Le trouble de la personnalité borderline est fréquent (environ 1 % de la population) et sévère. Il apparaît à l’adolescence ou au début de l’âge adulte et concerne le plus souvent les femmes.
Il se caractérise par des automutilations à répétition, un sentiment de vide intérieur, une humeur très instable et des difficultés relationnelles majeures. Au cœur du fonctionnement psychique, on retrouve une peur intense de l’abandon, de la dévalorisation, du rejet et un comportement impulsif avec conduites de mise en danger (conduites sexuelles à risque, prises de toxiques, équivalents suicidaires, etc.).
Les personnes avec trouble de la personnalité borderline ont souvent subi des traumatismes, notamment des violences sexuelles, abus émotionnels, abus physiques, négligence. L’état de stress post-traumatique est ainsi un diagnostic différentiel fréquemment envisagé.1

Rôle primordial du médecin généraliste

Le médecin généraliste occupe une place absolument centrale dans le dispositif d’accès aux soins : par une prise en charge somatique de qualité, d’une part, et par le repérage des signes de trouble de la personnalité borderline, d’autre part.

Assurer un suivi somatique optimal

Les patients atteints de trouble de la personnalité borderline sont souvent décrits comme « difficiles », « manipulateurs », « perturbateurs », voire comme « les patients les plus difficiles à soigner ».2
Parmi les défis que rencontre le médecin généraliste avec ces patients prédomine celui de pouvoir leur assurer l’accès à des soins médicaux courants d’aussi bonne qualité que pour n’importe quel autre patient. Or ce n’est – hélas ! – pas toujours le cas, la stigmatisation médicale liée à la maladie mentale étant une réalité bien documentée.3
Par ailleurs, du fait même de leur trouble de la personnalité, ces patients ont fréquemment des difficultés relationnelles avec le corps médical. Ils nécessitent donc d’être accompagnés avec beaucoup de patience, de bienveillance et d’empathie.4

Écouter et orienter

Lorsque des signes de trouble de la personnalité borderline sont repérés, le médecin généraliste donne les bons conseils d’orientation et, en particulier, conduit vers une première rencontre avec le psychiatre. La précocité de l’inter­vention thérapeutique est un facteur pronostique majeur.
Les douleurs sans substrat organique sont un motif très fréquent de consultation chez ces patients. Il faut savoir entendre la souffrance psychique sous-jacente et y apporter une réponse adaptée : le patient ne doit pas avoir l’impression d’être discrédité et de ne pas être pris au sérieux, ce qui enclencherait des mécanismes d’abandon et de colère.
Une autre raison fréquente de consultation en médecine générale est l’émergence d’un comportement suicidaire ou autodestructeur. Ce sont des situations dans lesquelles il faut savoir prendre le temps d’écouter, et se centrer d’abord sur la personne et sa détresse sous-jacente, plus que sur le diagnostic, les soins somatiques ou une proposition d’hospitalisation. Ces prises en charge risquent en effet d’être refusées si le patient se sent initialement incompris et rejeté. C’est seulement lorsque le lien de confiance est établi qu’il devient bien plus aisé de proposer les soins adaptés (urgences psychiatriques, consultation avec un psychiatre, hospitalisation...).

Prise en charge spécialisée en psychiatrie

Malgré une sévérité pronostique importante (le risque suicidaire du trouble de la personnalité borderline est l’un des plus élevés des troubles psychiatriques), la majorité des patients est relativement peu prise en charge en services psychiatriques spécialisés, et moins souvent que les patients atteints d’autres pathologies mentales.

Thérapies efficaces

Il existe pourtant des programmes psychothérapiques ayant fait la preuve de leur efficacité en termes d’evidence-based medicine. Il s’agit notamment des programmes de thérapies fondées sur la mentalisation et la thérapie comportementale dialectique (TCD).5
Concrètement, la TCD est une approche cognitivo-comportementale qui associe des stratégies d’acceptation et de communication ainsi que des techniques de méditation en pleine conscience.6 Les objectifs de la TCD sont d’améliorer l’estime de soi, d’apprendre à mieux réguler les émotions négatives, à sup­primer les comportements problé­matiques et à acquérir de meilleures compétences sociales.

Traitements médicamenteux : une place annexe

Bien qu’aucune molécule n’ait pour l’instant montré son efficacité globale sur le trouble de la personnalité borderline ni obtenu d’autorisation de mise sur le marché, les patients en situation de crises aiguës (angoisse d’abandon, comportements autodestructeurs, crises de colère et de rage, idéation suicidaire…) peuvent bénéficier de l’utilisation temporaire de petites doses d’antipsychotiques atypiques.7
En parallèle de ce traitement, les comorbi­dités fréquentes (dépression majeure, troubles anxieux, bipolarité, etc.) doivent bénéficier d’une prise en charge spécifique.
Encadre

Conseils pratiques pour le médecin généraliste face au patient atteint de trouble de la personnalité borderline

– Le mode relationnel des patients atteints de trouble de la personnalité borderline se caractérise par l’oscillation entre l’idéalisation excessive et la dévalorisation excessive. Vous serez donc le meilleur médecin du monde à certains moments, le pire à d’autres. Il est sage de ne pas sur-réagir à cet « effet yoyo » qui peut être très déstabilisant. Il suffit parfois de laisser passer quelques heures ou quelques jours pour que la tempête s’apaise.

– Ces patients ont une hypersensibilité au rejet et à la critique. Ils ont tendance à se mettre en colère et à développer des comportements autodestructeurs. Il s’agit d’être très prudent avec la formulation de critiques à leur encontre ; ils peuvent en effet très facilement les interpréter négativement et s’en sentir offensés et humiliés.

– La prise en charge nécessite beaucoup de calme et de patience. Être soutenant, bienveillant et attentionné est important, mais poser un cadre franc l’est tout autant. En effet, ces patients ont des besoins affectifs insatiables, testent les limites et mettent à rude épreuve leurs soignants. Il convient donc d’être clair avec soi-même et avec eux sur les limites éthiques (en particulier, ne jamais entrer dans un jeu de séduction, ne pas fixer d’objectifs irréalistes à la prise en charge, etc.) et organisationnelles (ne pas être joignable à toute heure du jour et de la nuit, 365 jours par an...).

– L’essentiel est d’établir un lien de qualité : faire preuve d’empathie, en gardant en tête que le patient est en grande souffrance et a sans doute vécu des expériences traumatiques. Même si le patient est difficile ou agressif, une attitude calme et bienveillante l’aidera à se calmer. Prendre le temps d’écouter la détresse sous-jacente est fondamental ; être honnête et transparent l’est tout autant : un lien collaboratif doit s’établir, la prise de décision doit être partagée avec le patient.

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Que dire à vos patients ?

– Le trouble de la personnalité borderline a tendance à s’atténuer au fil du temps.

– Il est important de consulter un psychiatre, si possible spécialisé dans le trouble de la personnalité borderline.

– De nombreuses associations spécialisées existent : Aforpel8, AAPEL9, Unafam10 et TPL-familles.11

– La lecture de certains ouvrages peut être conseillée pour mieux comprendre ce trouble.12,13

Références
1. MacIntosh HB, Godbout N, Dubash N. Borderline personality disorder: Disorder of trauma or personality, a review of the empirical literature. Canadian Psychology/Psychologie canadienne 2015;56(2):227-41.
2. Gross R, Olfson M, Gameroff M, et al. Borderline Personality Disorder in Primary Care. Arch Intern Med 2002;162(1):53-60.
3. Wallace JE. Mental health and stigma in the medical profession. Health 2012;16(1):3-18.
4. Aviram RB, Brodsky BS, Stanley B. Borderline personality disorder, stigma, and treatment implications. Harv Rev Psychiatry 2006;14(5):249-56.
5. Cristea IA, Gentili C, Cotet CD, et al. Efficacy of Psychotherapies for Borderline Personality Disorder: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Psychiatry 2017;74(4):319-28.
6. Linehan MM. Dialectical behavior therapy for borderline personality disorder. Theory and method. Bull Menninger Clin 1987;51(3):261-76.
7. Lieb K, Völlm B, Rücker G, et al. Pharmacotherapy for borderline personality disorder: Cochrane systematic review of randomised trials. Br J Psychiatry 2010;196(1):4-12.
8. https://www.aforpel.org
9. https://aapel.org
10. https://www.unafam.org/troubles-borderline
11. https://tpl-familles.org
12. Beaudoin M, Nantas P. Faire face au trouble de la personnalité borderline. Paris: Ellipses, 2021.
13. Ducasse D, Brand-Arpon V. Borderline. Cahier pratique de thérapie à domicile. Paris: Odile Jacob, 2017.

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essentiel

Le trouble de la personnalité borderline, fréquent et sévère, nécessite une prise en charge psychiatrique spécifique, la plus précoce possible.

Il existe des programmes psychothérapeutiques efficaces, comme la thérapie comportementale dialectique.

Le médecin généraliste joue un double rôle dans la prise en charge : il repère/oriente le patient et il lui assure des soins somatiques optimaux.

Les relations médecin-patient peuvent être complexes. Il s’agit de rester calme, bienveillant et empathique avec ces patients en grande souffrance, tout en posant un cadre clair.