Le quatrième Panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale est une enquête menée par la Direction de la recherche des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) auprès de 3 300 médecins généralistes libéraux ayant au moins 200 patients dont ils sont le médecin traitant.
La première vague d’enquête s’est déroulée entre octobre 2018 et avril 2019, par internet et par téléphone. L’échantillon des répondants est représentatif (sexe, âge, volume d’activité, exercice ou non dans une zone avec un faible accès aux soins de médecine générale…).
Cette analyse prend en compte les réponses de 2 991 médecins généralistes exerçant en France métropolitaine. Dans cet échantillon :
- 38 % exercent seuls ;
- 32 % en groupe monodisciplinaire, c’est-à-dire avec uniquement d’autres MG ;
- 12 % en maison de santé pluriprofessionnelle ;
- 18 % en groupe pluriprofessionnel (non MSP).
Pour étudier les liens entre la disponibilité des médecins et ces 4 modes d’exercice, ont été prises en compte : leurs caractéristiques sociodémographiques (âge, sexe, présence ou non d’enfants à charge de moins de 4 ans, installation ou non depuis moins de quatre ans en 2020, présence d’une activité secondaire en parallèle de l’activité libérale) et les caractéristiques locales de l’offre de soins (niveau d’accès de la population aux MG dans un territoire donné, proximité avec un service hospitalier d’urgence). Les analyses statistiques prenant en compte ces variables permettent de distinguer, dans les résultats, ce qui relève des modes d’exercice à proprement parler de ce qui relève des profils sociodémographiques et du contexte territorial d’exercice des médecins.
Exercice en groupe : davantage de refus de patients, pourquoi ?
Globalement, la moitié des médecins de l’échantillon déclarentêtre amenés à refuser d’être le médecin traitant de nouveaux patients.
À première vue, il semble exister des différences entre les modes d’exercice, puisque cela concerne 49 % des MG exerçant seuls, contre 59 % de ceux exerçant dans un groupe monodisciplinaire, 58 % de ceux exerçant dans un groupe pluriprofessionnel non MSP et 53 % de ceux exerçant en MSP.
Mais une analyse plus approfondie révèleque ces différences sont essentiellement liées aux profils des médecins eux-mêmes. En effet, les MG exerçant en groupe pluriprofessionnel sont à la fois :
- plus jeunes (or les MG de 30 à 40 ans sont plus nombreux à déclarer refuser des patients en tant que médecin traitant : 59 %, contre 51 % chez les 60 - 70 ans) ;
- et plus fréquemment installés dans des territoires sous-dotés (or, 63 % des MG exerçant dans ces zones déclarent refuser des nouveaux patients en tant que médecin traitant, contre 47 % dans les zones les mieux dotées).
Toutefois, même en prenant en compte ces variables, l’exercice en groupe monodisciplinaire reste associé à une probabilité 43 % plus élevée de refuser des nouveaux patients en tant que médecin traitant, par rapport à l’exercice en solo.
Des délais de RDV plus longs
L’allongement des délais de rendez-vous concerne 45 % des MG exerçant seuls, contre 63 % de ceux en groupe pluriprofessionnel non MSP, 61 % de ceux en MSP et 59 % de ceux en groupe monodisciplinaire.
Par ailleurs, le refus de patients occasionnels (c’est-à-dire dont ces MG ne sont pas le médecin traitant) concerne 37 % des MG exerçant seuls, contre 59 % de ceux en groupe pluriprofessionnel non MSP, 49 % de ceux en groupe monodisciplinaire et 47 % de ceux en MSP.
Mais, là encore, les profils de MG et le territoire d’exercice sont déterminants pour comprendre ces différences :
- les médecins les plus âgés, qui exercent plus fréquemment seuls, refusent moins souvent les patients occasionnels : 35 % des 60 ans ou plus, contre 61 % chez les moins de 39 ans ;
- ceux exerçant dans les territoires moins bien dotés en soins généralistes, où sont concentrés les médecins en groupepluriprofessionnel (MSP ou non), refusent plus fréquemment des patients occasionnels (57 %, contre 42 % de ceux exerçant dans les zones les plus dotées) et déclarent aussi plus souvent être amenés à augmenter leurs délais de rendez-vous.
Dans l’analyse « toutes choses égales par ailleurs », des différences de disponibilité persistent sur ces points entre les modes d’exercice. En effet, par rapport à l’exercice en solo, l’exercice en groupe monodisciplinaire et pluriprofessionnel non MSP est significativement associé à une probabilité plus élevée de refuser des patients occasionnels (respectivement + 36 % et + 106 %) et d’allonger les délais de rendez-vous (respectivement + 68 % et + 89 %). En revanche, la différence constatée pour les MG exerçant en MSP n’est pas considérée significative.
Plus armés pour répondre aux rendez-vous en urgence
Environ un tiers des MG exerçant en groupe (quel qu’il soit) déclarent être en mesure de prendre en charge systématiquement les demandes de soins non programmés (SNP, c’est-à-dire les demandes de consultations pour le jour même ou pour le lendemain) via une organisation individuelle comme la proposition de plages de consultations sans rendez-vous. Cette proportion est de 44 % pour les MG exerçant seuls.
Ces différences sont confirmées par les analyses « toutes choses égales par ailleurs » : par rapport à l’exercice en solo, l’exercice en groupe est associé à une diminution d’environ 35 % de la probabilité d’être organisé à titre individuel pour prendre en charge systématiquement des SNP.
Néanmoins, les médecins exerçant en groupe semblent plutôt s’appuyer sur une organisation collective pour répondre à ces demandes de SNP (49 % d’entre eux, tous types d’exercice en groupe confondus), par exemple par la prise en charge coordonnée avec les paramédicaux, l’embauche d’un remplaçant dédié aux SNP ou la formation du secrétariat à la régulation des urgences. Au total, 58 % des MG exerçant en groupe sont en mesure de proposer systématiquement une prise en charge des SNP, que ce soit grâce à une organisation individuelle ou collective.
De plus, par rapport à l’exercice en groupe monodisciplinaire, l’exercice en MSP est associé à une probabilité 64 % plus élevée d’être collectivement organisé, ce qui peut en partie s’expliquer par les exigences du cahier des charges des MSP sur ce point.
Quelles évolutions depuis le Covid ?
Si les résultats de cette étude concernent les années 2018 et 2019, quelques données issues de la réinterrogation de ce même échantillon de médecins entre janvier et avril 2022 (vague 6 du Panel) permet d’entrevoir l’évolution de ces indicateurs :
- il y a une hausse de la part de MGdevant refuser de nouveaux patients comme médecin traitant : ils sont deux tiers en 2022 contre la moitié en 2019. Cette évolution ne paraît pas associée à un mode d’exercice en particulier ;
- les pratiques des MG exerçant en MSP semblent toujours correspondre le plus à celles des médecins exerçant seuls, tant en matière de disponibilité envers les patients que de temps de travail hebdomadaire.