Cette étude de cohorte sur plus de 12 millions d’adultes (> 40 ans) en Angleterre est la première à examiner sur une vaste population l’association continue entre l’IMC et la mortalité due au Covid au sein de groupes de différentes origines ethniques.
Les chercheurs ont croisé les données du recensement britannique de 2011 avec les dossiers médicaux électroniques du National Health Service et les données de mortalité pour les adultes en Angleterre pour la première année de la pandémie (janvier-décembre 2020). L’analyse a inclus 11 074 708 sujets blancs (dont 53,6 % femmes), 416 542 sujets noirs (dont 57,3 % femmes), 621 691 Asiatiques du Sud (dont 51,0 % femmes) et près de 500 000 sujets d’autres origines ethniques (non précisées).
Bien que l’IMC soit associé à une plus forte mortalité par Covid dans tous les sous-groupes étudiés, la comparaison entre ces groupes a montré que cette association apparaissait plus forte chez les sujets noirs, ceux originaires du Sud de l’Asie et ceux issus d’autres minorités vivant en Angleterre, et d’autant plus lorsque l’IMC était élevé.
En effet, pour un faible IMC (20 kg/m2), aucune différence majeure vis-à-vis du risque de mortalité liée au Covid-19 n’a été observée entre les groupes étudiés : par rapport aux personnes blanches, le hazard ratio était de 0,95 pour les personnes noires, de 1,13 pour les autres minorités et de 1,21 pour les populations sud-asiatiques. En revanche, pour un IMC de 40 kg/m2, ce risque passait respectivement à 1,74, 2,25 et 3,05 par rapport à celui des sujets blancs de même IMC. Enfin, comparé à une référence d’un IMC de 22,5 kg/m2 chez ces derniers, le risque relatif de mourir des suites du Covid pour un IMC de 40 kg/m2 était de 1,73 chez les Blancs, 3,01 chez les Noirs, 5,25 chez les Asiatiques du Sud.
En bref, le schéma de l’association entre l’IMC et la mortalité due au Covid-19 dans les différents groupes ethniques a permis de déceler un niveau de risque équivalent à des valeurs d’IMC différentes : par exemple, le risque de mourir du Covid pour un sujet blanc ayant un IMC de 40 kg/m2 apparaissait équivalent à celui observé à des valeurs d’IMC inférieures dans les autres groupes étudiés – 30,1 kg/m2 pour un sujet noir, 27,0 kg/m2 pour un sujet sud-asiatique et 32,2 kg/m2 pour un sujet d’une autre minorité ethnique.
Ces associations restaient similaires après ajustement pour des facteurs de confusion (facteurs de risque établis de sévérité de Covid, caractéristiques des foyers, degré de précarité et situation socioprofessionnelle pouvant influencer le degré d’exposition au virus…). Elles ne différaient pas selon les sexes, mais elles semblaient plus fortes – et les différences entre les groupes plus prononcées – chez les sujets âgés de moins de 70 ans.
Les raisons de ces différences restent inconnues : des études ont suggéré que certaines origines ethniques pouvaient être associées à une réponse inflammatoire innée plus forte, ce qui pourrait potentialiser l’effet des adipocytokines qui, chez les patients obèses, sont déjà associés à une réponse inflammatoire plus importante, augmentant ainsi le risque de Covid sévère. Toutefois, davantage de recherches dans ce domaine, notamment concernant des facteurs génétiques et épigénétiques, sont nécessaires pour comprendre ces interactions.
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Yates T, Summerfield A, Razieh C, et al. A population-based cohort study of obesity, ethnicity and COVID-19 mortality in 12.6 million adults in England.Nature Commun 2 février 2022.