Définition
Le terme nosocomial provient du mot latin nosocomium qui veut dire hôpital, ainsi que des mots grecs nosos et komein qui signifient respectivement maladie et soigner.2 Précisément, « une infection est dite nosocomiale si elle apparaît au cours ou à la suite d’une hospitalisation et si elle était absente à l’admission à l’hôpital. Ce critère est applicable à toute infection ».3
Communément, on considère d’origine nosocomiale une infection survenue dans un délai d’au moins 48 heures après l’admission du patient. Pour les infections postopératoires, on considère comme nosocomiales les infections survenues dans les 30 jours suivant l’intervention, voire, s’il y a mise en place d’une prothèse ou d’un implant, dans l’année qui suit l’opération.
Il faut en outre distinguer entre l’origine de l’infection, laquelle peut être qualifiée d’exogène, lorsqu’elle provient de germes extérieurs au patient, ou d’endogène lorsqu’elle provient du patient lui-même, lequel s’est alors infecté avec ses propres germes à l’occasion d’un acte médical.
Avant la loi du 4 mars 2002
Jurisprudtence administrative
Il lui appartenait en revanche de prouver cette origine nosocomiale, la victime étant ici autorisée à recourir à des présomptions graves, précises et concordantes, notamment en prouvant l’absence d’autres causes possibles de contamination.5
En pratique, ce système s’apparentait à une véritable présomption de responsabilité, l’hôpital ne pouvant en réalité s’exonérer qu’en rapportant la preuve – difficile – que le patient était déjà porteur du germe lors de son entrée à l’hôpital, autrement dit que l’infection, survenue au cours ou au décours de l’hospitalisation, était déjà présente ou en incubation au début de la prise en charge.
Bien que favorable aux patients, la jurisprudence administrative refusait toutefois d’indemniser les infections nosocomiales d’origine endogène, seules les infections d’origine exogène engageant la responsabilité des établissements.6 L’établissement pouvait donc également s’exonérer en rapportant la preuve que l’infection avait été causée par les propres germes du patient.
Jurisprudence judiciaire
Dans le dernier état de la jurisprudence judiciaire, le patient n’avait donc plus qu’à rapporter la preuve de l’origine nosocomiale de l’infection, la Cour de cassation refusant, comme le Conseil d’État, d’aller jusqu’à présumer un lien de causalité entre la prise en charge médicale et l’infection.11
Aucune distinction n’étant par ailleurs opérée par le juge judiciaire quant à l’origine de l’infection, au contraire de son homologue administratif, l’établissement de santé privé ne pouvait pas s’exonérer en présence d’une infection dite endogène, devant donner lieu à réparation au même titre que les infections dites exogènes.12
Régime actuel et coexistence avec les régimes antérieurs
Dans sa version initiale, l’article L1141-2 du code de la santé publique prévoyait une responsabilité de plein droit à la charge des établissements de santé en matière d’infection nosocomiale, sauf preuve d’une cause étrangère.
De ce nouveau régime législatif, découlaient donc deux enseignements : la consécration d’un régime de responsabilité de plein droit à l’égard des établissements de santé, ne pouvant être renversée que par la preuve d’une cause étrangère (confirmant donc ici en partie la jurisprudence de la Cour de cassation) et l’exclusion du médecin de ce régime de responsabilité, soumis quant à lui au principe d’une responsabilité pour faute.13
Depuis le 1er janvier 2003
Depuis le 1er janvier 2003, l’identité du débiteur de l’indemnisation dépend donc de la gravité des conséquences de l’infection nosocomiale.
Infections dites graves
Autres infections
Dans les faits, il appartient toujours au patient de rapporter la preuve de l’origine nosocomiale de l’infection et, le plus souvent, une infection survenue au cours ou au décours de la prise en charge est considérée comme telle. Pour reprendre la définition récemment donnée par le Conseil d’État, « doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial, au sens des dispositions de l›article L. 1142-1 de la santé publique, une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d›un patient et qui n›était ni présente ni en incubation au début de celle-ci, sauf s’il est établi qu’elle a une autre origine que la prise en charge. Ainsi, seul l’établissement qui démontre que l’infection est la conséquence, non pas des soins, mais d’une cause extérieure telle que par exemple la pathologie du patient, pourra être exonéré »19.
Pour finir, s’agissant des infections nosocomiales les moins graves, précisons, dans l’hypothèse où la responsabilité d’un établissement ne serait pas engagée (cause étrangère) ni celle d’un professionnel de santé (absence de faute), que la victime peut toujours envisager de saisir l’Oniam de son action sur le fondement dans ce cas précis de l’article L1142-1 II du code de la santé publique. À charge pour elle de démontrer, dans cette hypothèse, que son dommage remplit les critères d’imputabilité, d’anormalité et de gravité prévus par les textes pour ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale.
Complexité
Le système actuel de responsabilité en matière d’infections nosocomiales demeure relativement complexe, faisant coexister différents régimes en fonction de la date du fait générateur, de la gravité du dommage mais aussi du lieu de la contamination. Actuellement, si le médecin n’est responsable qu’en cas de faute, les établissements de santé restent soumis à un strict régime de responsabilité de plein droit, dont ils ne peuvent s’exonérer qu’en rapportant la preuve difficile d’une cause étrangère. Quant à l’Oniam, il est tenu de prendre en charge les infections les plus graves, sans préjudice d’un éventuel recours contre le professionnel ou l’établissement de santé en cas de faute.
Infections nosocomiales : des données plutôt anciennes
Les infections liées aux soins (ou infections nosocomiales) ont été longtemps méconnues en France et dans la plupart des pays développés ; depuis le début des années 2000, les choses changent progressivement.
Sur le site du ministère de la Santé
On peut y lire à la question posée « Combien de personnes sont-elles touchées par les infections nosocomiales ? »
« Trois enquêtes nationales de prévalence des infections nosocomiales ont été réalisées en 1996, en 2001 et en juin 2006. En 2006, 2 337 établissements de santé, représentant 9 % des lits d’hospitalisation et 358 467 patients ont été inclus. Le jour de l’enquête 2006, 17 820 patients étaient infectés soit une prévalence de patients infectés de 4,97 %. Entre 2001 et 2006, on a noté une diminution de 12 % de la prévalence des patients infectés et de 40 % de ceux infectés par un staphylocoque doré résistant à la méticilline (bactérie faisant partie des bactéries multirésistantes aux antibiotiques). »
À l’évidence, cette prévalence varie considérablement selon les services de spécialité au sein de l’hôpital (fréquence plus importante dans les services de réanimation, par exemple).
Cependant, on peut regretter que le ministère ne fasse pas état de données davantage actualisées…
Sur le site de l’OMS
De son côté, le site de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) https://www.who.int/gpsc/background/fr / / apporte les précisions suivantes :
Sur le site de la HAS
Sur le site de la Haute Autorité de santé (HAS), on trouve :
« En 2019, un seul indicateur a été recueilli dans le thème “ infections associées aux soins ” : consommation des produits hydro-alcooliques dans sa version 3. »
De plus, un indicateur de résultat a été expérimenté en 2019 (mesure des « infections du site opératoire après pose de prothèse totale de hanche – hors fracture – ou de genou »).
2. Dictionnaire des termes de médecine (27e édition). Paris : Maloine, 2002 :579.
3. Selon la 2e édition du guide technique de recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales « 100 recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales » édité en 1999, et actualisée en 2006 par le Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins (Ctinils).
4. CE, 9 déc. 1988, dit Cohen, n° 65087, CE, 1er mars 1989, dit Bailly, n°61406. Il était alors jugé, en cas d’infection, d’une « faute dans l’organisation et le fonctionnement du service, à qui incombe de fournir au personnel médical un matériel et des produits stériles, alors même qu’aucune faute lourde, notamment en matière d’asepsie, ne peut être reprochée au praticien ».
5. CE, 16 décembre 2005, n° 265270.
6. V. par exemple CE, 27 sept. 2002, n° 211370 ; CE, 25 oct. 2006, n° 275700 ou encore CE, 12 janv. 2011, n° 311639.
7. Cass. 1re civ., 9 oct. 1985, n° 84-13472.
8. Cass. 1re civ., 21 mai 1996, n° 94-16586 ; Cass. 1re civ., 16 juin 1998, n° 97-18481.
9. Cass. 1re civ., 29 juin 1999, n° 97-15818 ; Cass. 1re civ., 29 juin 1999, n° 97-21903 ; Cass. 1re civ., 29 juin 1999, n° 97-14254.
10. V. pour une application dans un cabinet libéral Cass. 1re civ., 13 fév. 2001, n° 98-19433.
11. Cass. 1re civ., 30 oct. 2008, n° 07-13791, qui autorise la preuve du caractère nosocomial de l’infection par des « présomptions graves, précises et concordantes ».
12. Cass. 1re civ., 4 avr. 2006, n° 04-17491 ; Cass. 1re civ., 14 juin 2007, n° 06-10812.
13. Pour le Conseil constitutionnel, cette différence de traitement dans les conditions d’engagement de la responsabilité entre établissements et professionnels n’est pas contraire à la constitution, car reposant sur une différence de situation. Les actes de prévention, de diagnostic ou de soins pratiqués dans un établissement se caractérisent en effet par une prévalence des infections nosocomiales supérieure à celle constatée chez les professionnels de santé exerçant en ville (Cons. const., déc., 1er avr. 2016, n° 2016-531 QPC).
14. CE, 13 juill. 2007, n° 293196 ; Cass. 1re civ., 16 oct. 2008, n° 07-17605.
15. Cass. 1re civ., 28 sept. 2016, n° 15-16117.
16. CSP , art. L 1142-17, al. 7 in fine.
17. Cass. 1re civ., 14 avril 2016, n° 14-23909.
18. CE, 10 oct. 2011, n° 328500.
19. CE, 23 mars 2018, no 402237.