L’Europe est le théâtre de migrations croissantes depuis plusieurs années. Ces migrations sont le plus souvent « économiques ». Il s’agit de personnes parties chercher une meilleure vie, pour eux et leur famille, quittant leur pays où la situation est le plus souvent extrêmement difficile. Il s’agit aussi, dans une moindre mesure, de migrants « politiques », cherchant à fuir la guerre, un conflit religieux ou politique, une atteinte aux droits de l’homme, et venus chercher refuge dans les pays occidentaux. Entre ces deux entités, on considère les migrants « climatiques », contraints d’abandonner leur lieu de vie à cause de la famine, la sécheresse, le manque d’accès à l’eau, les inondations ou autres catastrophes naturelles.
Ces migrations sont considérées comme « subies », en opposition aux « choisies » qui s’inscrivent dans un projet de vie, qu’il soit familial ou professionnel, et pour lesquelles la précarité est rencontrée dans une moindre mesure, et dont les caractéristiques sont un peu différentes. Pour les premiers, ill s’agit souvent de sujets jeunes et d’hommes. Lors de leur arrivée en France, ils découvrent un pays et une culture qu’ils ne connaissent pas, avec un mode de vie très différent de leur pays natal. Certains ne parlent pas français, d’autres ne savent ni lire ni écrire. Ils sont souvent seuls, séparés de leur famille, parfois sans nouvelles d’elle.
Ceux qui demandent l’asile peuvent avoir vécu des violences physiques, des tortures, des emprisonnements, des menaces sur leurs proches, ou parfois des violences sexuelles.
Le voyage entre leur pays et la France peut durer des mois, voire des années. Les conditions de leur périple sont éprouvantes physiquement et psychologiquement : ils peuvent être amenés à parcourir des distances de plusieurs centaines de kilomètres à pied, ils subissent parfois les réprimandes des autorités locales, traversent la mer sur des embarcations de fortune...
Arrivés en France, bon nombre d’entre eux sont contraints de dormir dans la rue, à droite à gauche chez des relations, ou dans des centres d’hébergement temporaire. Malgré les associations, certains ne parviennent pas à s’alimenter correctement et doivent se contenter d’un repas par jour. Enfin, ils sont confrontés à l’incertitude de leur situation : risque de contrôles policiers, procédures longues et complexes de demande d’asile. Si certains parviennent à travailler, beaucoup n’ont aucune ressource financière.
Ainsi de nombreux migrants sont en situation de vulnérabilité, très particulièrement ceux en situation irrégulière.
L’accès au système de soins et leur prise en charge médicale restent complexes :
  • en attente de l’obtention d’une CMUc ou d’une AME, certains consultent dans les associations ou les PASS, mais d’autres renoncent à se soigner ;
  • le barrage de la langue complique leur accès et leur parcours de soins (mauvaise compréhension des informations données ou des examens prescrits) ;
  • souvent en transit, leur mobilité géographique empêche d’ancrer le soin dans la durée ;
  • il existe des obstacles au suivi médical : peur des contrôles policiers pour se rendre à la consultation, difficultés à utiliser les transports en commun. Le risque de perdus de vue est important, il faut donc prendre le temps d’expliquer et de s’assurer que le patient a compris, et parfois avoir recours à un interprète ;
  • la conception de la maladie et de la médecine diffère selon les cultures, il faut donc savoir adapter son attitude et son propos.
Les problèmes de santé plus fréquemment rencontrés chez les migrants en situation de précarité sont :
  • les pathologies infectieuses : tuberculose, infection par le VIH, hépatites B et C, syphilis, infections parasitaires (gale, bilharziose, amibiase…) ;
  • les maladies chroniques déséquilibrées (hypertension artérielle, diabète) ;
  • les troubles mentaux liés aux conditions de vie : troubles anxieux, insomnies, syndrome de stress post-traumatique. Ces patients n’expriment que rarement leur ressenti vis-à-vis de ce qu’ils ont vécu alors qu’il peut exister une grande souffrance. C’est le rôle du médecin d’ouvrir le dialogue pour détecter une souffrance ou d’éventuels maladies psychiatriques ;
  • l’absence de couverture vaccinale connue ;
  • l’absence de suivi gynécologique et de contraception. La notion de contraception est parfois mal connue ou mal perçue. Il faut distinguer les fausses croyances, au sujet desquelles une éducation peut être faite, des croyances religieuses et culturelles qui doivent être respectées, pour la création d’une relation de confiance. Certaines femmes ont pu subir des sévices sexuels lors de leur parcours : il importe d’ouvrir la question pour une éventuelle prise en charge spécifique ;
  • des pathologies ostéo-articulaires post-traumatiques plus ou moins anciennes et qui n’ont pas été traitées ;
  • les pathologies dentaires ;
  • les carences (dénutrition protéique, anémie ferriprive, perte de poids).
Même s’il n’y a pas de consensus, il semble judicieux que les migrants arrivés récemment en France (moins de 2 ans), selon leur pays d’origine, se voient proposer un bilan de dépistage comprenant un bilan de maladies sexuellement transmises (séro­logies VIH, VHC, AgHBs, Ac anti-HBs, Ac anti-HBc, TPHA) et une radiographie de thorax (dépistage de la tuber­culose-maladie), une bandelette urinaire (bilharziose).
S’il ne faut pas tomber dans une caricature malsaine, il faut cependant reconnaître que, parmi les migrants actuels, beaucoup vivent une grande détresse. Pour ceux-ci, une prise en charge spécifique, adaptée, par des professionnels instruits est nécessaire. Elle garantit non seulement la qualité du soin mais aussi son effectivité. Elle est, de plus, un facteur d’intégration.
La prise en charge médico-sociale des migrants en situation de vulnérabilité est un enjeu de santé publique en évitant la propagation de certaines infections, un enjeu humain et de société en mobilisant la solidarité et la fraternité des Français et leur capacité à s’adapter au nouveau monde, un enjeu éthique en questionnant l’égalité face aux soins.