La surveillance épidémiologique au niveau national montre une recrudescence des IST mais elle ne renseigne pas sur le taux d’incidence de celles vues en MG, ni sur les profils des patients (sociodémographiques, pratiques sexuelles…). C’est chose faite, grâce à la nouvelle enquête du réseau Sentinelles, qui révèle des informations édifiantes.

Les diagnostics d’infections sexuellement transmissibles (IST) bactériennes augmentent ces dernières années en France, comme rapporté par les bulletins annuels de Santé publique France. Cette surveillance épidémiologique repose essentiellement sur le Système national des données de santé (SNDS) qui dénombre les dépistages remboursés par l’Assurance maladie – avec une information concernant seulement l’âge, le sexe et la région – et sur les données des Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH, des hépatites virales et des IST (CeGIDD), où la population n’est pas représentative de la population générale (personnes davantage éloignées du soin et exposées aux IST : jeunes, migrants…). Mais qu’en est-il des patients vus en médecine générale ?

Pour répondre à cette question, le réseau Sentinelles a mis en place, depuis janvier 2020, une surveillance des IST bactériennes diagnostiquées et prises en charge en MG (Chlamydia trachomatis , gonocoque et syphilis active). Les résultats de cette surveillance pour la période 2020 - 2022 viennent de paraître dans le BEH et permettent non seulement d’estimer les taux d’incidence de ces trois IST vues en MG, mais aussi de décrire précisément les caractéristiques des patients (sociodémographiques, pratiques et santé sexuelle…).

L’incidence de certaines IST a doublé depuis 2020

Au 1er janvier 2023, 1 234 médecins généralistes libéraux en France métropolitaine participaient à ce réseau, dont 685, 608 et 543 ont participé à la surveillance des IST respectivement en 2020, 2021 et 2022. Ils ont déclaré, dans cette période, 1 199 cas d’IST bactériennes : 883 diagnostics de Chlamydia , 293 de gonococcies et 111 de syphilis. Parmi ces cas, il y avait 85 co-infections, majoritairement Chlamydia-gonocoque.

Les taux d’incidence ont considérablement augmenté pour ces trois IST diagnostiquées en médecine générale entre 2020 et 2022 (v. figure). S’il a doublé pour les gonococcies et la syphilis (respectivement + 91 % et + 110 %), l’IST la plus fréquente restait le Chlamydia , avec une hausse de 16 % de l’incidence : 102 cas pour 100 000 habitants en 2022, contre 44/100 000 pour le gonocoque et 21/100 000 pour la syphilis.

Une augmentation de la part des dépistages (en l’absence de symptômes) parmi les motifs de prescription de l’examen biologique a été observée au cours de la période, pour chacune des trois IST (passant de 47 % à 57,2 % des cas diagnostiqués de Chlamydia, de 18,4 % à 35,3 % pour les gonococcies et de 32 % à 50 % pour la syphilis). Dans un quart à plus d’un tiers des cas (selon l’IST et le sexe), il s’agissait de dépistages à la suite d’une prise de risques ou dans le cadre du suivi de la PrEP.

Infections à Chlamydia trachomatis

Les femmes représentaient plus de la moitié (53,1 %) des cas diagnostiqués d’infection à Chlamydia. Celles d’âge compris entre 15 et 25 ans étaient les plus représentées : 33,1 % du total, suivies des hommes du même âge (21,1 %). Si les femmes hétérosexuelles étaient majoritaires sur toute la période (50 à 56 % selon les années ; seuls 1 à 2 % des cas concernant celles ayant des rapports sexuels avec des femmes [FSF]), la proportion d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) a presque triplé, passant de 6,9 % des cas à 18,4 %. Selon les auteurs, cette augmentation pourrait être en lien avec la hausse de patients HSH consultant pour suivi de PrEP en médecine générale.

Les antécédents d’IST au cours des 12 mois précédents concernaient 11,4 % des patients ; la séropositivité pour le VIH, 4,1 % ; la prise de PrEP dans les 3 mois précédents, 5,4 %. Le multipartenariat dans les 12 mois précédents concernait la moitié (49,1 %) des patients.

La localisation urogénitale était majoritaire dans les cas diagnostiqués (85,6 % des cas masculins et 98,9 % des cas féminins), beaucoup plus rarement anale (8,3 % et 0,4 % respectivement).

Infections à gonocoque

Les hommes représentaient 77,7 % des cas, en particulier ceux de 15 - 25 ans (22 % du total) et 30 - 39 ans (19,9 %). La proportion d’hommes hétérosexuels a diminué au cours de la période (de 45 % à 19,8 %) au profit des HSH dont la part dans les cas est passé de 28,4 % à 54,5 %. Cette augmentation pourrait être aussi en lien avec la hausse de patients HSH consultant pour suivi de PrEP en médecine générale. Les femmes hétérosexuelles étaient concernées dans 20 % à 25 % des cas selon les années – une minorité des cas seulement (2 à 3 %) touchant les FSF.

Les antécédents d’IST au cours des 12 mois précédents concernaient 20,8 % des patients ; la séropositivité pour le VIH, 9,5 % ; la prise de PrEP dans les 3 mois précédents, 25,3 %. Les trois quarts (74,5 %) des patients rapportaient avoir eu plus d’un partenaire dans les 12 mois précédents.

La localisation urogénitale était aussi majoritaire (68,8 % des cas masculins et 100 % des cas féminins), mais chez les hommes l’infection était également retrouvée en zone anale (12,1 %) et pharyngée (8,9 %).

Syphilis

La quasi-totalité des cas diagnostiqués étaient des hommes (90,1 %), en particulier au-delà de 30 ans (60 %), avec une prédominance des 50 ans et plus (22,5 %). Si les HSH restaient majoritaires sur toute la période (oscillant entre 71 % et 78 % des cas), la proportion de femmes hétérosexuelles a considérablement augmenté (de 0 en 2020 à 14,3 % en 2022).

Les antécédents d’IST au cours des 12 mois précédents concernaient 26,3 % des cas ; la séropositivité pour le VIH, 20,8 % ; la prise de PrEP dans les 3 mois précédents, 25,9 %. Plus de trois quarts (78,6 %) des patients rapportaient avoir eu plus d’un partenaire dans les 12 mois précédents.

La grande majorité (83,6 %) des cas étaient diagnostiqués à un stade de syphilis récente (< 1 an).

Qu’en retenir

Une tendance à l’augmentation du taux d’incidence des IST bactériennes est observée en médecine générale depuis 2020. Ces hausses restent toutefois difficiles à analyser en l’absence de données comparables antérieures à 2020. Par ailleurs, ces taux sous-estiment probablement l’incidence réelle car ils sont calculés uniquement pour les cas confirmés biologiquement et pris en charge.

Globalement, les facteurs de risque d’une gonococcie ou d’une syphilis étaient : HSH, antécédents d’IST, de multipartenariat, co-infection par le VIH et prise de PrEP.

Enfin, la quasi-totalité (90 %) des cas vus en MG a été traitée soit de façon probabiliste soit après réception des résultats. Si les données suggèrent que les traitements après réception des résultats étaient majoritairement en accord avec les recommandations pour les cas d’IST non compliquées (azithromycine ou doxycycline dans les infections à Chlamydia, ceftriaxone dans les gonococcies et benzathine benzylpénicilline dans la syphilis), les recos des traitements probabiliste étaient moins suivies. En effet, celles concernant les urétrites et cervicites non compliquées ont récemment changé  (doxycyline en 1re ligne pour les non gonococciques ; ceftriaxone pour les gonococciques).

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