Véritable défi pour le praticien, un exanthème peut être la conséquence d’une affection banale d’évolution simple mais aussi nécessiter une prise en charge urgente. Signes pour s’orienter, pièges, drapeaux rouges, bilans à réaliser dans cette fiche richement illustrée.

L’exanthème peut intéresser l’intégralité du tégument ou une partie seulement ; il peut s’accompagner d’une atteinte muqueuse (« énanthème ») ainsi que de signes généraux.

Chez l’enfant, les causes sont surtout infectieuses, virales notamment ; viennent ensuite les origines inflammatoires (syndrome de Kawasaki) et médicamenteuses. Chez l’adulte, les principales causes sont les médicaments, le VIH et la syphilis (tableau 1). 

Orientent vers une cause virale : notion de contage, fièvre associée, polyadénopathie, signes associés (pharyngite, splénomégalie, etc.), énanthème. Plaident en faveur d’une cause médicamenteuse : notion d’introduction médicamenteuse une dizaine de jours auparavant, association avec un prurit, hyper­éosinophilie et caractère polymorphe de l’éruption.

On distingue trois formes cliniques (tableau 2) :

  • morbilliforme : maculopapules érythémateuses pouvant confluer en plaques avec des intervalles de peau saine (fig. 1) ;
  • roséoliforme : macules rosées séparées les unes des autres par des intervalles de peau saine ;
  • scarlatiniforme : plaques érythémateuses sans intervalle de peau saine, prédominant dans les plis avec desquamation secondaire (fig. 2).

Exanthèmes morbilliformes

Mégalérythème épidémique à parvovirus B19 ou cinquième maladie

Cette infection virale survient classiquement chez l’enfant de 5 à 15 ans. La transmission se fait par voie respiratoire. Après une incubation de 14 jours, l’exanthème débute au visage, avec un aspect souffleté des joues caractéristique (fig. 3), suivi, 24 h plus tard, d’une éruption du tronc à bords émiettés, parfois associée à un érythème ou à un purpura en gants et chaussettes.

L’éruption régresse en 10 à 15 jours. Des résurgences sont possibles en cas d’exposition solaire, d’exercice physique, de bain ou de changement de température. Les signes généraux sont discrets.

Les complications sont principalement hématologiques (crise érythroblastopénique ou cytopénies prolongées), et fœtales en cas de transmission à une femme enceinte (anasarque fœtoplacentaire).

Le syndrome du « bébé rouge » se caractérise par une fièvre élevée et un érythème généralisé touchant l’intégralité de la peau, avec œdème et sensibilité ; la régression est spontanée en quelques jours.

Rougeole

Malgré la vaccination obligatoire, la recrudescence de cas de rougeole en Europe incite à la prudence. Ainsi, devant un exanthème morbilliforme, il faut toujours vérifier le statut vaccinal.

Due à un Morbillivirus, cette infection survient au printemps et à l’automne. La transmission se fait par voie aérienne (toux, éternuements et sécrétions nasales). Après une dizaine de jours d’incubation, elle débute par la triade toux, rhinite et conjonctivite, qui s’associe à une fièvre élevée et à un énanthème fugace (« signe de Köplik » : papules blanchâtres sur fond érythémateux au niveau de la muqueuse jugale). L’éruption cutanée survient 2 à 4 jours après, d’abord en rétro-auriculaire, à la lisière des cheveux et au niveau du front avec une diffusion crânio-­caudale (fig. 4). Les complications sont respiratoires (pneumonie), ORL (otite moyenne), digestives (diarrhée), neurologiques (encéphalites et panencéphalite sclérosante subaiguë survenant plusieurs années après l’éruption), cardiaques (myocardites) et ophtalmologiques (cécité). L’éviction scolaire est de 5 jours après le début de l’exanthème.

Mononucléose infectieuse

Infection due au virus d’Epstein-Barr, elle touche principalement les adolescents et les jeunes adultes. La transmission se fait via les gouttelettes de salive ou les sécrétions génitales. La durée d’incubation est de 4 à 6 semaines. Les signes associés sont la fièvre, une asthénie parfois handicapante, une angine érythémato-pultacée, des adénopathies cervicales et une splénomégalie. L’exanthème (morbilliforme, roséoliforme ou scarlatiniforme), inconstant en l’absence d’antibiothérapie, survient entre le 4e et le 15e jour de l’infection et atteint préférentiellement les membres et le tronc. Le bilan biologique met en évidence un syndrome mononucléosique : hyperlymphocytose associée à une augmentation du nombre de grands lymphocytes hyperbasophiles (plus de 10 %). Les complications sont rares : rupture splénique, méningo-encéphalite et agranulocytose.

Il faut connaître le « rash à l’ampicilline », qui survient quasi constamment en cas de prise concomitante d’amoxicilline et fait souvent conclure, à tort, à une allergie à cette molécule. Son aspect est assez polymorphe, plutôt maculo-papuleux.

Médicaments

L’exanthème maculo-papuleux est la forme la plus fréquente de toxidermie dans les 21 jours. Le tableau clinique est assez polymorphe, constitué de macules et de papules pouvant confluer, surtout au niveau du tronc. Une hyperéosinophilie peut être associée.

La prise en charge repose sur l’arrêt du médicament imputable et sur un traitement symptomatique. L’évolution est favorable en quelques jours, avec desquamation secondaire.

Attention à ne pas méconnaître les signes de gravité d’une toxidermie : atteinte muqueuse, étendue de l’éruption, présence d’un décollement cutané, œdème du visage, douleur cutanée, altération de l’état général et atteinte multisystémique (Drug Reaction With Eosinophilia And Systemic Symptoms, Syndrome, DRESS : fig. 5). Les molécules incriminées le plus souvent sont les antibiotiques et les antiépileptiques.

Exanthèmes roséoliformes

Roséole

Infection due à l’herpès virus humain (HHV) 6 ou 7, elle touche principalement les nourrissons. L’histoire clinique est caractéristique : après une incubation de 10 jours environ, survient une fièvre élevée associée à des adénopathies, un œdème palpébral et une toux.

Après 3 jours environ, la fièvre disparaît ; il apparaît alors un exanthème roséoliforme prédominant au niveau du visage, du tronc et du thorax avec extension secondaire vers les extrémités et survenue d’un énanthème maculeux du voile du palais. L’éruption disparaît en 48 h environ. Les complications sont rares, survenant plutôt chez l’immuno­déprimé. Il existe un risque de convulsions chez le nourrisson au moment de la phase fébrile.

Rubéole

Infection due au Togavirus, son incubation est de 14 à 21 jours. Les symptômes initiaux sont principalement une fièvre et des myalgies, suivi d’une éruption débutant au visage et se diffusant au reste du corps en une journée, parallèlement à la diminution de la fièvre. Les paumes, les plantes et le cuir chevelu sont épargnés. La résolution est spontanée en 72 h. Signes associés : macules rosées du palais mou et de l’oropharynx (taches de Forchheimer) et adénopathies douloureuses. Le risque est principalement fœtal, en cas de transmission avant la 18e SA. La vaccination est actuellement obligatoire chez l’enfant.

Virus de l’immunodéficience humaine 

Lors de la primo-infection survient une éruption prédominant au niveau du tronc avec une atteinte palmoplantaire possible et parfois associée à des ulcérations douloureuses buccales et génitales.

Syphilis secondaire ou roséole syphilitique

L’éruption dure de 7 à 10 jours et est constituée de macules rosées pâles situées principalement au niveau du tronc (fig. 6). Une atteinte des paumes et des plantes est possible. La régression spontanée est la règle.

Exanthèmes scarlatiniformes

Scarlatine

Infection due au streptocoque bêta-hémolytique du groupe A, son incubation dure entre 2 et 4 jours. La contagiosité est de 3 semaines en l’absence de traitement, de 48 h après l’introduction de l’antibiothérapie. La phase prééruptive se caractérise par l’apparition brutale d’une fièvre élevée associée à des douleurs pharyngées, des adénopathies et une angine rouge, puis des nausées/vomissements.

L’éruption débute un à deux jours après le début de la fièvre. Son extension est céphalo-caudale au niveau du tronc et des extrémités ; les paumes et les plantes sont épargnées. On observe une prédominance dans les grands plis, au niveau du périnée (en caleçon) ainsi qu’une desquamation secondaire en larges lambeaux et en doigts de gants (fig. 7).

L’énanthème est constitué d’un pharynx rouge écarlate, d’une langue saburrale avec desquamation secondaire à partir de la pointe (« langue framboisée », fig. 8).

Le diagnostic est confirmé par un prélèvement pharyngé identifiant la bactérie.

Le traitement consiste en une antibiothérapie par amoxicilline. L’éviction scolaire est obligatoire jusqu’à 2 jours après le début de l’antibiothérapie.

Maladie de Kawasaki

C’est une vascularite touchant les vaisseaux de moyen et gros calibre, de cause inconnue, touchant surtout les enfants de moins de 5 ans. À une fièvre de 5 jours ou plus avec altération de l’état général, les critères diagnostiques associent au moins quatre des symptômes suivants :

  • conjonctivite non purulente bilatérale avec œdème des paupières ;
  • atteinte de la muqueuse buccale (chéilite [fig. 9] et langue framboisée) ;
  • atteinte des extrémités (œdème, érythème, desquamation) ;
  • exanthème non spécifique (scarlatiniforme, morbilliforme ou érythème polymorphe), avec desquamation secondaire (fig. 10) ;
  • présence d’adénopathies.

Biologiquement, on retrouve un syndrome inflammatoire. La complication principale est coronarienne, avec formation d’anévrismes. La prise en charge est hospitalière. 

Épidermolyse aiguë staphylococcique

Cette affection (Staphylococcal Scalded Skin Syndrome, SSSS) est due à des toxines exfoliantes A (ETA1, ETA2) produites par Staphylococcus aureus. L’exanthème survient 3 jours après l’infection à S. aureus (cutanée ou plus rarement foyer profond), accompagné d’une altération de l’état général et de douleurs cutanées. L’atteinte prédomine initialement au niveau des grands plis et dans les régions périorificielles (fig. 11 et 12). Le signe de Nikolsky (décollement cutané lors d’une friction de la peau saine) est positif (fig. 13) et les bulles sont flasques.

Contrairement au syndrome de Lyell (toxidermie médicamenteuse bulleuse grave), il n’y a habituellement pas d’atteinte muqueuse. L’évolution est rapidement favorable sous antibiothérapie.

Scarlatine staphylococcique

Affection due à un staphylocoque sécréteur d’une toxine TSST1, son incubation est de 48 h environ. Contrairement à la scarlatine classique, l’angine est absente du tableau clinique. L’exanthème débute en zone périorificielle et dans les plis, puis évolue vers une desquamation. Le traitement est une antibiothérapie par oxacilline. L’éviction scolaire est indiquée jusqu’à 48 h après le début du traitement.

 Syndrome du choc staphylococcique

Il s’agit d’une forme sévère de scarlatine staphylococcique associant un début brutal avec fièvre, des signes digestifs et un état de choc avec risque de défaillance multiviscérale. L’éruption est associée à un œdème palmo­plantaire.

Quel bilan ?

Chez l’enfant, les exanthèmes sont principalement dus à des affections virales bénignes qui ne nécessitent pas de bilan systématique sauf dans quelques situations :

  • scarlatine : prélèvement pharyngé et hémogramme ;
  • syndrome de Kawasaki : hémogramme, échographie cardiaque, ECG ;
  • sérologie syphilis et VIH si suspicion (notamment chez l’adolescent).

Chez l’adulte, une sérologie syphilis et VIH est systématique devant tout type d’exanthème. Devant un exanthème scarlatiniforme, on complète le bilan avec un prélèvement de gorge.

En l’absence de cause évidente : hémogramme, ionogramme, bilan hépatique, sérologie du virus d’Epstein-Barr. Devant un signe clinique de gravité, on recherche une hyperéosinophilie (> 1 500/mm3), une insuffisance rénale et/ou hépatique.

Qu’en retenir ?

  • Devant une fièvre prolongée associée à un exanthème chez l’enfant, toujours évoquer la maladie de Kawasaki. 
  • En cas de décollement cutané, penser à un syndrome d’épidermolyse aiguë staphylococcique.
  • Devant un exanthème morbilliforme, vérifier la vaccination rougeole-oreillons-rubéole.
  • Ne pas méconnaitre une infection sexuellement transmissible, syphilis et VIH, chez l’adolescent et d’adulte. 
  • Toujours évoquer une toxidermie : interroger sur l’introduction de traitement dans les jours précédents.
  • La rougeole, la rubéole et l’infection par le VIH sont des pathologies à déclaration obligatoire.

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