Les patients âgés en situation critique sont de plus en plus nombreux dans les pays occidentaux et donc de plus en plus souvent admis dans les services de réanimation. Cela soulève des questions organisationnelles et éthiques concernant les critères d’admission et l’intensité des traitements actifs. Ainsi, la ventilation mécanique ou l’épuration extrarénale peuvent ne pas être débutées (limitation) ou arrêtées. Ces décisions sont regroupées sous le terme général de « limitation et arrêt des traitements » (LAT) avec des conséquences importantes sur la politique d’admission en réanimation, l’organisation des soins, la satisfaction de la famille et de l’équipe médicale.En cas de réponse défavorable au traitement de la défaillance d’organe, la décision de LAT est une option, d’autant que près de la moitié des patients âgés décèdent ou perdent leur autonomie fonctionnelle six mois après la sortie de réanimation. Par ailleurs, on estime que la proportion de patients très âgés admis en réanimation augmentera jusqu’à 30 % en 2050. Compte tenu de la mortalité élevée des personnes âgées en réanimation et des ressources limitées, la société sera confrontée à un défi concernant l’offre de soins, dont une des réponses serait une augmentation de la fréquence des LAT. Ces décisions posent des problèmes éthiques, religieux et culturels.Une mortalité plus élevée après décision de LAT peut toutefois être secondaire à la décision plus qu’à l’état intrinsèque du patient. Les médecins, pensant que le malade va décéder, limitent les traitements, ce qui induit le décès et la justification a posteriori de la décision de LAT. L’âge est l’un des facteurs utilisés par les cliniciens pour la prise de décision de LAT, mais la plupart des experts (77 %) sont en désaccord sur le fait qu’il soit utilisé comme seul critère. Les facteurs indépendants associés à la décision de LAT sont l’admission non programmée, la fragilité évaluée par la Clinical Frailty Scale (CFS), l’âge et la gravité de la pathologie.Par ailleurs, l’implication des patients et des familles dans le processus de décision doit être soulignée, et les directives anticipées doivent prévaloir sur toute autre opinion non médicale.À l’heure actuelle, lorsqu’un patient âgé est admis en réanimation, le traitement le plus approprié doit être administré. Si, lors de la prise de décision partagée, certains traitements comme la ventilation mécanique invasive sont jugés disproportionnés ou sont refusés par le patient, ils ne doivent pas être imposés. Dans cette situation, la planification d’une réanimation d’attente a émergé ces dernières années. Elle résulte d’un accord entre les cliniciens, le patient et sa famille pour définir l’intensité des traitements sur une période définie. Si l’état du patient s’améliore, le traitement est poursuivi. S’il se détériore, une décision de LAT est prise, avec pour objectif d’obtenir la fin de vie la plus apaisée possible. L’équipe de soins palliatifs peut être très utile à ce stade pour aider à la décision de LAT.
Bertrand Guidet, réanimation médicale, hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris, France.
14 février 2023