Ce curieux symptôme est connu depuis deux siècles : les enfants se plaignent de douleurs, surtout au niveau des jambes, responsables parfois de réveils nocturnes. Que savons-nous aujourd’hui sur cette entité, dont l’existence est mise en doute par certains ? Quels signes d’alerte ? Quelle prise en charge ?

Les douleurs de croissance sont définies comme un syndrome douloureux non inflammatoire, bénin et récidivant, qui touche jusqu’à un tiers des enfants. Son lien avec la croissance n’est toutefois pas prouvé, d’autant plus que le pic d’incidence – entre 3 et 6-12 ans – ne correspond pas à la période où la vitesse de croissance est maximale.

En pratique, les enfants se plaignent de douleurs survenant en début de soirée ou pendant la nuit, principalement localisées aux membres inférieurs (et parfois supérieurs), bilatérales et extra-articulaires, qui durent de quelques minutes à quelques heures. Elles touchent aussi bien les garçons que les filles.

Un diagnostic d’exclusion

Si l’enfant se plaint régulièrement, il ne faut pas banaliser sa douleur.

Un interrogatoire et surtout un examen clinique soigneux sont essentiels pour éliminer les nombreux diagnostics différentiels (encadré ci-dessous).

L’examen des membres est normal et la palpation des articulations est indolore. Pas d’inflammation ni de déformation osseuse. Une douleur à la mobilisation passive de l’articulation concernée doit faire rechercher d’autres causes, en particulier un traumatisme, une maladie inflammatoire ou une ostéochondrose (ou ostéodystrophie) de croissance.

Cette dernière entité comprend une famille de pathologies, dont l’expression peut varier en fonction de la localisation, caractérisées par des altérations tissulaires (microfissures, microfractures) au niveau des zones de croissance des os et du cartilage, conduisant à une nécrose ischémique ; les sollicitations mécaniques liées à une pratique sportive intensive jouent un rôle majeur.

Quelles causes ?

Les origines ne sont pas bien connues, d’autant qu’il n’existe aucune analyse biologique ou radiologique pour confirmer le diagnostic, qui repose uniquement sur l’examen clinique.

Les médecins ont longtemps évoqué une hypothèse « mécanique » : les os grandiraient plus vite que les muscles et les tendons, ce qui expliquerait des contraintes entre l’os et les insertions tendineuses, d’autant plus que ces douleurs sont associées, chez certains enfants, à une activité physique intense pendant la journée. Ce mécanisme n’a jamais été démontré.

Une récente métanalyse a étudié 32 articles investiguant les causes des douleurs de croissance. Les auteurs ont retrouvé plusieurs facteurs potentiellement impliqués :

  • Une susceptibilité génétique. La fréquence des douleurs augmente en cas d’antécédents familiaux.
  • Un seuil de la douleur plus bas que la moyenne.
  • Des facteurs psychologiques. Les enfants atteints de douleurs de croissance ont davantage d’anomalies psychologiques : irritabilité, peur de l’obscurité, tics, énurésie nocturne, hyperactivité, anxiété.
  • Une hypovitaminose D a été retrouvée dans certains études, et la supplémentation, en cas de déficit, serait efficace sur les douleurs.
  • Le rôle de la mélatonine a été mis en évidence par une étude. Les auteurs ont suggéré que l’allumage de la lumière par les parents (pour voir ce qui arrive à l’enfant lorsqu’il se réveille la nuit) pourrait réduire la douleur en agissant sur les niveaux de mélatonine (attention tout de même à l’utilisation systématique de veilleuses LED qui ne semble pas sans risque pour l’enfant !).

Quelle prise en charge ?

Aucun examen ni bilan complémentaire n’est nécessaire. Les massages apaisants et le réconfort par les parents apaisent les douleurs. S’ils ne sont pas suffisants, la prise d’un antalgique (paracétamol) est possible. En cas de troubles psychologiques associés, le recours à un psychologue peut être envisagé.

Encadre

Principaux diagnostics différentiels

Maladies inflammatoires : arthrite idiopathique juvénile, synovites…

Infectieuses : ostéomyélite, arthrite septique, abcès…

Vasculaires, hématologiques : ostéosarcome, leucémies, métastases osseuses, drépanocytose 

Traumatiques : fractures, luxations, hyperlaxité articulaire

Métaboliques : rhabdomyolyse, myopathies…

Autres : syndrome des jambes sans repos 

Pour en savoir plus :
Dutau G. Les douleurs de croissance – Analyse et signification d’un symptôme fréquent. Pédiatrie pratique, 19 avril 2022.
Kaspiris A, Zafiropoulou C. Growing pains in children: epidemiological analysis in a Mediterranean population. Joint Bone Spine 2009;76(5):486-90.
Gicquel P. Ostéochondroses ou ostéodystrophies de croissance de la cheville et du pied.Podologie 22 novembre 2016.
Pavone V, Vescio A, Valenti F. Growing pains: What do we know about etiology ?World J Orthop 2019;10(4):192-205.

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