Les édulcorants intenses ont un pouvoir sucrant bien supérieur à celui du sucre. Leur utilisation s’est développée afin de réduire la consommation de sucre associée à des risques pour la santé. Leurs effets sur la santé restent débattus, en particulier à long terme. Il est recommandé de ne pas les utiliser dans une perspective de contrôle du poids ou de réduction du risque de pathologie.
Le terme d’édulcorant peut s’appliquer à toute substance conférant un goût sucré, désignant ainsi aussi bien le miel, le sirop d’érable ou le saccharose que les additifs alimentaires utilisés en substitution du sucre dans les préparations industrielles ou à domicile. Ces derniers, aussi appelés édulcorants intenses ou de charge, regroupent une diversité de composés synthétiques ou extraits de plantes dont le pouvoir sucrant ramené à la teneur en calories est bien supérieur au sucre de table, ce qui en fait des ingrédients de choix pour la fabrication de produits à faible teneur énergétique ou sans sucres ajoutés. En Europe, une vingtaine d’édulcorants sont autorisés par le règlement (CE) n° 1333/2008 sur les additifs alimentaires (tableau). L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et le comité d’experts FAO/OMS (Food and Agriculture Organization/Organi–sation mondiale de la santé) sur les additifs alimentaires (Jecfa : Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives) au niveau international sont chargés de l’évaluation toxi­cologique des édulcorants et de la définition de doses journalières admissibles (DJA), c’est-à-dire les quantités qui peuvent être consommées quotidiennement durant toute une vie sans présenter de risque notable pour la santé. Les édulcorants sont évalués en amont de leur mise sur le marché, puis réévalués périodiquement.

Exposition aux édulcorants intenses en France : en-deçà des DJA

En France, selon un rapport de suivi de l’Observatoire de la qualité alimentation (Oqali), en 2019,1 les édulcorants intenses les plus souvent retrouvés dans l’offre alimentaire (30 secteurs étudiés) sont l’acésulfame K (E950), l’aspartame (E951), le sucralose (E955) et les glycosides de stéviol (stévia, E960). Ils sont présents en particulier dans les sucrettes de table, les bonbons et chewing-gums, les boissons ou encore les produits laitiers light, le plus souvent en combinaison pour atteindre le goût souhaité. Au vu des volumes consommés et des teneurs dans les produits, les boissons, ­sucrettes et produits laitiers constituent les principales sources ­d’exposition.
Des estimations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) publiées en 20152 à partir de scénarios d’exposition aux édulcorants appliqués aux données issues de l’étude individuelle des consommations alimentaires (INCa 2, 2006-2007) et des déclarations des industriels suggèrent que les expositions pour les édulcorants les plus consommés restent bien en deçà de la DJA fixée pour ces substances.
Plus récemment, des travaux conduits dans le cadre de l’étude française NutriNet-Santé (encadré 1) ont permis d’estimer l’exposition d’un échantillon de 106 000 adultes aux additifs présents sur le marché français, à partir de la composition réelle en additifs des produits consommés par les participants.3 Ces travaux confirment que les principaux édulcorants consommés sont l’acésulfame K (34 % de consommateurs), l’aspartame (28 %), le sucralose (13 %) et les glycosides de stéviol (stévia, 3 %) à des niveaux bien inférieurs à la DJA. Ils suggèrent aussi une co-exposition à ces différents édulcorants intenses du fait de leur présence conjointe dans un même produit (notamment les boissons édulcorées) ou de la consommation concomitante de produits contenant ces additifs.
Une étude comparant les volumes de vente des sucres ajoutés et des édulcorants dans les boissons et aliments entre 2007 et 2019 montre une tendance à l’augmentation des édulcorants et à la diminution des sucres ajoutés, suggérant ainsi un déplacement du sucre vers les édulcorants. L’augmentation de l’utilisation des édulcorants dans les boissons apparaît d’autant plus fréquente dans les pays ayant mis en œuvre des politiques visant à réduire le sucre.4

Effets sur la santé débattus

L’impact d’une consommation excessive de sucre sur la santé (sur­poids, diabète, maladies cardiovasculaires, caries, etc.) est maintenant bien établi, conduisant l’OMS à recommander de limiter la consommation de sucre à moins de 10 % de l’apport énergétique quotidien. L’utilisation d’édulcorants intenses s’est ainsi développée comme alternative tout en préservant la saveur sucrée pour laquelle l’être humain a une appétence importante. Pour autant, les effets sur la santé de la consommation d’édulcorants res­tent débattus.

Données discordantes

En 2022, l’OMS a conduit une revue systématique de la littérature scientifique concernant l’impact sur la santé des édulcorants.5 Cette revue a inclus 283 études portant sur les effets des édulcorants intenses, à des doses compatibles avec les DJA, sur la santé des adultes (y compris les femmes enceintes) et des enfants, en excluant les études conduites exclusivement dans des populations prédiabétiques ou diabétiques. Globalement, les résultats issus des essais contrôlés randomisés et des études de cohorte étaient largement discordants.
Si l’utilisation d’édulcorants conduisait à une perte de poids modérée (sans effet sur d’autres paramètres comme la glycémie, l’insulinémie, les lipides sanguins ou la pression artérielle) dans le cadre d’essais randomisés contrôlés à plus ou moins court terme, cet effet était néanmoins plus particulièrement observé lorsque l’utilisation des édulcorants était comparée à celle de sucre (et pas à un placebo ou à de l’eau) et qu’elle s’accompagnait d’un moindre apport énergétique. Ces résultats rejoignent ceux d’une précédente méta-analyse dans laquelle le poids, l’indice de masse corporelle (IMC) et l’apport énergétique étaient moins élevés avec les édulcorants mais uniquement en comparaison avec le sucre et non avec l’eau. Par ailleurs, il n’est pas établi que ces effets observés persistent sur le long terme.
À l’inverse, les études de cohorte prospectives avec un suivi sur plusieurs années suggèrent que la consommation d’édulcorants est associée à une augmentation du risque de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et de mortalité, y compris lorsque les analyses sont conduites de façon à limiter les facteurs de confusion ou le biais de causalité inverse, résultant du fait que les individus présentant des facteurs de risque métabolique pourraient être plus enclins à consommer des produits contenant des édulcorants.
Les différents contextes de consommation des édulcorants entre les essais d’intervention et les études d’observation ont été avancés comme une explication possible à ces divergences de résultats. En particulier, dans des situations réelles de consommation, les édulcorants ne sont pas toujours utilisés en remplacement parfait et total du sucre mais sont souvent consommés en plus.

Impact différencié mal élucidé

Si certains des mécanismes qui pourraient expliquer le lien entre la consommation d’édulcorants et l’impact sur la santé semblent communs aux composés divers regroupés sous cette même appellation (interaction avec les récepteurs du goût, altérations du microbiote, etc.), les différences de structures entre ces molécules pourraient aussi conduire à des effets différenciés sur la santé (effet physiologique et taille de l’effet). Les données disponibles ne permettent, néanmoins, pas de conclure.

Liens entre édulcorants et maladies chroniques

En France, des travaux menés dans la cohorte NutriNet-Santé ont étudié le lien entre l’exposition aux édulcorants et le risque de maladies chroniques. Il s’agit des premières études de cohorte prospectives ayant estimé l’exposition aux édulcorants à partir de toutes les sources possibles en se fondant sur les produits réellement consommés par les participants. Les résultats (après prise en compte des facteurs de confusion et du potentiel biais de causalité inverse) montrent des associations entre l’exposition à différents édulcorants (édulcorants totaux, aspartame, acésulfame K et sucralose) et le risque de cancer (encadré 2),6 de maladies cardiovas­culaires7 et de diabète de type 2.8

Recommandations : en limiter la consommation

Suite à sa revue de la littérature, l’OMS a formulé une nouvelle recommandation en 20239 préconisant que les édulcorants ou les aliments et boissons édulcorés ne soient pas utilisés en vue de contrôler le poids ou de réduire le risque de maladie chronique.
En effet, si les données disponibles semblent suggérer un effet bénéfique à court terme vis-à-vis du contrôle du poids, elles ne permettent néanmoins pas de démontrer un effet bénéfique à long terme et suggèrent même des risques associés à une consommation régulière et prolongée.
Si l’importance de la réduction de la consommation de sucre est rappelée, remplacer le sucre par les édulcorants n’est pas considéré comme une stratégie adéquate à long terme pour y parvenir.
Les stratégies devraient plutôt se concentrer sur l’amélioration de la qualité globale de l’alimentation : réduire la consommation de boissons et aliments sucrés (avec sucre ou édulcorants) et remplacer les aliments contenant des sucres ajoutés par des aliments contenant des sucres naturels, comme les fruits ou des aliments et boissons peu transformés et non sucrés, plutôt que d’avoir recours à des produits ultratransformés ou avec un profil nutritionnel peu favorable dans lesquels le sucre ajouté serait remplacé par des édulcorants.
Ces recommandations ne concernent pas directement les patients diabétiques (car les études portant spécifiquement sur les diabétiques ont été exclues) chez qui les édulcorants sont souvent considérés comme une aide pour la gestion de la maladie. Il est toutefois rappelé que, dans cette population comme en population générale, il est possible de réduire le sucre dans l’alimentation sans avoir recours aux édulcorants.
La recommandation de l’OMS rejoint ainsi les allégations de santé autorisées pour les édulcorants en Europe, à savoir que lorsqu’ils sont consommés en remplacement du sucre, les édulcorants permettent le maintien de la minéralisation dentaire et la réduction de la réponse glycémique post-prandiale. En revanche, les allégations concernant l’aide à la perte, le contrôle du poids ou le maintien d’une glycémie normale n’ont pas été autorisées. De la même manière, l’Anses, en 2015, a rappelé qu’au vu des bénéfices et risques, une utilisation à long terme des édulcorants comme alternative au sucre n’était pas recommandée et que les boissons édulcorées, tout comme les boissons sucrées, ne devraient pas se substituer à la consommation d’eau.
Pour asseoir l’eau comme seule boisson recommandée et au vu des éléments scientifiques concernant le lien entre consommation d’édulcorants et santé, le comité scientifique européen en charge de l’actuali­sation du Nutri-Score a ajouté une pénalisation pour la présence d’édulcorants dans les boissons dans la nouvelle version du Nutri-Score (à partir de 2024). La présence d’édulcorants est également pénalisée dans le cadre de la taxe sur les boissons sucrées.

Les édulcorants ne sont pas une bonne alternative au sucre

La consommation d’édulcorants, composés non indispensables d’un point de vue nutritionnel, n’apparaît pas comme une solution favorable pour réduire la consommation de sucre. Si certains bénéfices à court terme peuvent être observés dans des contextes d’intervention définis, il existe des incertitudes quant aux effets à plus long terme et en conditions réelles d’utilisation, néces­sitant de plus amples recherches. En particulier, les potentiels effets conjoints ou « cocktails » liés à une exposition à des mélanges d’édulcorants, et plus généralement d’additifs, ne sont pas connus.
Tous ces éléments poussent donc à privilégier une réorientation des consommations alimentaires vers des produits peu transformés naturellement sucrés (comme les fruits) ou non sucrés, dans une optique de diminution globale de la quantité de sucre consommée et d’amélioration de la qualité nutritionnelle de l’alimentation.
En pratique, il s’agit d’adopter de bonnes habitudes dès le plus jeune âge et à tout âge, par exemple en ne proposant pas à table de boissons sucrées ou édulcorées ou en n’ajoutant pas systématiquement du sucre ou des édulcorants dans les boissons chaudes (thé, café). En population générale, les aliments et boissons sucrés (par ajout de sucre ou d’édulcorants) peuvent faire partie d’une alimentation équilibrée si leur fréquence et les quantités consommées sont limitées, en cohérence avec les recommandations du Programme national nutrition-santé (PNNS : https ://www.mangerbouger.fr/). 
Encadre

1. NutriNet-Santé

L’étude NutriNet-Santé (https://etude-nutrinet-sante.fr/) est une étude de cohorte prospective française. Elle vise à étudier les relations entre la nutrition et la santé ainsi que les déterminants des comportements nutritionnels. Elle inclut plus de 176 000 adultes depuis 2009. Les participants complètent différents questionnaires (sociodémographique, mode de vie, activité physique, santé, etc.) et, en particulier, des questionnaires détaillés sur l’alimentation, tous les six mois, permettant de lister l’ensemble des aliments et boissons consommés (y compris le type de produit et leur marque) au cours de trois journées. Un important travail de caractérisation de la composition en additifs des aliments et boissons a été réalisé à partir de bases de données (obtenues à partir de la liste des ingrédients) et de doses (obtenues par dosage dans les aliments ou à partir d’autres sources, comme les données de l’Efsa), permettant d’estimer l’exposition aux additifs des participants.

Encadre

2. Aspartame : possiblement cancérogène

En 2023, le Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS a conduit une évaluation de la cancérogénicité de l’aspartame dans le cadre de la monographie 134. En se fondant sur une revue de la littérature scientifique, l’aspartame a été classé comme « cancérogène possible pour l’homme (groupe 2B) ». Cette classification reflète un niveau de preuve jugé « limité » concernant les études chez l’homme (association positive établie mais biais possibles appelant des recherches additionnelles pour consolider les preuves), « limité » concernant les études chez l’animal (effets observés mais avec des limites méthodologiques) et « limité » concernant les mécanismes d’action (pistes de mécanismes d’action mises en évidence : augmentation du taux d’insuline, inflammation, stress oxydatif, génotoxicité, impact sur le microbiote intestinal, mais manque de données).

En parallèle, le Jecfa (Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives [comité international mixte FAO/OMS d’experts sur les additifs alimentaires]) a procédé à une réévaluation de la sécurité de l’aspartame. Le comité d’experts n’a pas jugé que les preuves scientifiques disponibles à l’heure actuelle sur les liens entre aspartame et santé permettaient de modifier la dose journalière admissible, fixée à 40 mg/kg de poids corporel par jour (soit l’équivalent de 9 à 14 canettes par jour dosées à 200 à 300 mg pour un adulte de 70 kg). Dans les études épidémiologiques examinées par le Centre international de recherche sur le cancer, la consommation d’aspartame ou de boissons édulcorées était bien en-deçà de cette limite (jusqu’à 40 fois moindre dans l’étude NutriNet-Santé, par exemple).

Références
1. Oqali. Bilan et évolution de l’utilisation des additifs dans les produits transformés 2019.
2. Anses. Évaluation des bénéfices et des risques nutritionnels des édulcorants intenses 2015.
3. Chazelas E, Druesne-Pecollo N, Esseddik Y, Szabo de Edelenvi F, Agaesse C, De Sa A, et al. Exposure to food additive mixtures in 106.000 French adults from the NutriNet-Santé cohort. Sci rep 2021;11(1):19680.
4. Russell C, Baker P, Grimes C, Lindberg R, Lawrence MA. Global trends in added sugars and non-nutritive sweetener use in the packaged food supply: Drivers and implications for public health. Public Health Nutr 2023;26:952-64.
5. WHO. Health effects of the use of non-sugar sweeteners: A systematic review and meta-analysis 2022.
6. Debras C, Chazelas E, Srour B, Druesne-Pecollo N, Eddeddik Y, Szabo de Edelenvi F, et al. Artificial sweeteners and cancer risk: Results from the NutriNet-Santé population-based cohort study. PLOS Medicine 2022;19(3):e1003950.
7. Debras C, Chazelas E, Sellem L, Porcher R, Druesne-Pecollo N, Eddeddik Y, et al. Artificial sweeteners and risk of cardiovascular diseases: Results from the prospective NutriNet-Santé cohort. BMJ 2022;378:e071204.
8. Debras C, Deschasaux-Tanguy M, Chazelas E, Sellem L, Druesne-Pecollo N, Eddeddik Y, et al. Artificial sweeteners and risk of type 2 diabetes in the prospective NutriNet-Santé Cohort. Diabetes Care 2023;46:1681-90.
9. WHO. Use of non-sugar sweeteners: WHO guideline 2023.

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