Un nombre croissant d’études se sont intéressées ces dernières années aux effets durables des pneumonies et autres infections respiratoires basses pédiatriques sur la capacité pulmonaire tout au long de la vie. Aujourd’hui, la première revue systématique sur ce sujet vient de paraître dans le Lancet

L’objectif de cette revue systématique était d’évaluer les effets de la survenue avant l’âge de 5 ans d’infections respiratoires et pneumonies sur la capacité pulmonaire tout au long de la vie. Elle a inclus 14 études observationnelles (de cohorte, cas-témoin ou transversales) publiées entre 1990 et 2021, avec un total de 23 276 participants, dont 9 969 enfants et 13 307 adultes.

Ces études documentaient les pneumonies survenues jusqu’à l’âge de 5 ans, ainsi que des résultats de spirométrie après l’âge de 5 ans, permettant de connaître le VEMS (volume expiré maximum en 1 seconde) et la CV (capacité vitale : volume total mobilisé lors d’une inspiration et une expiration maximales) aussi bien pour les participants exposés à la pathologie que pour les contrôles.

Toutes les infections respiratoires basses pouvant causer une pneumonie ont été prises en compte (y compris rougeole, tuberculose…), et les infections décrites comme graves sans autre information ont été classifiées simplement comme « pneumonies ». Néanmoins, les études qui se sont focalisées sur les infections par des rhinovirus, le virus respiratoire syncitial et la bronchiolite, sans les différencier des autres infections respiratoires infantiles, ont été exclues : en effet, l’association de ces infections avec la survenue d’un asthme infantile ultérieur est connue, et celui-ci est lui-même un facteur de risque indépendant d’altération de la fonction pulmonaire par la suite. Enfin, les études qui n’excluaient pas des facteurs de confusion tels que les autres pathologies pouvant affecter la fonction respiratoire (pathologies cardiaques, immunodéficience primaire, troubles neuromusculaires…) n’ont pas été incluses.

Résultats : la comparaison entre les populations ayant eu ou non des infections respiratoires basses dans l’enfance a montré des réductions dans le VEMS et la CV après la survenue de ces infections avant l’âge de 5 ans ; ces réductions étaient observées aussi bien plus tard dans l’enfance (> 5 ans) qu’à l’âge adulte, et les différences entre les personnes exposées et les contrôles étaient statistiquement significatives dans la plupart des études incluses (p < 0,05).

Dans 8 études sur 14, des déficits importants des valeurs de VEMS et CV ont été observés, avec des différences entre la population exposée et la population contrôle de l’ordre de - 170 mL à - 390 mL pour le VEMS et de l’ordre de - 240 mL à - 600 mL pour la CV. Il est possible que la grande variabilité entre les valeurs trouvées selon les études soit due aux différences de sévérité des infections, mais cela n’a pas pu être correctement évalué, faute de données sur la sévérité. À noter que les mesures de spirométrie n’ont pas fait l’objet d’une méta-analyse, en raison des différences entre les méthodes utilisées dans les études pour identifier les infections dans la petite enfance et du risque de confusion avec d’autres infections pendant ou après cette période. Si l’ampleur des déficits mis en évidence est modeste au niveau individuel, l’effet à l’échelle de la population peut être important, en raison de l’association entre la réduction de la fonction pulmonaire (même subclinique) et la morbidité cardiopulmonaire ou la mortalité toutes causes au niveau épidémiologique. Par exemple, une étude de cohorte prospective représentative de la population nationale britannique, récemment publiée dans le Lancet aussi, a évalué l’association entre les infections respiratoires basses avant l’âge de 2 ans et la mortalité pour cause respiratoire entre 26 et 73 ans : elle a trouvé que la survenue de ces infections dans la petite enfance était associée à un risque multiplié quasiment par deux de mort prématurée pour cause respiratoire à l’âge adulte.

Ce déficit de la fonction respiratoire après les infections survenues dans la petite enfance pourrait s’expliquer biologiquement parce que cette période de la vie est un moment crucial du développement pulmonaire : la croissance des voies respiratoires et la prolifération des alvéoles qui a lieu entre l’âge de 3 et 4 ans peuvent être affectées par des infections ayant lieu à cette période ; une telle altération pourrait, à long terme, altérer la fonction pulmonaire. Des études sur l’animal ont, par ailleurs, confirmé l’effet des infections et de l’inflammation dans le développement des poumons. Toutefois, il a aussi été suggéré que ce serait, à l’inverse, une fonction respiratoire basse due à des poumons de plus petite taille chez certains enfants qui prédisposerait aux infections respiratoires. Dans cette revue de littérature, l’absence de données permettant de comparer la fonction respiratoire des enfants avant et après la survenue d’infections empêche de trancher sur ce point.

Enfin, cette revue ayant inclus majoritairement des études menées dans des pays riches, les données manquent encore concernant les pays à bas revenu et revenu moyen, ainsi que les personnes défavorisées vivant dans les pays à hauts revenus, étant donné que le fardeau des infections respiratoires pédiatriques est disproportionnellement élevé dans ces populations. 

Pour en savoir plus
Collaro AJ, McElrea MS, Marchant JM, et al. The effect of early childhood respiratory infections and pneumonia on lifelong lung function: a systematic review.  Lancet 7 avril 2023.