Cosmopolites et très prolifiques, les mouches sont responsables de la propagation de nombreuses infections, soit comme simple transporteur, soit, plus rarement, de façon active à titre de vecteur. Mais la pathogénicité la plus fréquente est due aux larves de certaines mouches qui pondent leurs œufs au niveau de la peau, des cavités (yeux, nez) ou des organes profonds.

Les mouches, appartenant à l’ordre des diptères, peuvent être pathogènes pour l’homme à divers titres. Elles peuvent transporter bon nombre de germes pathogènes (bactéries, virus, parasites). Elles ne sont qu’exceptionnellement hôtes intermédiaires de parasites. Certaines sont vectrices de maladies, comme les glossines, transmettant les trypanosomoses, et les taons, la filaire Loa loa. Mais la pathogénicité la plus fréquente est due aux larves de certaines mouches qui se trouvent sous la peau ou dans les cavités naturelles comme les yeux, les oreilles ou le nez.

Simple transport de germes

Bien que non vectrices de maladies, au sens propre du terme, un certain nombre de mouches peuvent véhiculer, de façon passive, de très nombreux agents pathogènes (tableau).

Parmi la famille des Muscidae, dont il existe 66 espèces, les mouches domestiques, Musca domestica et Musca stabulans, cosmopolites, sont particulièrement abondantes et très prolifiques (environ 130 œufs par ponte). Les larves, en se développant dans les excréments de l’homme et des animaux, se localisent dans le fumier, les latrines, les eaux usées, les ordures et les organismes en décomposition. En contact fréquent avec l’homme, elles transportent de nombreux agents pathogènes par régurgitation, déjection, contact avec les pièces buccales et les pattes. Ces mouches ne sont pas hématophages, mais peuvent transporter les germes sur les coussinets ou les pulvilles, en allant des milieux contaminés (détritus, excréments) aux récipients de cuisine et aux aliments. Pénétrant en grand nombre dans les habitations, elles représentent donc un risque important pour la santé publique, par la propagation des maladies du péril fécal. La famille des Calliphoridae (Calliphora, Lucilia, Chrysomia) apprécie tout particulièrement les ordures ménagères et les cadavres d’animaux.

Les mouches piqueuses

Les glossines

Les glossines (fig. 1), ou mouches « tsé-tsé », dont les deux sexes sont hématophages, sont localisées en Afrique. Leur taille varie de 1 à 2 cm, et elles ont un aspect caractéristique au repos : trompe horizontale et ailes repliées en « ciseaux ». Deux espèces ont une importance médicale, car elles transmettent la trypanosomose humaine africaine ou « maladie du sommeil » (fig. 2).

  • Glossina palpalis, située en Afrique centrale et de l’Ouest, hydrophile, apprécie les endroits humides et les galeries forestières, et transmet Trypanosoma gambiense. Glossina tachinoïdes vit dans les savanes boisées et est vectrice de T. gambiense et surtout de trypanosomoses animales.
  • Glossina morsitans et Glossina pallidipes en Afrique de l’Est, xérophiles, vivent en savane et sont vectrices de T. rhodesiense, agent d’une trypanosomose humaine plus grave que celle due à T. gambiense, et de trypanosomes animaux ou « nagana », responsable de la mort de nombreux chevaux des équipes d’explorateurs.

Les taons

Il existe environ 4 000 espèces de tabanidés (fig. 3), ou mouches des chevaux, mesurant de 0,5 à 2,5 cm de long. Seules les femelles sont hématophages, et piquent les gros animaux et les hommes. Les taons interrompent souvent leur repas sanguin pour le reprendre sur un autre hôte, ce qui favorise la transmission des agents pathogènes. Les Chrysops, ou mouches des daims, sont attirées par l’activité humaine, piquent l’homme en mouvement pendant la journée et transmettent les filaires Loa loa, dont les microfilaires ont une périodicité diurne. La loase se manifeste par du prurit, des sillons sous-cutanés, un passage de la filaire sous la conjonctive et surtout un œdème fugace et migrateur (fig. 4).

Hôtes intermédiaires

Il faut signaler le rôle d’hôte intermédiaire pour quelques nématodes rares (Thelazia). Les Thelazia, localisés surtout en Asie et en Amérique, sont des nématodes parasitant l’œil des chiens et des léporidés. Les mouches (Musca domestica) aspirent les sécrétions lacrymales de ces hôtes définitifs avec les œufs de parasites. Ces larves deviennent adultes dans les culs-de-sac conjonctivaux et provoquent une sensation de « corps étranger », avec larmoiement et une conjonctivite pouvant évoluer vers l’ulcération cornéenne.

Myiases : zoonoses résultant de l’infestation par les larves

Les larves de mouches se nourrissent de tissus vivants ou nécrosés. Mais leur cycle chez l’homme est toujours avorté, et la larve, ne pouvant évoluer, sort spontanément. De très nombreuses espèces peuvent pondre leurs œufs directement sur un être vivant ou dans la nature et infestent les animaux et l’homme par leurs larves. Ainsi, Œstrus ovis pond environ 500 larves dans les narines des ovins. Gasterophilus pond 150 à 2 000 œufs sur le poil des équidés, les larves étant ensuite localisées dans le tube digestif. Hypoderma pond 300 à 800 œufs qui creusent autant de cavités pour se loger dans les tissus sous-cutanés du bétail. Dermatobia pond environ 1 000 œufs sur des insectes et les larves passeront ensuite sur de nombreux animaux domestiques et sauvages et chez l’homme.

Les larves peuvent se localiser sous la peau (myiases cutanées), dans les orifices naturels (nez, yeux, oreilles) ou plus rarement dans les organes internes.

Myiases des plaies

En zone tropicale, l’odeur des plaies mal nettoyées et sans protection attire les mouches qui pondent à cet endroit, entraînant le développement des larves in situ. Il s’agit de Calliphora hominivorax, de Chrysomia ou Cochliomyia en zone chaude, et de Calliphora, Sarcophaga, Wohlfartia et Lucilia en zone tempérée. Souvent, des terrains particuliers sont associés : absence d’hygiène et alcoolisme.

Les larves de Lucilia, se nourrissant de tissus nécrosés, étaient utilisées autrefois sur les plaies pour les déterger, en particulier pendant les guerres napoléoniennes, ayant entraîné le surnom de « Baron asticot » donné au Baron Larrey, chirurgien en chef de la Grande Armée de Napoléeon, qui utilisait souvent cette méthode. Des chirurgiens de Californie (School of Medicine, Irvine) ont mis en route un élevage de mouches qu’ils fournissent volontiers sur demande.

Myiases cutanées

Ces myiases furonculeuses se manifestent comme une lésion érythémateuse centrée par une zone blanche évoquant un furoncle, et provoquant une douleur pulsatile. Il s’agit, en fait de la larve qui affleure sous la peau. Plusieurs espèces de mouches peuvent provoquer une telle lésion :

  • Cordylobia anthrophaga (appelée aussi « ver de Cayor ») : fréquente en Afrique et localisée souvent au niveau du dos ou des membres inférieurs ;
  • Dermatobia hominis (appelé aussi « ver macaque ») : retrouvée en Amérique ; la mouche adulte pond ses œufs sur le sol ou le linge, et les larves traversent la peau à l’occasion du contact de la peau avec le sol ou le linge non repassé (la chaleur détruit les œufs).

Myiases rampantes

Elles sont provoquées par les larves de Gasterophilus et d’Hypoderma qui, en migrant sous la peau, provoquent un cordon érythémateux douloureux et peuvent vivre plusieurs semaines. Elles se manifestent par du prurit et des tuméfactions cutanées d’où va sortir la larve (fig. 5).

Myiases des orifices naturels

Les mouches pondent parfois près des offices naturels, provoquant une pathologie locale, au niveau de la cavité buccale, mais plus souvent des yeux, des oreilles et du nez. Certaines peuvent provoquer des délabrements importants, comme celles dues aux « vers à vis », Cochliomyia hominivorax en Amérique et Chrysomia bezziana en Afrique et en Asie.

Les nasomyiases, dues aux espèces Œstrus, Rhinoestrus, Chrysomia, Cochliomyia, ou encore Calliphora, pondent près des fosses nasales. Les patients se plaignent de prurit nasal, de douleurs locales, de céphalées et d’éternuements.

Les oculomyiases sont dues à Hypoderma, Gasterophilius, Œstrus, Rhinoestrus, Dermatobia, Sarcophaga ou Wolhfahrtia. Les larves, parfois pondues en vol par les mouches et tombant dans l’œil, peuvent se localiser dans la paupière, sous la conjonctivite ou encore dans le globe oculaire. Elles se manifestent par une sensation de « corps étranger » dans l’œil, une conjonctivite et une baisse de l’acuité visuelle. Une vitrectomie ou une énucléation est parfois nécessaire.

Les auriculomyiases dues à Œstrus et Rhinoestrus sont plus rares, et se développent sur des lésions préexistantes du conduit auditif. Elles provoquent des douleurs locales à type d’otite avec des aspects furonculoïdes et peuvent perforer le tympan, envahir les cellules mastoïdiennes et le cerveau. Les localisations ORL des myiases sont particulièrement fréquentes chez l’enfant.

Myiases profondes

Les localisations respiratoires sont rares, dues à l’inhalation accidentelle de larves et peuvent provoquer des troubles modérés (toux, dyspnée). Les myiases du tube digestif sont rares, car les larves ingérées avec des légumes crus sont habituellement digérées par les sucs digestifs. Les myiases génito-urinaires sont dues à la ponte de Musca, Calliphora ou Fannia près du méat urinaire et peuvent aboutir, au maximum, à une nécrose du gland, les larves étant éliminées avec les urines.

L’hypodermose due à Hypoderma bovis et Hypoderma lineatum est fréquente dans les régions tempérées, y compris en France. La mouche pond les œufs sur le poil des animaux. Après éclosion, la larve est avalée par les animaux qui se lèchent, ou alors traverse directement le tégument et migre dans l’organisme pendant plusieurs semaines, avant de venir se localiser sous la peau. Elle forme un nodule sous-cutané et perfore la peau, sort et tombe sur le sol pour poursuivre son cycle. La lésion provoquée sur la peau, ou « varron », rend la peau des animaux infestés inutilisable pour le cuir.

Chez l’homme, la maladie est rare et atteint essentiellement les enfants en milieu rural pendant l’été. L’infestation se manifeste par des œdèmes cutanés fugaces et mobiles, érythème et prurit surtout au niveau de la tête et du tronc, avec parfois des arthralgies, de la fièvre et une asthénie. Les larves peuvent migrer dans les chambres de l’œil ou le système nerveux, responsables d’une méningite à éosinophiles.

Diagnostic et traitement

Le diagnostic des myiases nécessite l’identification de la larve après extraction. Les larves de mouches ont une forme d’asticot, conique ou cylindrique avec une extrémité antérieure pourvue de crochets buccaux chitineux et une extrémité postérieure tronquée portant les stigmates respiratoires dont l’aspect est caractéristique de chaque espèce (fig. 6).

La prévention repose sur l’amélioration de l’hygiène, le repassage systématique du linge de corps (la chaleur détruit les larves), le nettoyage systématique et la protection des plaies. La lutte biologique par le lâcher de mâles stériles est très complexe.

Qu’en retenir ?

Les mouches sont responsables de la dissémination des agents pathogènes les plus variés. Leur rôle comme hôte intermédiaire est assez réduit. Mais la pathogénicité due aux larves est fréquente, surtout au niveau de la peau mais parfois aussi au niveau des organes profonds. Aussi, la protection des aliments, la destruction des détritus et la lutte contre la prolifération des mouches est un des éléments d’amélioration de la santé publique.

D’après
Bourée P, Ensaf A. Éléments d’entomologie médicale.  Ed Ellipses, Paris,2022 ;240p.

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