La procréation médicalement assistée est associée à un certain nombre de risques liés aux manipulations in vitro : gestation multiple, gémellité monozygote, petit poids de naissance des enfants... Mais qu’en est-il des risques pour la santé à plus long terme ? Une étude publiée dans Nature suggère que certains procédés pourraient influencer le vieillissement de ces enfants…

Les potentiels risques de la PMA sur la santé à long terme – par exemple sur les maladies cardiométaboliques, sur l’espérance de vie des enfants concernés – ne sont pas connus, cette technique étant relativement récente. En effet, la plus vieille personne conçue par ce biais n’a aujourd’hui qu’une quarantaine d’années !

Néanmoins, bien qu’il soit encore difficile d’étudier ces risques à long terme, certaines hypothèses peuvent d’ores et déjà être explorées, telles que l’influence sur le plan épigénétique des procédés de PMA (milieu de culture, oxygénation pendant la culture, congélation des embryons…) sur le développement de l’embryon, entraînant des caractéristiques qui pourraient être prédictives d’altérations ultérieures de l’état de santé.

C’est ce qu’ont tenté de faire des chercheurs chinois dans une étude sur plus de 1 000 sujets de 365 familles (dont 202 enfants conçus par PMA). Leurs résultats viennent d’être publiés dans Nature.

Les auteurs se sont intéressés à la longueur des télomères dans les leucocytes de ces sujets, étant donné le rôle que jouent ces structures situées à l’extrémité des chromosomes dans les processus de vieillissement et longévité, par leur influence sur la sénescence réplicative des cellules.

Résultats : les enfants de 1 an conçus par PMA avaient des télomères leucocytaires significativement plus courts par rapport à ceux conçus naturellement, après ajustement pour de potentiels facteurs de confusion. C’était surtout la méthode du transfert d’embryons au stade de blastocyste qui était associée à des télomères plus courts. Or des télomères courts sont corrélés au développement des maladies dégénératives liées à l’âge et à la réduction de la longévité.

Comment expliquer ces altérations ? Les télomères subissent une « réinitialisation » aux stades précoces du développement de l’embryon, avec un allongement au fur et à mesure de la croissance de ce dernier, porté en partie par l’activité d’une enzyme : la télomérase. L’activité de cette enzyme est influencée à plusieurs niveaux (transcriptomiques, épigénétiques…) par l’environnement : il est donc possible que le stress environnemental induit par les procédés de PMA et la sélection de l’embryon entraîne ce raccourcissement des télomères. En effet, ce stress environnemental coïncide avec une fenêtre critique du développement au cours de laquelle l’embryon réorganise son génome et réécrit son épigénome – des processus qui sont très sensibles aux influences environnementales.

Ce phénomène serait accentué lorsque le transfert de l’embryon se fait à un stade plus tardif (celui de blastocyste). Cette méthode est largement adoptée aujourd’hui, car ces embryons, plus « solides », ont plus de chances de s’implanter et se développer à terme, permettant, par exemple, de ne transférer qu’un seul embryon dans l’utérus et de diminuer ainsi les risques de gestation multiple. Toutefois, cette méthode est aussi davantage associée à des risques tels que la naissance prématurée et la gémellité monozygote. De plus, les effets à long terme de ce stress environnemental supplémentaire restent inconnus : le constat d’un raccourcissement plus marqué des télomères chez les personnes nées par ce biais constitue une piste en ce sens ; si une telle association était confirmée, elle pourrait avoir un impact potentiel sur la croissance du fœtus et de l’enfant, sur le vieillissement en bonne santé de ces sujets (développement de maladies métaboliques tels que le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires) et leur espérance de vie.

Bien sûr, les auteurs soulignent que ces résultats doivent être validés par des études de plus grande envergure sur de plus amples cohortes. Il est donc important de rassurer les parents d’enfants nés par PMA et les personnes envisageant ce mode de procréation. En effet, bien que la longueur des télomères chez les bébés puisse être prédictive de l’espérance de vie dans la population générale, les données manquent pour affirmer leur influence précise dans la population conçue par PMA ; l’implication d’autres facteurs (différences dans les antécédents parentaux et les expositions environnementales de tous les enfants au début de leur vie) rend difficile de tirer des conclusions et il faudra des décennies pour accumuler des preuves concluantes sur les effets de la culture des blastocystes sur la santé à long terme. L’objectif de telles recherches n’est pas de décourager le recours à la procréation par PMA mais d’améliorer le plus possible la sécurité des méthodes employées.

Pour en savoir plus
Brison DR. IVF children and heathy aging. Nature Medecine 2022;28;2476-7.
Wang C, Gu Y, Zhou J, et al. LeukocyLeukocyte telomere length in children born following blastocyst-stage embryo transfer.  Nature Medecine 2022;28;2646-53.

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