Depuis le 1er janvier, le reste à charge est nul pour certaines aides auditives. La loi 100 % santé renforce également le rôle des médecins généralistes, qui peuvent désormais prescrire un appareillage aux enfants de plus de 6 ans et aux adultes. Comment repérer un trouble auditif et quel bilan effectuer ? Quels arguments pour convaincre ? Quels modèles préférer ? Quel suivi des patients ?
La prévalence de la surdité ne cesse de croître à cause du vieillissement de la population, mais aussi de l’exposition sonore croissante des plus jeunes.
En France, on compte actuellement 6 millions de malentendants, soit 10 % de la population, dont la grande majorité sont presbyacousiques. La presbyacousie n’est pas à proprement parler une maladie, mais plutôt un processus normal de vieillissement concernant l’ensemble des structures neurosensorielles du système auditif.
Comment repérer ?
Si le dépistage de la surdité est désormais universel chez les nouveau-nés en France, il n’est pas encore réalisé de façon organisée chez l’adulte.
C’est souvent le médecin traitant qui repère un trouble auditif et cela même si ce dernier n’est pas le motif de consultation initial. Le généraliste peut avec de simples questions et/ou un questionnaire adapté détecter une surdité, apprécier sa sévérité et surtout son retentissement. En cas de doute sur une presbyacousie avec déclin cognitif associé, le Codex (www.testcodex.org) prend 3 minutes.
Le généraliste doit expliquer au patient les facteurs de risque de surdité et la façon de s’en prémunir : traumatismes sonores, médicaments ototoxiques, facteurs de risque cardiovasculaire…
Avec un otoscope et un diapason, le médecin peut réaliser un excellent bilan. L’otoscopie peut être anormale et expliquer à elle seule la surdité : bouchons de cérumen, perforations tympaniques, otites séro-muqueuses ou chroniques cholestéatomateuses. Lorsque cet examen est normal, une acoumétrie au diapason avec épreuve de Weber et de Rinne qualifie la surdité (encadré ci-dessous). L’atteinte unilatérale ou bilatérale oriente ensuite vers différentes pathologies (fig. ci-dessous).
Figure. Arbre diagnostique : surdités à otoscopie normale.
Quand adresser à l’ORL en urgence ?
Trois situations imposent un avis spécialisé ORL en urgence ou semi-urgence :
– surdité unilatérale brusque de perception : une corticothérapie orale peut être initiée par le médecin traitant ; une consultation chez l’ORL est souhaitable dans les jours qui suivent afin de réaliser une audiométrie pour quantifier la perte et envisager des mesures complémentaires (hémodilution, oxygénothérapie hyperbare, injections transtympaniques de corticoïdes) ;
– surdité avec otite externe persistante chez le diabétique ou l’immunodéprimé : risque d’évolution vers une forme maligne, véritable ostéite de la base du crâne, qui est gravissime, imposant une hospitalisation en urgence en service ORL. Les prélèvements bactériologiques du conduit auditif externe peuvent être faits précocement par le généraliste car l’identification du germe en cause (souvent Pseudomonas aeruginosa) et son antibiogramme sont essentiels ;
– surdité de perception évolutive unilatérale, possiblement associée à des vertiges, une paralysie faciale ou un acouphène unilatéral. Elle doit faire suspecter une pathologie rétrocochléaire (neurinome de l’acoustique). Elle impose une IRM injectée et une consultation ORL dans les semaines suivantes.
Quand appareiller ?
Un appareillage audioprothétique doit être conseillé systématiquement à tout patient consultant pour une hypoacousie et ayant une audiométrie tonale et vocale perturbée.
Chez un sujet se plaignant de surdité mais dont l’exploration de l’audition est parfaitement normale dans le silence, des tests dans le bruit ou un bilan de surdité centrale doivent être faits par un ORL.
À l’inverse, toute anomalie à l’audiométrie ne relève pas forcément d’un appareillage. Il faut tenir compte de la gêne engendrée, du mode de vie, des symptômes associés (acouphènes et hyperacousie notamment), des attentes du patient.
En cas de presbyacousie, il faut parfois « convaincre » le sujet – souvent adressé sur demande de sa famille – de la nécessité de l’appareillage même s’il ne se plaint de rien, l’atteinte progressive et insidieuse de la maladie rendant parfois le patient « aveugle » (et sourd !) à son problème de santé.
Les arguments pour convaincre !
Les bénéfices de l’appareillage auditif sont parfoisévidents pour tous sauf pour le principal intéressé. Cette aide permet de :
– lutter contre l’isolement social, l’appauvrissement linguistique, le déclin cognitif ;
– diminuer la fatigabilité auditive ;
– contrer les acouphènes et l’hyperacousie parfois associés.
Une audioprothèse ne « redonne » pas instantanément une oreille de 20 ans ! Il y a un phénomène d’habituation – qui prend généralement plusieurs mois – pour que le système auditif du sujet se « remette en route ». Si on ajoute à cela la gêne initiale de l’embout auriculaire, l’apprentissage de la manipulation du dispositif, les réglages, il n’est pas rare que le patient soit initialement déçu. Il faut donc bien l’informer qu’il s’agit d’un processus long demandant un effort de sa part pour que les bénéfices puissent apparaître au bout de plusieurs semaines, voire mois.
Une grande variété de modèles
De nombreux types d’appareils auditifs sont disponibles (fig. 5). De façon générale, plus ils sont miniaturisés, plus les performances en pâtissent (en termes de puissance mais aussi de technologie ou de batterie). Les intra-auriculaires, préférés des patients car plus esthétiques, nécessitent souvent une occlusion du conduit auditif externe, ce qui peut entraîner un inconfort et la perte des fréquences graves (délétère pour la perception d’une mélodie ou la localisation spatiale des sons). Il faut donc être prudent sur le conseil que l’on va donner au patient et privilégier plutôt des contours d’oreille, plus performants et polyvalents, tout en étant de plus en plus discrets.
Le choix dépend de plusieurs facteurs :
– degré de perte auditive et fréquences concernées ;
– anatomie du patient et comorbidités (Parkinson, polyarthrite rhumatoïde…) ;
– souhait esthétique, dans la mesure du possible ;
– symptômes associés (acouphènes ou hyperacousie) ;
– possibilités financières.
Loi 100 % santé : quelles nouveautés ?
Avec l’arrêté du 14 novembre 2018 qui est entré en vigueur au 1er janvier 2019, un nouveau système a été mis en place et a évolué progressivement jusqu’en janvier 2021. La reforme 100 % santé renforce le rôle des généralistes dans la prise en charge et le suivi des patients, et facilite l’accès à l’appareillage.
Désormais, pour les adultes et les enfants de plus de 6 ans, les aides auditives peuvent être prescrites par tout ORL mais également les médecins généralistes habilités, pouvant attester d’un parcours de développement professionnel continu (DPC) en « otologie médicale » validé par le Conseil national de l’Ordre des médecins. Avant 6 ans, la prescription est réservée aux ORL formés en audiophonologie infantile.
La prise en charge est assurée chez les patients ayant une surdité unilatérale ou bilatérale (stéréophonique), remplissant au moins l’une de ces conditions (pour chaque oreille) :
– surdité avec une perte auditive moyenne > 30 dB ;
– seuil d’intelligibilité dans le silence > 30 dB ;
– dégradation significative de l’intelligibilité en présence de bruit, définie par un écart du rapport signal de parole/bruit > 3 dB par rapport à la norme ;
– perte auditive dans les fréquences aiguës > 30 dB à partir de 2 000 Hz et avec un seuil d’intelligibilité > 30 dB dans le silence (et/ou significativement dégradé dans le bruit).
Les cas spécifiques et exceptionnels de neuropathie auditive et de troubles centraux de l’audition – dont le diagnostic est plutôt l’affaire du spécialiste en otoneurologie – sont également concernés. La garantie constructeur passe de 2 ans à 4 ans avec la nouvelle loi : il ne sera donc pas possible d’envisager un renouvellement remboursé par la Sécurité sociale avant ce délai.
Les appareils auditifs sont depuis janvier 2019 classés en type I ou II en fonction de leurs options. Le prix moyen est à ce jour de 1 500 euros par côté. Le remboursement de la Sécurité de sociale était de 199,71 euros, avec une participation variable des mutuelles et un lourd reste à charge pour le patient. Depuis le premier janvier 2021, le reste à charge est nul pour les aides auditives de classe I, qui permettent de couvrir les besoins de plus de 80 % de la population souffrant de surdité. De plus, une période de test de la prothèse est obligatoire.
La loi prévoit un contrôle aux 3e, 6e et 12e mois, puis au minimum 2 fois par an. L’audioprothésiste doit fournir un bilan à chaque visite avec la mesure du gain auditif, une audiométrie tonale et vocale dans le silence et dans le bruit.
D’après : Molinier CE, Fraysse B. Presbyacousie. Rev Prat Med Gen 2019;33:741-7.
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Image : Adobe Stock