La fièvre aphteuse est une maladie animale virale très contagieuse qui touche les artiodactyles (mammifères ongulés possédant un nombre pair de doigts) domestiques et sauvages (principalement les bovins, ovins, caprins, porcins, camélidés et cervidés). Cette maladie est provoquée par le virus de la fièvre aphteuse qui se réplique et se dissémine d’une manière extrêmement rapide. La fièvre aphteuse, menace importante dans le domaine de la santé animale, est inscrite sur la liste des maladies animales infectieuses prioritaires car extrêmement contagieuse, elle peut causer des pertes économiques considérables si elle gagne un grand nombre de troupeaux d’une région ou d’un pays. En France la fièvre aphteuse fait partie du groupe très fermé des dangers sanitaires de catégorie 1 soumis à des mesures réglementaires strictes et notamment au plan national d’intervention sanitaire d’urgence.
Le virus de la fièvre aphteuse appartient au genre Aphthovirus dans la famille Picornaviridae. C’est un virus non enveloppé à capside icosaédrique, possédant un génome à ARN simple brin de polarité positive d’environ 8 500 nucléotides.4 Sept sérotypes immunologiquement distincts ont été identifiés jusqu’à présent (A, O, C, Asia 1, et SAT-1, 2 et 3), et plusieurs sous-types au sein de chaque sérotype.10 Aucune protection croisée n’est observée entre les 7 sérotypes.

Quels signes de la maladie ?

La fièvre aphteuse est considérée comme l’une des ­maladies les plus importantes chez les animaux à sabots fendus, domestiques ou sauvages. Elle affecte principalement les bovins, porcins, caprins, ovins, camélidés et environ 70 espèces de la faune sauvage.5 Elle se caractérise par un faible taux de mortalité et de létalité, mais par un taux de morbidité très élevé. Toutefois, le taux de létalité peut être élevé chez les jeunes animaux, qui peuvent mourir de myocardite, et chez les femelles gestantes qui peuvent avorter.
Chez les bovins, la maladie se caractérise par une hyperthermie (souvent supérieure à 40 °C), une perte d’appétit avec arrêt de la rumination et, pour les vaches en lactation, par une diminution importante de la production de lait. S’ensuit l’apparition d’aphtes, surtout au niveau de la bouche et des onglons. En 2 ou 3 jours, ces aphtes se rompent, causant des lésions (fig. 1A, B et D).
Ces lésions au niveau de la bouche entraînent une hypersalivation qui se traduit par des animaux qui « bavent » (fig. 1C). Au niveau des onglons, les lésions donnent lieu à d’importantes suppurations et à des douleurs aiguës responsables de boiteries. Des aphtes sont aussi présents au niveau des mamelles chez les femelles infectées, rendant l’allaitement des veaux difficile (fig. 1E). La rupture des vésicules prédispose les animaux aux surinfections bactériennes, pouvant ainsi compliquer et prolonger le processus de leur rétablissement.
Chez le porc, les signes précoces sont aussi une perte d’appétit, de la fièvre, suivis de l’apparition d’aphtes au niveau de la bouche, mais aussi une boiterie aiguë causée par la formation de vésicules au niveau des onglons. Les lésions au niveau des pieds sont souvent plus sévères que celles observées chez les bovins et des complications avec détachement du sabot et surinfection pouvant ­causer des arthrites purulentes sont parfois observées.
Les signes cliniques chez les ovins et les caprins sont moins sévères et peuvent passer inaperçus, ce qui représente un facteur de risque de propagation du virus de la fièvre aphteuse de façon insidieuse.

Comment se fait la transmission ?

Les animaux infectés sont la source principale de virus de la fièvre aphteuse. La contamination se fait par inhalation, par ingestion de matière contaminée ou par pénétration à partir d’un endothélium endommagé.6 Le virus est présent dans les tissus, les secrétions et excrétions des animaux infectés jusqu’à 4 jours avant l’apparition des signes cliniques. L’infection se fait principalement par inhalation.6 Parmi les espèces ­d’animaux domestiques sensibles à la fièvre aphteuse (ruminants et porcins), les porcins sont ceux qui excrètent des quantités plus importantes de ce virus dans l’air. Les ruminants excrètent de plus faibles quantités de virus dans l’air, mais contrairement aux porcins, sont très sensibles à l’infection par voie respiratoire.
Le virus peut persister au niveau du pharynx après guérison chez les bovins, les ovins, les caprins mais aussi chez des espèces sauvages comme le buffle.

Plus de100 pays touchés

La maladie a été présente dans presque toutes les parties du monde à l’exception de la Nouvelle-Zélande, et la maladie est actuellement enzootique en Afrique, en Asie, au Proche-Orient, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud. Plus de 100 pays sont encore touchés ­actuellement par la fièvre aphteuse (fig. 2).
Les pays indemnes de fièvre aphteuse ont mis en place un certain nombre de mesures pour conserver leur statut en raison des lourdes pertes économiques résultant de cette maladie.
Dans l’Union européenne, grâce à la mise en œuvre d’une vaccination généralisée et obligatoire couplée à des mesures drastiques d’élimination d’animaux dans les foyers d’infection, le virus fut éradiqué à partir de 1991. Depuis cette date, seuls quelques foyers sporadiques ont été rapportés.
En 2001, le virus de sérotype O a été introduit au Royaume-Uni où il a causé une épizootie majeure qui s’est ensuite propagée en Irlande, en France (2 foyers) et aux Pays-Bas. Le Royaume-Uni était alors indemne de fièvre aphteuse depuis 1981.7 L’épizootie de 2001 a été contrôlée à l’aide d’une politique d’abattage sanitaire stricte (sans recours à la vaccination) au terme de laquelle environ 6,5 millions d’animaux infectés ou ayant été en contact avec des animaux infectés ont été abattus. Les pertes ­économiques dues à cette épizootie ont été estimées entre 12,3 et 13,8 milliards de dollars américains.7
Dans les pays qui appliquent des abattages préventifs (comme la France), lors d’une épizootie de fièvre aphteuse, les animaux originaires d’un pays infecté et importés récemment et les animaux autochtones qui ont été à leur contact sont détruits, avec ou sans symptômes. Ainsi, en 2001, les foyers se sont limités à 2 en France grâce aux mesures rapides et vigoureuses qui ont été prises.8 Aux Pays-Bas, 26 foyers de fièvre aphteuse ont été comptabilisés.
Un autre foyer de fièvre aphteuse a frappé le Royaume-Uni en 2007 et il a été identifié plus tard que la maladie était due au virus échappé des installations confinées du site de Pirbright.
La Bulgarie a connu une épizootie de fièvre aphteuse de janvier à avril 2011 où le premier cas a été détecté chez un sanglier ayant des lésions de fièvre aphteuse d’environ 14 jours au niveau des onglons. Le pays était resté indemne de fièvre aphteuse durant 14 ans depuis son dernier foyer en 1996. Une politique d’abattage a été appliquée. Aucun nouveau cas de fièvre aphteuse n’ayant été détecté après avril 2011, le pays a été déclaré indemne de la maladie en juillet 2011.

Intérêt de la vaccination

En Europe, le virus de la fièvre aphteuse circulait de façon enzootique. Ainsi, en France, en 1957, plus de 99 000 foyers avaient été recensés.9 La maladie constituait un véritable fléau pour l’élevage.
Une politique de vaccination obligatoire et généralisée a été mise en œuvre en France dès 1962 puis à l’échelon européen.
Ainsi, tous les ans, tous les bovins domestiques français de plus de six mois (environ 20 millions d’animaux) était vaccinés par un vétérinaire avec un vaccin inactivé contenant les valences 0, A et C.
En 1991, compte tenu de l’absence de détection de virus circulant, la vaccination fut arrêtée. Depuis cette date, la France possède un statut de pays indemne de fièvre aphteuse (à l’exception d’une introduction ponctuelle en 2001 d’un virus provenant d’Angleterre).

Un succès

À l’heure où il est de bon ton de remettre en cause les effets de la vaccination, la fièvre aphteuse constitue, dans le domaine vétérinaire, un bel exemple de l’intérêt de la mise en œuvre d’une prophylaxie médicale (complétée par des mesures sanitaires en cas de foyer, et de mesures sanitaires de biosécurité aux frontières) en vue de l’éradication d’un virus dans un pays donné (voire dans une région du monde – l’Union européenne –). Les réticences ont été nombreuses mais force est de constater que ce virus qui circulait à grande échelle et induisait tous les ans des pertes économiques majeures a pu être maîtrisé grâce à une politique vaccinale rigoureuse, collective et obligatoire. 
Encadre

Rappel historique

La première description écrite de la fièvre aphteuse a été faite par Hieronymus Fracastorius,1 à Venise en 1546, qui décrivait une maladie très contagieuse touchant principalement les bovins. En 1897, Loeffler et Frosch2 ont démontré que c’était un agent filtrable qui pouvait causer la fièvre aphteuse. En 1922, un grand progrès est réalisé lorsque Vallée et Carré3 prouvent qu’il y a plusieurs types antigéniques de ce virus, expliquant ainsi la possibilité d’infections successives chez un même animal.

Références
1. Fracastoro Girolamo. Liber unus, de sympathia & antipathia rerum. Item, De contagione & contagiosis morbis, & eorum curatione, lib. Iii. Lyon : Joan Tornaecsium et Guil. Gazeium, 1554.
2. Loeffler F, Frosh P. Summarischer bericht uber die regebnisse der untersuchunger zur erforschung der maul und klauenseuche. Zentbl bacterial parasitenkd Abt 1, 1897:257-259.
3. Vallée H, Carré H. Sur l’immunité anti-aphteuse. Rev Gén Méd Vét 1922;31:313.
4. Rueckert, RR. Picornaviridae: the viruses and their replication. In: Fields Virology. Edited by B. N. Fields, D. M. Knipe & P. M. Howley. Philadelphia: Lippincott–Raven, 1996:609-54.
5. Hedger RS. The isolation and characterization of foot-and-mouth disease virus from clinically normal herds of cattle in Botswana. J Hyg (Lond) 1968;66:27-36.
6. Alexandersen S, Zhang Z, Donaldson AI, Garland AJ. The pathogenesis and diagnosis of foot-and-mouth disease. J Comp Pathol 2003;129:1-36.
7. Knowles NJ, Samuel AR, Davies PR, Kitching RP, Donaldson AI. Outbreak of foot-and-mouth disease virus serotype O in the UK caused by a pandemic strain. Vet Rec 2001;148:258-9.
8. Chmitelin I, Moutou F. 2002. Foot and mouth disease: lessons to be learned from the experience of France. Rev Sci Tech 2002; 21:731-7, 723-30.
9. Fleckinger, R. Évolution commentée de la fièvre aphteuse en France (1919-1991). Bull Acad Vét de France 1992;65:339-54.

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Résumé

La fièvre aphteuse est une maladie animale virale très contagieuse qui touche les artiodactyles domestiques et sauvages (principalement les bovins, ovins, caprins, porcins, camélidés et cervidés). Avant les années 1980, l’Europe et en particulier la France connaissait des épizooties régulières avec un nombre annuel très élevé de foyers. Une politique de vaccination obligatoire a été mise en œuvre à l’échelon européen. Ainsi, tous les ans, la population française de bovins domestiques (environ 20 millions d’animaux) était vaccinée. En 1991, compte tenu de l’absence de détection de virus circulant, la vaccination fut arrêtée. Depuis cette date, la France a un statut de pays indemne de fièvre aphteuse (à l’exception d’une introduction ponctuelle en 2001 d’un virus provenant d’Angleterre). Cette lutte contre cette infection virale est donc un exemple indiscutable de réussite d’éradication de ce virus en France par l’utilisation de la vaccination.