Réinscrite dans la liste de maladies à déclaration obligatoire en 2023, cette zoonose se transmet par contact avec les eaux contaminées. Quels sont les risques en France ? Comment la prévenir et la traiter ?

Cosmopolite, la leptospirose est plus fréquente dans les régions chaudes et humides. Elle est causée par des spirochètes du genre Leptospira, dont les réservoirs principaux sont les rongeurs (rats), mais aussi les chiens, les porcs et d’autres mammifères (renards, ragondins, chevaux, bovins…). La plupart sont porteurs asymptomatiques : ils hébergent les leptospires dans les tubules rénaux et les éliminent dans les urines.

Si la maladie reste relativement rare en France hexagonale, son incidence croît considérablement depuis les années 2010 (figure). Le nombre de cas s’établit autour de 600/an depuis 2014, avec une incidence annuelle autour de 1 cas pour 100 000 habitants, qui augmente en été en raison des sports nautiques (v ci-après). Dans les départements et régions d’outre-mer, son incidence est 12 à 70 fois plus élevée qu’en France hexagonale. Selon Santé publique France, ces chiffres sont probablement sous-estimés, l’exhaustivité du réseau permettant de les estimer n’étant pas connue.

Pour l’été 2024, les Académies vétérinaire, de pharmacie et d’agriculture ont alerté sur un risque lié à la baignade des athlètes participants aux Jeux olympiques et paralympiques dans la Seine et le bassin de Vaires-sur-Marne, en raison d’un réservoir important de rongeurs asymptomatiques sur les berges. Il reste cependant incertain.

Personnes à risque

La leptospirose se transmet par contact avec de l’eau, de la terre ou des aliments souillés par de l’urine d’animaux infectés. L’inoculation a lieu à travers une effraction cutanée ou muqueuse, ou une peau saine mais ramollie par un séjour prolongé dans l’eau. La contamination est aussi possible par morsure ou léchage par un animal. Il n’y a pas de transmission interhumaine.

Les populations à risque sont donc :

  • les personnes pratiquant des sports nautiques en eau douce : baignade en rivière ou en lac, pêche en eau douce, promenade en canoë ou kayak, rafting, canyoning…
  • et certains professionnels : égoutiers, jardiniers, aquaculteurs, agriculteurs, vétérinaires.

Elle atteint essentiellement l’adulte masculin âgé en moyenne de 40 ans.

La vigilance dans le mois suivant une exposition est de mise.

Clinique et diagnostic

Son diagnostic est difficile car les signes cliniques sont très variés en fonction des organes atteints. Après pénétration cutanée ou muqueuse, les leptospires gagnent le sang et les tissus (foie, rein, cerveau, cœur) : la gravité de la maladie varie selon l’importance de l’inoculum, allant de la forme inapparente à la défaillance multiviscérale mortelle.

Après une incubation moyenne de 1 à 2 semaines, apparaît un ictère fébrile « flamboyant » (associant une vasodilatation cutanée avec une teinte jaunâtre), dont la gravité dépend de l’atteinte hépatique et rénale (hépatonéphrite). Des manifestations hémorragiques sont possibles dans la forme classique de la leptospirose ictéro-hémorragique.

Néanmoins, la forme pseudo-grippale est plus fréquente : fièvre à 39 °C, frissons, céphalées, myalgies. L’examen clinique note une hépatomégalie douloureuse et une hémorragie conjonctivale. Sans traitement, la fièvre régresse spontanément, mais surviennent des troubles neurologiques et oculaires (uvéite). En outre, divers symptômes rénaux, cardiaques et pulmonaires (hémorragies dans les alvéoles pulmonaires) sont possibles.

Le diagnostic est affirmé par la PCR sur prélèvement sanguin entre J0 et J9 et sur prélèvement urinaire au-delà de J10. Le sérodiagnostic par Elisa (IgM sang) est possible dès J7.

Les examens biologiques montrent une perturbation non spécifique des constantes hépatiques, rénales, musculaires (rhabdomyolyse).

Traitement

L’antibiothérapie doit être précoce :

  • dans les formes bénignes, des cyclines (doxycycline) ou des macrolides (azithromycine) par voie orale sont employées ;
  • dans les formes graves, des bêtalactamines par voie intraveineuse sont nécessaires (pénicilline G, ampicilline, ceftriaxone ou céfotaxime) ; la forme ictérohémorragique nécessite une hospitalisation en réanimation.

Elle dure 10 jours et est associée à des traitements symptomatiques selon l’organe atteint.

Jusqu’à présent, aucune résistance au traitement n’a été décrite.

Après guérison, les urines peuvent encore contenir des bactéries pendant plusieurs semaines.

Prévention

Pour les professionnels : la leptospirose est reconnue comme maladie professionnelle pour les professions à risque (entretien des voies d’eaux et égouts, pisciculture en eaux douces, plongeurs professionnels…). La prévention générale repose sur les campagnes de dératisation. Celle individuelle sur :

  • la vaccination par le vaccin Spirolept de l’Institut Pasteur, actif contre L. ictero-haemorrhagiae, forme la plus grave de la maladie (v. calendrier vaccinal 2024),
  • le port de vêtements de prévention (combinaisons, bottes, gants, lunettes),
  • l’évitement du contact des plaies cutanées avec l’eau.

Pour les personnes pratiquant les sports aquatiques de loisirs, l’évitement du contact avec l’eau est évidemment inenvisageable, mais il est conseillé de :

  • d’éviter la baignade dans l’eau trouble ou boueuse ;
  • d’éviter la marche pieds-nus ou en sandales ouvertes sur un sol boueux, dans les flaques et eaux (en particulier dans les départements ultramarins) ;
  • de porter un équipements de protection individuelle pour le canyoning et kayak : combinaison, bottillons, gants ;
  • de protéger les plaies du contact de l’eau par des pansements étanches.

La vaccination peut être conseillée à celles qui pratiquent régulièrement et durablement ces sports.

Pour le voyageur, la vaccination n’est pas recommandée systématiquement car il est en général peu exposé (durée du séjour par définition limitée), mais elle peut être proposée chez l’adulte (AMM à partir de 18 ans), dans le cadre d’une expatriation, et au cas par cas en fonction de la zone géographique (région du Pacifique, Antilles et Amériques, où le sérovar Icterohaemorrhagiae circule), pendant la saison des pluies ou de phénomènes climatiques, selon l’activité à risque et en l’absence de mesures de protection.

Enfin, l’antibioprophylaxie est inutile avant l’exposition au risque, car elle s’est montrée inefficace.

Pour en savoir plus
Bourrée P. Syndrome pseudo-grippal après rafting ?  Rev Prat (en ligne) 11 août 2021.
Nobile C. Bactéries, parasites, amibes… la baignade en eau douce n’est pas sans risque.  Rev Prat (en ligne) 3 juillet 2024.
Santé publique France. Leptospirose. 22 janvier 2024.
Institut Pasteur. Leptospirose. Octobre 2020.

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