Une hypercholestérolémie familiale. Il n’est pas acceptable que des jeunes décèdent d’un infarctus par défaut d’un simple dosage du cholestérol.

Témoignages

« Mon fils, pourtant diagnostiqué à 10 ans, est mort à l’âge de 20 ans d’un infarctus. Il avait commencé un traitement vers l’âge de 17 ans. Ayant entrepris des études de médecine et ne se sentant pas malade, le traitement est devenu secondaire et il l’a arrêté. »
C’est par ces mots que Véronique Lemaître, présidente de l’Association nationale de patients touchés par l’hypercholestérolémie familiale (Aneth.f), commence son plaidoyer pour une meilleure connaissance et sensibilisation de tous à cette maladie.
Beaucoup de patients témoignent avoir souffert d’une errance médicale. Il y a dix ans, peu de médecins connaissaient la conduite à tenir et peu adressaient leurs patients à un endocrinologue ou un centre référent ou à un cardiologue, comme le montre ce témoignage d’une maman bien désemparée.

Témoignage de Marie, mère de 6 enfants

Mon mari est atteint d’hypercholestérolémie familiale. Lorsque mes enfants sont arrivés à l’adolescence, il m’a paru judicieux de contrôler leur taux de cholestérol. Je me suis trouvée confrontée à l’indifférence polie des médecins traitants qui ont fini par céder et faire une ordonnance de prise de sang. Sur quatre, deux des enfants avaient des taux trop élevés. Donc retour chez le médecin traitant. Et là, c’est le grand flou. Doit-on traiter ou non, avec quel type de médicament ? On sent un malaise devant le taux de cholestérol effectivement anormal et la question : propose-t-on ou non un traitement avec ce souci de savoir si, en traitant très jeune, on n’expose pas aux effets secondaires néfastes des médicaments existants ? Je suggère de trouver une consultation spécialisée dans un CHU près de chez moi. Parcours du combattant pour trouver le service concerné. Un rendez- vous est fixé. À la vue de mon grand gaillard de 16 ans, premier dilemme du médecin rencontré : doit-elle le considérer comme un enfant ou comme un adulte et dans quel protocole l’inclure ? Elle fait son choix et le verdict tombe : un régime alimentaire et rendez-vous dans 3 mois. J’explique que mon fils est interne et que ça va être compliqué, qu’on pourrait peut-être passer tout de suite à l’étape suivante... Je ne me sens pas entendue. Et j’abandonne finalement. Pour mon aîné, qui cumulait hypercholestérolémie et hypertension artérielle à la fin de ses années de « prépa », j’ai fini par prendre rendez-vous chez le cardiologue qui a conclu que tout allait bien pour le moment. C’est exactement le même genre de réponse que reçoit mon mari sous traitement anti-cholestérol quand, cédant à mes demandes, il va consulter un cardiologue.
Où est la médecine préventive dans tout cela ?

Un risque cardiovasculaire multiplié par 13

L’hypercholestérolémie familiale est une des maladies génétiques les plus fréquentes au monde. Elle se manifeste par une augmentation marquée du « mauvais » cholestérol circulant dans le sang dès la naissance : le cholestérol lié aux lipoprotéines de basse densité (LDL-cholestérol). Elle touche environ 270 000 personnes en France et se transmet sur un mode autosomique dominant conférant un risque sur deux de le transmettre à ses enfants ; si les deux parents sont atteints, il y a trois quarts de risque de la transmettre aux enfants. L’accumulation du LDL-cholestérol favorise le processus d’athérosclérose qui altère les parois des artères et favorise la survenue des événements cardiovasculaires (infarctus du myocarde, angine de poitrine, artérite des membres inférieurs, accident vasculaire cérébral...). Ceux-ci surviennent d’autant plus précocement que le niveau de LDL-cholestérol est élevé (> 1,90 g/L) et que s’y associent d’autres facteurs de risque cardiovasculaire tels que tabagisme, cannabisme, diabète, hypertension artérielle, obésité, stress... Ainsi, en l’absence de traitement, le risque de mourir d’une crise cardiaque avant 50 ans, dans cette maladie initialement silencieuse, est chez l’homme de 50 % et chez la femme avant 60 ans de 30 %.1
Le risque cardiovasculaire est multiplié par 13. En l’absence de traitement, l’état des artères d’un patient de 40 ans équivaut à celui d’une personne de 80 ans.

L’impact des traitements

Un traitement bien mené réduit la mortalité coronaire de 48 % en prévention primaire (sujets indemnes de tout événement) et de 37 % en prévention secondaire (sujets ayant déjà eu un événement cardiovasculaire). Sous statines, 10 % des patients ont des effets indésirables (crampes, douleurs articulaires…) pouvant justifier une adaptation voire un arrêt du traitement, sachant que d’autres médicaments existent (colestyramine, ézétimibe) et qu’ils peuvent être utilisés seuls ou associés aux statines.
Certaines formes rares (hypercholestérolémie familiale homozygote ou hétérozygote sévère non contrôlée par le traitement médicamenteux avec un LDL-cholestérol > 3 g/L en l’absence de maladie cardiovasculaire ou > 2 g/L avec maladie cardiovasculaire), peuvent justifier un traitement par LDL-aphérèse. Ce traitement lourd, de dernier recours, se fait en milieu hospitalier tous les 15 jours et permet l’épuration sanguine du LDL-cholestérol. Le contrôle des facteurs de risques associés s’ils existent est essentiel (sevrage tabagique et/ou cannabique, contrôle du diabète, de l’hypertension artérielle...) car l’association des facteurs de risque est multiplicative. De nouveaux médicaments (inhibiteur de PCSK9) sont commercialisés dans de nombreux pays, et sont réservés en France aux hypercholestérolémies familiales.*** 
* Voir aussi dans ce numéro page 1001 la mise au point « Hypercholes- térolémie familiale chez l’enfant et l’adolescent » ** Texte relu par le Dr Sophie Béliard, présidente du conseil scientifique d’Aneth.f.*** Pour les anticorps monoclonaux, v. article p. 1001.
Encadre

Une maladie méconnue qui veut sortir de l’ombre grâce à l’association de patients ANHET.F

La volonté de l’association est d’agrandir la communauté de patients afin de se faire entendre des instances de santé et de faire en sorte qu’ils ne connaissent plus l’errance médicale et qu’ils soient bien orientés dès la découverte de la maladie. , clame sa présidente, Véronique Lemaître, d’où l’importance d’informer le corps médical et d’aller à la recherche des 90 % des patients non diagnostiqués.

Informer, dépister, accompagner

L’association a entrepris un tour de France pour aller à la rencontre des patients. Elle est déjà allée dans de nombreuses villes comme Paris, Lyon, Rennes, Toulouse, Nantes, Lille, Reims.

Elle organise une journée nationale qui a eu lieu cette année à Marseille le 21 septembre 2019.


Deux objectifs

L’association se bat pour porter la voix du patient et se donne deux objectifs : faciliter l’accès aux nouveaux traitements et la mise en place d’un dépistage pédiatrique organisé et soutenu par les instances de santé et le corps médical.

Le dépistage pourrait être généralisé en profitant d’une visite obligatoire entre 3 et 9 ans pour faire un dosage du cholestérol. Il doit aussi être ciblé, en posant les questions : « Y a-t-il du cholestérol dans votre famille ? », « Y a-t-il eu des accidents cardiovasculaires chez un de vos parents, frères, sœurs, oncles ou tantes ? ». Une réponse positive à l’une de ces deux questions justifie la prescription d’un dosage du cholestérol.

Dans les deux situations, si le LDL-cholestérol est supérieur à 1,6 g/L, une enquête familiale peut commencer ainsi qu’une prise en charge approfondie de l’enfant (habitude alimentaire, antécédents, dépistage génétique…).


Propositions pour agir

Mettre en place une formation continue des professionnels de santé sur l’hypercholestérolémie familiale.

Informer les médecins traitants des risques d’une hypercholestérolémie familiale non diagnostiquée afin de les sensibiliser à un dépistage ciblé systématique, en cascade.

Encourager le dépistage afin d’améliorer la prise en charge et réduire les coûts sociétaux.

Intégrer la recherche de pathologies silencieuses dans le cadre d’une médecine préventive et prédictive.

Ajouter dans le carnet de santé à la page relative aux antécédents familiaux la mention de l’hypercholestérolémie familiale.

Identifier les patients à risque en remontant leur arbre généalogique.

Inciter les médecins à pratiquer des examens cliniques détaillés.

Privilégier pour le dépistage généralisé un dépistage biologique du fait de son rapport coût-efficacité reconnu.

Demander aux biologistes d’indiquer sur la feuille de résultats « Attention ! risque d’hypercholestérolémie familiale » en cas de LDL-cholestérol anormalement élevé.

Mettre en place une classification dans le programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI) qui permette d’identifier les patients atteints d’hypercholestérolémie familiale.

Reconnaître la consultation de prévention comme un acte médical, rémunéré à sa juste valeur.

Ajouter l’hypercholestérolémie familiale dans les rémunérations sur objectif de santé publique (ROSP).

Favoriser le développement du dossier médical personnel (DMP).

Développer l’accompagnement dans la durée des familles atteintes d’hypercholestérolémie familiale en leur proposant des consultations régulières tous les ans ou tous les deux ans.

S’engager dans la prévention en y consacrant plus de 10 % des dépenses de santé.

Référence
1. Mortality in treated heterozygous familial hypercholesterolaemia: implications for clinical management. Scientific Steering Committee on behalf of the Simon Broome Register Group. Atherosclerosis 1999;142:105-12.

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