Les conflits dans les familles recomposées opposant les parents séparés d’un enfant peuvent être délétères pour lui. L’entourage se doit de s’imposer des règles pour que l’enfant ne soit pas soumis à des sentiments contradictoires, culpabilisants et déstabilisants. En cas de difficultés trop importantes, le recours à un(e) pédopsychiatre ou un(e) psychologue s’impose.
Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), 1 million et demi d’enfants vivraient en France dans une famille recomposée. Les motifs de désaccord qu’ils vivent ou dont ils sont témoins, même s’ils sont désagréables à vivre, ne sont pas forcément pathogènes s’ils sont clairement formulés et ne s’accompagnent pas de violences verbales ou physiques. Toutefois, les conflits de loyauté1 auxquels sont exposés les enfants dans cette situation (des sous- entendus, une injustice, des marques d’affections imposées, des formes d’aliénation…) peuvent être responsables d’un vécu d’autant plus complexe à gérer qu’il perdure, ressassé, dans la solitude et le silence du préconscient ou de l’inconscient de l’enfant.
En cas d’impasses relationnelles et émotionnelles, le fait de parler à un interlocuteur extérieur à la famille, de formuler avec des mots la complexité des situations et l’ambivalence des sentiments (penser ou plutôt ressentir deux choses contradictoires à la fois) peut aider l’enfant et son entourage.

Une diversité de situations

On comprend, parfois d’emblée, les difficultés de l’enfant quand il est en position de témoin impuissant, d’enjeu ou d’otage de conflits parfois teintés de haine entre parents ou bien entre parents et beaux-parents.
Dans d’autres cas, c’est l’enfant qui vit mal cette nouvelle vie et n’accepte ni la séparation ni la présence d’un ou d’une autre dans la maison, la chambre ou le lit où il a connu son père ou sa mère. Pour certains enfants, la légitimité du beau-parent ne s’appuie que sur le lien du couple amoureux et ils ont le sentiment qu’un étranger veut usurper la fonction symbolique parentale qui n’appartient pour eux qu’à ceux qui l’ont engendré ou adopté.
Il y a parfois une seule recomposition, parfois celle des deux parents – il y a des recompositions à temps plein, d’autres à temps partiel –, on voit aussi des recompositions multiples et complexes, homo- ou hétérosexuelles, dans lesquelles les enfants ne savent plus comment nommer les enfants qu’ils rencontrent lors des gardes (demi-frères et sœur, demi par alliance, faux-demi…).

Une fillette de 6 ans

Un couple se sépare. Il a une fille de 6 ans non reconnue par son père, qui la voit très peu.

La mère se marie et fait adopter par son mari actuel sa fille, puis elle se sépare de lui. Lors de la séparation, ce mari obtient la garde de l’enfant dont il est le père légal (en raison des problèmes psychiatriques de la mère).
Il a lui-même un garçon de 10 ans d’une première union qu’il a en garde alternée et dont, de fait, il s’occupe régulièrement, avec de bonnes relations avec sa mère (laquelle a un second enfant d’un père différent dont le père de la petite fille est le parrain et qui vient quelque-fois dormir à la maison).
Nous recevons la fillette qui est perdue (on le serait à moins), qui aime son père adoptif mais aussi son père biologique qu’elle voit très peu.
Elle comprend que son adoption est la conséquence « d’un règlement de comptes » entre son père biologique et sa mère et qu’elle a été confiée à son père légal par le juge aux affaires familiales du fait de l’instabilité de sa mère. Cette dernière lui reproche de vivre chez son père, lequel dit avoir demandé la garde en raison du danger que représentait sa mère et non pas contre elle. L’enfant est ici ballottée dans une famille recomposée et se cramponne à son école, sa chambre, ses amis, ses habitudes pour tenir.
Nous voyons les parents (les deux pères et la mère) qui chacun raconte une histoire différente et se présente comme la victime d’un(e) autre. Le seul élément positif est la stabilité du couple actuel de son père adoptif et de sa nouvelle compagne, avec qui la petite fille s’entend bien mais qui est enceinte. Elle se demande quel sera son statut quand le bébé sera né. Le nouveau couple parental que je reçois avec elle la rassure et exprime un attachement authentique à cette petite fille et est prêt à un suivi de guidance en parallèle au suivi de l’enfant.
Malgré sa complexité, c’est une situation avec une bonne issue pour l’enfant qui, grâce à ce suivi multiforme et à des parents du quotidien stables et aimants, va bien.
Les liens du sang qui sont mis en avant par la loi en France sont parfois supplantés par des liens affectifs solides et stables qui jouent un rôle parental de bonne qualité et permettent un développement favorable de l’enfant qui en comprend l’importance. Ici, la petite fille ne voit son père ou sa mère biologique que dans un centre de médiation en présence d’un psychologue, et c’est sans doute mieux ainsi car ils représentent tous les deux des menaces à ses yeux
.

Paul, 6 ans

Paul, 6 ans, amené par sa mère et sa grand-mère maternelle, me dit que son père le bat. Mais quand je le vois seul, il est moins affirmatif et dit qu’il ne veut plus voir son père parce qu’il ne s’occupe pas de lui.

Quand s’installe une relation de confiance entre nous, il dit apprécier sa belle-mère et aussi son beau-père (ses parents se sont remariés), mais que quand il revient de chez son père il ne peut l’exprimer à sa grand-mère qui l’a élevé et qui déteste son père. Elle a été à l’origine de la rupture du couple parental et apprécie le nouveau compagnon de sa fille qui partage les mêmes idées qu’elle sur ce que doit être la famille et le couple. C’est trop difficile pour Paul qui a le sentiment de blesser profondément sa grand-mère, dont il est devenu la raison de vivre, en aimant son père qu’elle n’aime pas.
La mère voudrait que je fasse un signalement car Paul, devant elle, dit que son père le bat, et l’enfant me dit qu’il ne souhaite pas que sa mère sache combien il peut être bien avec son père. Quinze jours plus tard, le père vient me voir en colère car « on » lui a dit que j’alertais les services socia
ux contre lui.
C’est un homme intelligent qui comprend que s’il persiste dans une attitude hostile envers la grand-mère il court un risque, l’enfant ne pouvant affronter l’idée de faire du mal à sa grand-mère. Faire prendre conscience à l’enfant de la complexité de ses sentiments et conseiller au père d’avoir une position plus « stratégique » ont pu apaiser une situation sans doute temporairement.

Apprendre à gérer ces situations complexes

Ainsi, chaque cas ici est particulier avec beaucoup de personnes qui peuvent avoir leur mot à dire (la maîtresse, les grands-parents, les voisins, les amis…), ce qui renforce la difficulté de notre approche. Nous sommes sollicités quand des parents se séparent et reconstituent une famille, soit en cas de conflit pour avoir une expertise ou un certificat, soit parce que l’enfant exprime une souffrance ou qu’un parent trouve qu’il ne va pas bien. Mais un enfant peut souffrir sans faire de bruit et sans l’exprimer et ce ne sont pas forcément les manifestations les plus bruyantes qui sont les plus pathologiques. L’approche doit aussi peser le poids relatif de l’environnement et celui de la personnalité antérieure de l’enfant avant d’exprimer un avis qui peut être utile pour faire évoluer les choses.
Le travail du médecin peut être parfois de rendre conscient un vécu difficile et de conseiller les uns et les autres pour gérer cette situation complexe. Nous ne pouvons répondre qu’aux demandes d’aide ou de soins car parfois la demande est plus ou moins manipulatrice dans le but d’avoir l’assentiment (parfois par un écrit) du médecin : on doit alors se poser la question de savoir si elle est bien de son domaine de compétence et si elle ne concerne pas plutôt un avocat, un juge, un éducateur…
Quelles sont donc les questions à se poser lorsque l’on prend en charge un enfant dans le cadre d’une famille recomposée conflictuelle ?

Quels sont les motifs et les sources de conflits ?

Lors de la recomposition familiale, les problèmes liés à la séparation se majorent pour plusieurs raisons, la principale étant qu’entrent en scène un ou deux nouveaux personnages dont chacun a son histoire infantile, sa personnalité et son projet de famille qui se télescopent avec tout ce qui a été fait antérieurement.
De nombreux éléments modulent cela : l’âge des enfants, le fait qu’ils soient ou non en difficulté ou en crise antérieurement à la séparation (période d’adolescence), le nombre, le sexe, les rivalités dans les fratries, l’expressivité de chacun, les modalités de résolution des conflits.
Il y a heureusement des situations simples et des parents qui se séparent avec un souhait affiché de bien faire pour leurs enfants et il n’est pas rare que certains parents sur le point de se séparer viennent demander comment ils peuvent faire pour que leur enfant n’en souffre pas trop. En général, ils sont de bonne volonté et sont prêts à écouter des conseils, mais le fait de refonder une famille provoque de nouvelles difficultés qu’il faut surmonter et dont ces parents à ce moment-là de la séparation n’ont pas conscience. Ils pensent qu’ils feront toujours passer l’intérêt de leur enfant au premier plan sauf que quand apparaissent un ou d’autres enfants c’est une situation tout à fait nouvelle dont peu de parents avaient envisagé la complexité.
La notion de « pack mère-enfant » est souvent exprimée comme si le beau-père ne se liait pas à une personne mais à un couple mère-enfant qu’il devrait accepter en bloc. Cela devient compliqué quand tout problème avec l’enfant devient un problème du couple. La mère supporte mal que son nouveau conjoint gronde son enfant et permet implicitement que ce dernier discrédite l’autorité de ce conjoint (« t’es pas mon père », « t’as aucun droit », « t’es qu’un étranger »…).
Il y a aussi la crainte que l’autre ou les autres ne sachent pas faire (« elle n’a pas eu d’enfant », « mon ex-mari n’a jamais changé une couche », « il ne sait pas gérer les colères », « il le met sous la douche »…).
Certains motifs de conflits reviennent fréquemment et sont générateurs chez l’enfant d’angoisse, de dépression ou de désespoir, mais ce ressenti n’est pas toujours exprimé par les enfants qui conservent parfois au fond d’eux-mêmes des sentiments complexes qui vont les gêner toute leur vie dans leur développement psychoaffectif et parfois aussi cognitif. Le fait de ne rien manifester est parfois bien pire que les colères ou les cris.

Refus et dévalorisation de l’autre

Ces motifs de conflits peuvent être, par exemple :
– la haine entre les ex-époux qui persiste au point qu’on a pu nommer ces parents des « divorçants »,2 car ils ne cessent jamais de divorcer comme si relancer sans cesse le conflit conjugal donnait un sens à leur vie. Cette haine est ravivée par la formation d’un nouveau couple, le nouveau conjoint semblant être choisi pour son adhésion entière à la cause du parent ;
– le refus de perdre l’emprise sur l’autre qui va appartenir à un(e)autre : l’enfant n’étant vécu que comme un appendice de l’autre et pris dans ce conflit (voir le film « Jusqu’à la garde ») ;
– le refus que son enfant vive avec un(e) étranger(ère) et l’appelle maman ou papa, ce qui suscite interrogatoires, suspicions et crises avec l’enfant au milieu ;
– la dévalorisation du nouveau sur qui sont projetées toutes les difficultés et toutes les causes de souffrance ou de déséquilibre et réciproquement la critique du parent considéré comme à l’origine de tous les maux (« tu verras plus tard… je te montrerai les preuves  ») amenant l’enfant à ne plus savoir quoi penser de quelqu’un qu’il aime et dont il ne peut imaginer la duplicité ou la perversion.

Quel est le retentissement sur l’enfant ?

Le vécu des enfants est différent selon leur personnalité, mais on peut repérer des cas de figure où le retentissement est majeur et durable.
L’instrumentalisation de l’enfant est parfois complexe à identifier car fondé sur une attitude soit inconsciente, soit perverse d’un parent.
Soit le parent ne se rend pas compte que les pensées qu’il attribue à l’enfant sont ses pensées propres. Certains experts utilisent le terme d’aliénation parentale3 dont il faut se méfier car les magistrats aiment bien les conclusions claires dans un domaine où la complexité des relations est extrême et renvoie chaque parent à son histoire personnelle, infantile et où personne n’est totalement bon ou mauvais. Ce terme d’aliénation parentale est souvent utilisé pour disqualifier un parent. Ainsi comment une mère isolée et sans travail peut-elle faire autrement que d’avoir comme seul motif de survie un lien fusionnel et de dépendance avec son enfant ?
Soit volontairement un parent inculque à l’enfant une manière de voir le monde qui disqualifie l’autre. Ce « lavage de cerveau » fait que l’enfant devient alors l’instrument du parent et reprend, même seul en consultation, des arguments d’adulte dont il ne comprend pas le sens. On touche ici aux limites de notre intervention : tous les parents n’acceptent pas d’écouter via un médecin l’avis de leur enfant sur une situation problématique. Dans l’entretien qu’ils sollicitent pour l’enfant, ils attendent de celui-ci qu’ils corroborent leurs dires. Si l’enfant dit « J’en ai marre de faire semblant d’être malheureux en revenant de chez mon père ou de devoir écouter en approuvant ce que mon beau-père dit de lui sinon on me pourrit la vie… », ils assènent : « Après tout ce qu’on fait pour toi, tu sembles content de voir ce… qui ne paie rien pour toi… ».

L’instrumentalisation de Mélodie

À l’occasion des vacances scolaires où elle est gardée par son père, Mélodie est amenée à la consultation par sa belle-mère. Le père est « très pris par son travail » et ne peut venir, ce qui est problématique car l’enfant est amenée par quelqu’un qui la connaît peu et qui ne fait que rapporter le discours paternel.

Mélodie a 12 ans, et nous la suivons pour une inhibition et des difficultés scolaires partiellement liées à une dyslexie-dysorthographie. Son père est parti quand elle avait 4 ans, et la mère, remariée, a toujours fait en sorte que son nouveau mari assume un rôle paternel vis-à-vis de sa fille, d’autant plus que le père de Mélodie, habitant loin d’elle, la voit très peu. Ce couple « très écolo » refuse les rappels de vaccins, mange « bio », ne soigne l’enfant que par des plantes, ce que le père biologique remarié avec une scientifique refuse, critiquant sans cesse son ex-femme qui a quitté son travail pour se lancer dans la « bioénergie », avec des conséquences sur ses revenus. Mélodie ne manque de rien mais n’a pas les mêmes vêtements de marque ou le même téléphone mobile que ses copines, mais ce n’est pas une enfant en danger.
La belle-mère voudrait que je transmette une fiche d’information préoccupante aux services départementaux car, selon elle, à plusieurs reprises Mélodie a eu une angine mal soignée. La consultation est une litanie de critiques à l’égard de la mère et d’allégations de séduction concernant le beau-père… Pendant ce temps, Mélodie est présente et se tait. Je la connais bien, et quand je la revois seule, elle me dit que son père veut qu’elle écrive au juge, qu’il en a assez « d’engraisser et de faire vivre le couple cinglé qui la garde », « qu’il ne veut plus payer de pension alimentaire, que chez lui elle aura un iPhone (ce dont elle rêve), qu’elle fera du cheval… ».
Trois mois plus tard, je revois la mère qui me dit que sa fille est allée vivre chez son père, qu’elle ne s’y est pas opposée car c’était son désir et qu’elle ne veut plus venir la voir car elle s’ennuie chez elle.
Il ne s’agit pas ici de savoir où l’enfant sera la plus épanouie, mais de montrer comment l’instrumentalisation fonctionne et comme il est facile d’influencer un enfant avec du matériel, d’où la nécessité d’éviter cette méthode qui lui enlève tout libre arbitre.

La culpabilité

Dans les situations de familles recomposées conflictuelles, l’enfant amené en consultation est souvent le symptôme d’un dysfonctionnement qui le dépasse mais qu’il vit mal, alors que ses parents sont heureux du nouvel équilibre qu’ils ont trouvé dans leur vie. Il a la nostalgie du couple que formait ses parents et il a honte comme s’il était responsable (il le pense et le dit) de leur séparation (« si j’avais été gentil… »). Un suivi psychothérapique peut permettre que cette culpabilité ne marque pas toute la vie de cet enfant jusqu’à l’âge adulte.

José, protecteur de sa mère

Dans la recomposition, l’enfant peut se retrouver à être le protecteur de son parent qui supporte mal ou se plaint de la séparation et de la recomposition. Certains parents expriment à l’enfant leur tristesse ou leur désespoir ou leurs idées suicidaires devant l’insupportabilité de voir un nouveau couple se former du côté de l’autre, d’autres malgré une nouvelle union raniment chez l’enfant l’espoir de la réunion du couple (« on s’aime toujours ou je l’aime toujours… »).
José est ainsi un enfant unique de 7 ans qui s’exprime bien et a toujours vécu avec sa mère, qui l’amène en raison d’importants troubles du comportement à l’école et d’un échec scolaire malgré de bonnes capacités intellectuelles.

La mère s’est séparée très tôt d’un père décrit comme immature et inconstant qui s’intéressait peu à son fils. José a très rarement vu son père et s’est positionné comme le petit homme de la maison.
Depuis que sa mère vit avec un beau-père plus âgé (sans enfant), il est content pour elle car cet homme permet à sa mère une aisance financière et sociale qu’elle apprécie : elle peut refaire de l’équitation, aller en vacances souvent et s’habiller avec goût alors qu’elle ne travaille pas. José n’aime pas cet homme et s’oppose à lui, parfois si fortement que ce dernier, persuadé que l’enfant a des troubles mentaux, a demandé à la mère de me le montrer. José n’est pas content de venir me voir, pensant que je vais le trouver fou. La mère insiste tant, lors de plusieurs rendez-vous, en décrivant des violences extrêmes de l’enfant que je décide de l’hospitaliser, à fin d’observation, une semaine dans le service de pédopsychiatrie. Au terme de cette hospitalisation, j’explique à la mère que José va bien. Le beau-père vient me voir pour me décrire les violences de l’enfant qui, selon lui, aurait simulé la normalité dans le service. Nous avons le sentiment qu’il existe une rivalité entre le fils et le beau-père qui explique le conflit.
Après un laps de temps, la mère revient pour me dire qu’elle quitte le beau-père qui serait violent avec José et qu’elle le quitte car elle ne supporte pas que son fils soit maltraité par cet homme qui veut exclure le garçon qu’il considère comme un gêneur dans sa relation possessive à la mère.
À aucun moment, José ne nous avait dit être maltraité par son beau-père. Il voulait que sa mère soit heureuse et ne voulait pas empêcher sa mère de vivre sa passion notamment du luxe et de l’argent. Il était prêt à se sacrifier pour le bonheur de sa mère. Il ne s’est mis à parler qu’au moment où sa mère a décidé de la séparation. Un enfant protège presque toujours un parent en détresse, encore plus dans une famille recomposée quand le parent a déjà connu un échec conjugal ou lui semble fragile.

L’attachement au beau-parent

Autre type de situation : le retentissement sur l’enfant lié à l’attachement qu’il va nouer avec un beau-parent que son parent va un jour quitter parce qu’il ne l’aime plus, alors que lui l’aime encore. On peut d’ailleurs noter ici que, le plus souvent, les liens entre l’enfant et le beau-parent sont plus du ressort de l’attachement que d’un schéma œdipien, sauf si ce dernier a totalement remplacé le parent biologique qui a disparu.4

Quels conseils en cas de recomposition familiale ?

Les conseils donnés sont à double tranchant car chaque parent accuse l’autre de ne pas suivre les principes qui devraient protéger l’enfant. Le « on ne s’aime plus mais on t’aimera toujours tous les deux » n’est valable que si les parents ne s’agressent pas mutuellement. En effet, pour un enfant, agresser son parent c’est l’agresser et s’il se sent obligé de prendre un parti, cela veut dire qu’on ne le protège pas car on ne peut avoir l’illusion qu’il ne se rend compte de rien, ce qui n’est jamais vrai.

Reconnaître l’ambivalence des sentiments

Un enfant peut aimer pareillement et conjointement plusieurs personnes rivales qui, elles, ne se supportent pas et il peut également être attaché à elles, même si chacune d’entre elles dévalorise l’autre.

Savoir gérer les événements difficiles

Anniversaires, fêtes des mères, Noël sont chargés émotionnellement, d’autant plus si un nouvel enfant arrive.

Avoir une continuité dans l’éducation

Ne pas essayer de réparer le préjudice que l’on crée du fait de la séparation en se montrant très permissif, ne pas rivaliser avec la belle-mère et le beau-père en souplesse ou en tolérance. Ne pas séduire l’enfant par des cadeaux, des autorisations.

Ne pas critiquer l’autre parent ou beau-parent

Mais résoudre les problèmes directement avec lui. C’est parfois impossible face aux problèmes d’argent ou de conflit dans la garde mais il faut essayer.

Réserver une chambre à l’enfant accueilli

C’est parfois difficile financièrement mais en cas de famille recomposée avec plusieurs enfants de descendance diverse un enfant peut ne plus situer sa place dans l’affection des parents. Le matériel a (parfois à tort) signification d’attachement pour l’enfant.

Apporter à l’enfant une clarification sur les événements vécus

Exprimer son point de vue avec des mots devant l’enfant vaut mieux que des cris ou des éclats de voix ou des insultes entendues au détour d’un appel téléphonique. Un enfant se demandait de manière obsédante si sa mère avait connu son beau-père avant ou après la séparation d’avec son père : dans un cas, il pouvait l’aimer, dans l’autre, non puisqu’il était à ses yeux responsable de la séparation de ses parents.

Ne pas vouloir à tout prix « refaire famille »

Mais clarifier les liens : l’idée d’une famille idéale, unie, où l’on s’aime est un idéal qui mène à des hypocrisies et des injustices que l’enfant perçoit bien et qui sont difficiles à vivre pour lui. Les liens du sang impliquent des limites et des interdits que des liens artificiels, de convenance, n’impliquent pas. Des formes diverses d’abus sexuels surviennent quand on oublie que le pulsionnel existe et que la prohibition de l’inceste ne naît pas parce qu’on a décrété qu’on est une famille. Si les pédopsychiatres font référence à des histoires sordides, c’est qu’ils en sont les témoins et qu’elles existent, plus souvent au sein même des familles qu’à l’extérieur.

Faire que la place de chacun soit très claire

Les formulations telles que « il l’aime mieux que son père… » ou « son père c’est lui… » sont à utiliser avec modération, même s’il est vrai que certaines situations sont si compliquées qu’on peut les accepter.
Exemple : cette situation d’un garçon dont le père biologique est un homme marié de passage et le père légal est en prison, celui-ci ayant reconnu l’enfant dans un moment de détresse de la mère et voulant, en tant qu’étranger, l’utiliser pour régulariser sa situation… La mère a épousé un 3e homme dont elle a deux enfants et qui s’occupe bien du garçon. Le garçon n’a connu que ce 3e homme, l’appelle « papa » de manière naturelle et ne semble pas étonné de ne pas porter son nom. Il est inimaginable pour lui que cet homme ne soit pas son père. Le problème est que le père légal qui ne s’est jamais préoccupé de son fils demande des visites de parloir car son procès va avoir lieu prochainement. Le garçon en devient très difficile avec sa mère et agressif. Cette situation la préoccupe beaucoup, en même temps qu’elle dit que son fils n’est pas au courant de la situation. Après des mois de suivi, elle accepte que, lors d’une consultation incluant son mari, on expose à l’enfant l’intégralité de la situation. Une clarification qui a fait cesser les agressions de l’enfant sur sa mère.

ACCEPTER DE SE FAIRE AIDER

De nombreux ouvrages traitent de ces situations et prodiguent des conseils judicieux, mais ceux-ci sont de peu d’aide dans des conflits où la passion l’emporte. Accepter de se faire aider pour parler de ses difficultés et pouvoir se remettre en cause sont les clés de la résolution des problèmes beaucoup plus que les recettes.
Références
1. Govindama Y, de Maximy M. Conflit de loyauté et conflit psychique : une articulation anthropologique clinique et juridique. Enfance Psy 2012;3:48-56.

2. Boublil M. Psychopathologie des enfants de divorçants. Enfance Majuscule 2004;74:02.

3. Van Gijseghem H. Le syndrome d’aliénation parentale. SAP. J Droit Jeunes 2002;218:38-40.

4. Schauder C. Enjeux cliniques des liens de famille. Med Enfance 1999;19:44-6.

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Résumé L’enfant dans les familles recomposées conflictuelles <br/>

La recomposition familiale complexifie la séparation parentale et, même quand elle se passe bien, nécessite une clarification des enjeux, des rôles et des conflits de loyauté. La manifestation bruyante des problèmes n’est pas négative en soi mais nécessite parfois un accompagnement psychothérapique de l’enfant et une guidance de tous les adultes l’entourant. C’est un domaine où la réflexion, le dialogue, la remise en cause, le travail psychique valent mieux que les conseils (donnés quand même à titre préventif) car le caractère passionnel des situations défie parfois toute raison, et le vécu de l’enfant risque d’être oublié quand il devient l’enjeu ou l’instrument de cette passion.