L’arrivée des vaccins anti-Covid-19 à ARN en 2020 ne doit pas occulter le fait que sont disponibles depuis plusieurs années des traitements à base d’ARN interférents (ARNi) [ARN dont l’interférence avec un ARN spécifique conduit à sa dégradation et à sa traduction en protéine] ou d’oligonucléotides antisens dans un certain nombre de maladies rares de pronostic très sombre. Trois médicaments à base d’ARNi sont actuellement disponibles en France : le patisiran (Onpattro) dans le traitement de l’amylose à transthyrétine, le givosiran (Givlaari) dans le traitement de la porphyrie hépatique aiguë et le lumasiran (Oxlumo) dans le traitement de l’hyperoxalurie primitive de type 1. L’inclisiran (Leqvio), dans le traitement de l’hyperchylomicronémie familiale, a obtenu une AMM européenne en 2020 et n’est pas encore évalué par la HAS. Trois oligonucléotides antisens sont actuellement disponibles : le nusinersen (Spinraza) dans le traitement de l’amyotrophie spinale 5q, l’inotersen (Tegsedi) dans le traitement de la polyneuropathie de stade 1 ou 2, et le volanesorsen (Waylivra) dans l’hyperchylomicronémie familiale et à risque de pancréatite aiguë. Enfin, on peut signaler le cas singulier de l’eteplirsen dans la dystrophie musculaire de Duchenne dont l’AMM a été refusée en Europe en 2018 en raison de son inefficacité mais qui dispose d’une AMM aux États-Unis depuis 2016. Il en est de même du mipomersen dans l’hypercholestérolémie, refusé par l’Europe en raison de ses effets indésirables graves.Si leurs performances, à l’inverse de celles des vaccins, ne sont pour l’instant qualifiées que de progrès thérapeutiques modérés et de performances modestes dans les stratégies thérapeutiques de ces maladies, il convient de considérer que leur évaluation initiale a été pénalisée par un certain nombre de facteurs défavorables : essais de petits effectifs, modalités thérapeutiques (doses utilisées non optimales, rythme d’administration, durée du traitement continu ou à vie), coûts élevés, manque de recul et surtout choix du moment de l’instauration du traitement dans le cours de la maladie qui doit être très précoce. Ce choix n’est pas anodin car il est malaisé de penser que les produits utilisés puissent être efficaces après l’installation de lésions constituées irréversibles. Un dépistage génétique est une piste à saisir dans l’intérêt des patients. Dans un contexte concurrentiel des innovations thérapeutiques, les traitements par ARN interférents et oligonucléotides antisens devront compter avec les thérapies géniques et l’édition du génome par la technique CRISPR-Cas 9.

Gilles Bouvenot, professeur émérite à la faculté de médecine de Marseille, membre de l’Académie nationale de médecine, France

28 juin 2022