médicale et paramédicale du centre spécialisé prenant en charge le patient, elle peut être encadrée par une infirmière coordinatrice du parcours de soins.
Le retour à domicile d’un enfant atteint de cancer nécessite l’éducation
Conseils au quotidien
L’immunodépression engendrée par les anticancéreux, et en particulier une neutropénie profonde (PNN 0,5 G/L), impose un régime alimentaire « protégé » afin de diminuer le risque d’infection digestive. Il repose sur l’éviction de certains aliments (encadré), la cuisson à cœur des viandes, le nettoyage à l’eau vinaigrée des légumes et fruits, une bonne hygiène des mains, du réfrigérateur et des ustensiles lors de la préparation des repas. Par ailleurs, la prise de compléments alimentaires oraux et/ou une nutrition entérale nocturne peuvent être poursuivies à domicile sous surveillance diététique (prestataires) et médicale.
Dans la majorité des cas, les traitements nécessitent la mise en place d’une voie d’abord veineuse centrale.Il s’agit le plus fréquemment d’un cathéter à émergence cutanée (tunnelisé ou non) ou d’une chambre implantable. Les soins et prélèvements sanguins peu-vent être réalisés soit par une IDE libérale soit dans le cadre d’une HAD. De plus, en cas de cathéter, le pansement nécessite une réfection hebdomadaire, qui peut également être effectuée à domicile. Cela permet de diminuer les allers et venues de l’enfant en hôpital de jour, de favoriser le bon déroulement des soins et de privilégier sa scolarisation régulière lorsque celle-ci est possible.
La pratique sportive est en général limitée lors des phases de traitement nécessitant le port d’un cathéter central. Néanmoins, une activité douce (marche, gymnastique, vélo d’appartement) est encouragée afin de préserver la masse et la fonction musculaires, éventuellement encadrée par un éducateur sportif spécialisé ou un kinésithérapeute.
En période d’aplasie, les lieux publics et confinés sont déconseillés aux heures d’affluence : cinémas, restaurants, centres commerciaux, transports en commun, salles de concert, piscines, bacs à sable… L’exposition au soleil est aussi à éviter. Un soutien relationnel doit être proposé, assuré par un psychologue et/ou un psychiatre.
Le maintien d’une scolarité régulière est cruciale.À l’hôpital, les enseignants du service contactent ceux de l’établissement d’origine pour assurer le lien et la continuité pédagogique (département de l’instruction publique, DIP).Au retour à la maison, les enfants peuvent continuer leurs études par l’intermédiaire d’un organisme spécialisé. Cependant, la fréquentation de l’école est encouragée dès que cela est possible, y compris pendant certaines phases de chimiothérapie. Ce lien est essentiel et constitue une « échappatoire » importante. Enfin, les examens sont aménagés avec des tiers-temps, et si besoin certaines épreuves sont organisées au sein du service hospitalier. Les études récentes montrent que la réussite scolaire et l’insertion professionnelle sont identiques, voire meilleures, chez les adultes traités pour un cancer dans l’enfance, si l’on excepte les tumeurs cérébrales.
Dans la majorité des cas, les traitements nécessitent la mise en place d’une voie d’abord veineuse centrale.
La pratique sportive est en général limité
En période d’aplasie, les lieux publics et confinés sont déconseillés
Le maintien d’une scolarité régulière est cruciale.
Signes d’alerte
FIèvre
Les traitements induisent parfois des périodes de neutropénies profondes et/ou prolongées. Dans ces cas, l’expression clinique locale d’une l’infection est fruste, puisque la réaction inflammatoire est quasi-inexistante. Les parents et/ou l’enfant sont tout d’abord formés à la prise de température, grâce à un thermomètre électronique en axillaire (avec un facteur de correction de 0,5 °C). Il est recommandé d’effectuer systématiquement des prises quotidiennes lorsque le taux de PNN 0,5 G/L (aplasie).En cas de fièvre (température= 38 °C persistante sur 2 mesures à 1 heure d’intervalle sans prise d’antipyrétique, ou 1 seule 38,5 °C), les parents doivent s’adresser à un médecin du centre de référence, joignable 24 h/24 h, afin de connaître la conduite à tenir. En pratique, la survenue d’un épisode fébrile lorsque l’enfant est en aplasie impose une hospitalisation dans les plus brefs délais pour mise en route systématique d’une antibiothérapie parentérale probabiliste à large spectre. En cas de mauvaise tolérance hémodynamique de la fièvre, le Samu doit être contacté.
Vomissements
Les enfants recevant une chimiothérapie bénéficient d’une prescription d’antiémétiques : sétrons (odansétron), associés ou non à une corticothérapie antiémétique (dexaméthasone) et/ou des neuroleptiques (alizapride, chlorpromazine). Enfin, l’aprépitant (Emend) est très efficace chez l’adolescent en cas de chimiothérapie à fort potentiel émétisant. De plus, il peut être désormais prescrit chez l’enfant grâce à la mise à disposition d’une solution buvable. En cas de vomissements résistant au protocole prescrit, le centre de référence ou de proximité suivant l’enfant doit être contacté pour l’adaptation thérapeutique, voire l’hospitalisation (notamment si intolérance alimentaire majeure).
Mucite
C’est une source fréquente de douleur à domicile en cours de traitement. En cas de gravité modérée, avec poursuite possible d’une alimentation orale, une prise en charge ambulatoire est privilégiée : le traitement (symptomatique) repose sur les bains de bouche avec anesthésique local tel que la lidocaïne et les antalgiques oraux de paliers adaptés (paracétamol, tramadol ou nalbuphine, morphine). En cas de mucite sévère compliquée d’une anorexie, l’hospitalisation est nécessaire pour instaurer un traitement par morphine IV et un support nutritionnel parentéral.En prévention, les soins de bouche sont essentiels : soins dentaires avant le début de traitement ou en dehors des périodes d’aplasie, bain de bouche en complément ou en remplacement du brossage des dents (Paroex, Eludril) après chaque repas.
Fatigue
C’est un symptôme quasi-constant au cours de la prise en charge et qui peut être considérablement variable selon les phases du traitement. Elle dépend notamment de l’intensité de ce dernier, de ses effets secondaires, de la présence d’une corticothérapie dans le schéma thérapeutique. Le rythme de l’enfant doit donc être adapté, notamment en termes d’activité physique. Dans les périodes où la fatigue est importante, on privilégie une scolarisation à domicile. Enfin, le support transfusionnel doit permettre de maintenir une hémoglobine 8 G/dL afin de ne pas majorer l’asthénie.
Encadre
Aliments à exclure
Produits laitiers : lait, crème fraîche au lait cru, fromages type bleu, roquefort, gorgonzola…
Viandes : crue, saignante, hachée, fumée ou séchée
Charcuteries : jambon cru, pâté, terrine, foie gras (sauf si bien cuit)
Poissons : fumé, séché, cru ; fruits de mer crus
Œufs : peu cuits, à la coque, au plat, crus
Fruits : pamplemousse (interactions avec certains médicaments) ; kiwi et autres fruits « duveteux » (pêche…), sauf si lavés et pelés par un adulte (présence possible d’aspergillus).
Préparations à base d’œuf cru ou de crème non pasteurisée (mayonnaise, tiramisu, mousse au chocolat…)
Références
1. Lacour B, Guyot-Goubin A, Guissou S, Bellec S, Désandes E, Clavel J. Incidence des cancers de l’enfant en France : données de registres pédiatriques nationaux, 2000-2004. BEH 2010 (N° 49-50):497-500.
2. RIFHOP. Soins infirmiers à domicile. Enfants et adolescents soignés en cancérologie. Janvier 2015. https://bit.ly/2rKbw74
3. Héritier S, Morand K, Courcoux MF, Leverger G. Le traitement des leucémies en hôpital de jour d’hématologie pédiatrique. Soins Pédiatrie/Puériculture 2015;36:17-21.
2. RIFHOP. Soins infirmiers à domicile. Enfants et adolescents soignés en cancérologie. Janvier 2015. https://bit.ly/2rKbw74
3. Héritier S, Morand K, Courcoux MF, Leverger G. Le traitement des leucémies en hôpital de jour d’hématologie pédiatrique. Soins Pédiatrie/Puériculture 2015;36:17-21.